Bezout a écrit :
Apres la lecture des 11 pages, je remarque quand même une chose, c'est que l'on parle beaucoup de théorie, mais que nul part on ne voit d'exemple concret d'application des modes, de la polytonalité, des modulations bartokienne, etc...
Sans vouloir jouer le donneur de leçon, je vous propose de jetter un oeil à la sonate pour violon de Debussy, car je trouve que c'est un tres bon exemple pour comprendre les modes, leur utilisation, ainsi que l'harmonie complexe. Ce qu'il y a de bien avec cette sonate, c'est qu'elle est ecrite très simplement. Il n'y a pas de techniques d'ecriture fumeuse, je dirais même que c'est plus simple que du Bach (d'ailleur c'est la volonté de Debussy, de revenir à un truc simple. Regardez La Mer, c'est affreux de complexité).
On pourrait très bien remplacer le piano et le violon par 2 guitares et une basse (sisi !, essayez
)
Donc bref, voila le lien (légal) de la partition.
http://www.dlib.indiana.edu/va(...).html
On commence (attention, je fais une analyse tres simple, on est pas au conservatoire non plus).
Dans la première partie, ça commence dejà fort. Un premier accord de Sol m (tonalité du morceau soit dit en passant), puis un Do M. Dans quelle tonalité on est? Peut on dire qu'on est en Sol dorien? Peut être, c'est trop tot pour le dire. Vient ensuite un Do7, puis un Mibm. Est ce qu'on est passé dans un autre mode? Je dirais plutot qu'on est arrivé sur un emprunt à une tonalité mediane (comme si le relatif majeur etait passé en mode mineur).
Ensuite vient un Re7/9, puis on retombe en Sol mineur (cadence V I). Tiens donc, on est donc bien en sol mineur alors?
Dans ces quelques accords, il y a 3 choses à noter. Une cadence "modale" au debut, un emprunt à une autre tonalité (le mode mineur du relatif majeur), et puis finalement une cadence V I. Ca n'a rien d'extraordinaire dit comme ça, mais ça montre comment on peut voyager en 4/5 accords qui tournent autour d'un pivot. Pas de grandes suites d'accord sans queue ni tête ici.
La suite est interessante, on remarque une pedale sur le Sol, avec par dessus Dom6/Sol - Solm - Dom6/Sol - Solm - Fam6 - MibM - Re - Dom - Bb - Fm - Ab - Mib - Solm (ouf).
Rien de bien mechant pourtant, du Fm à Bb, on ne fait qu'une descente de la gamme avec des accords (noter le Veme degres en majeur). Apres on fait un rapide passage vers Ab (sous dom), pour finalement aboutir sur la tonalité de départ.
L'idée ici, c'est la pedale sur le sol (que l'on perd au Fa m).
Est ce qu'on était en modal? Moi je vois ici quelque chose de purement tonal.
A noter la manière interessante donc Debussy suspend sa mélodie (sur la sensible Fa#), accompagnée d'un accord de Ab 9 5b (ou autrement dit une espece de gamme par ton jouée d'un coup).
Ca repart ensuite sur le même principe de note pedale (sur le Sib cette fois). Je vous laisse regarder la mélodie (Do 5+ puis Am7), alors qu'en dessous on a ce Ab9 5b et une espece de Solm11/13. Apres on retrouve un Solm9/13, entre deux Fa#7/9b). C'est comme si sur une note pedale, il s'amusait à changer les enrichissements et les accords. Est ce qu'on est en modal? Je n'ai pas l'impression, je sens clairement les cadences et l'évolution tonal (la gamme par ton qu'il resoud progressivement sur Solm, puis le Vii - I avec le Fa#). La fin est d'accord tres clair: Fa#7/9 puis Re7 puis Solm7 (avec une 11eme en haut, mais c'est du detail).
Pourtant vous avouerez que ça change du II V I classique, et que ça sonne "riche". Et ça reste simple.
Au n°2 à la page suivante, il y a un truc interessant. Toujours sur pedale de Sol, il s'amuse a enchainer les accords de 7eme (Fa7 - Re7 - Do7 - Bb7. Au chiffre deux, il s'etend sur un long Bb7 basse de sol, puis B7 basse de sol, puis Rem6 basse de Sol, puis Do7 basse de Sol. Suivit d'un rapide Solm7/11 - Do7 - Solm7/11 (decidement il aime les cadences plagales
)
Comment on analyse ça?
Aucune idee, et aucun théoricien n'a de réponse (c'est écrit noir sur blanc dans les livres !!). On est en plein dans le domaine de Debussy/Ravel, a savoir des suites d'accords qui n'ont pas de justification, si ce n'est leur sonorité.
Est ce qu'on est en modal? En tonal? Je ne sais pas. Moi je vois surtout un truc instable qui permet de voyager (et là de retourner vers Solm).
La suite est encore plus interessante. Regardez les accords. Il n'y en a plus. On est sur une pedale de Mi en continue (les notes Mi - Si qui se balladent sur le clavier). Et à la mélodie, qu'est ce qu'on a? Un joli truc qui a une allure vraiment modale.
Ensuite viennent des accords (la suite d'accord correspond à un theme dejà entendu).
Puis on retombe sur ce principe de pedale, cette fois ci en Do. La melodie est sensiblement la même, à peu de chose pres qu'elle n'est plus dans le même mode. A mon humble avis, on est ici en Lydien.
Apres, rebelote avec le Mibm (à noter les glissendo au violon, ça sonne vraiment oriental là).
Plus loin, rebelote en Phrygien cette fois ci (sauf que la melodie est dans les accords, plus au violon).
On revient ensuite au theme principal, avec une superbe montée en puissance. Et la fin, pas besoin d'analyse, on entend clairment le mode phrygien sur pedale de Do Majeur(peut être un poil cliché aussi).
Que faut il retenir de tout ça? Surement que tout ce qui a été dit est surement vrai, mais qu'il faut apres mettre en pratique. Vouloir harmoniser les modes, jouer un mode sous chaque accord, ou bien faire des grilles à la mord moi le noeud est peut etre une mauvaise piste. Choisir une tonalité, faire moduler dans une tonalité eloignée, revenir, faire une cadence "modale" avec de rapides enprunt; voila ce qui me semble juste. Tout comme faire des notes pedales et des cadences pour affirmer la tonalité, se permettre de voyager un peu n'importe où sans oublier de reaffirmer d'où l'on vient.
En fait, tout dépend de la forme du morceau. On peut jouer des modes sur des accords, on le voit dans cette partition. Mais ces accords ne durent pas une demi mesure. Tout comme chercher à trouver partout des modes est inutile. Parfois il suffit de penser en terme d'emprunt ou de modulation.
Enfin voila, j'ai ecrit ça sur ce forum, mais ça colle avec le fait que j'ai analysé cette partition pour moi même. je voulais faire partager, car je trouvais que ça venait illustrer concretement ce débat.
P.S: vous pouvez écouter cette sonate de Debussy, ça n'est pas de la musique "classique", c'est très loin d'être ringard
Dans l'ancien topic de 27 pages sur les modes xD