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- Publié par
fmkf le 06 Mai 2004, 15:07
Puisqu'on en parle:
M. Bush et le chaos
LE MONDE | 06.05.04 | 12h55
LES NÉOCONSERVATEURS américains voulaient du changement au Proche-Orient, par la force au besoin. Dans le désarroi des lendemains des attentats du 11 septembre 2001, ils ont imposé cette idée-là au président George W. Bush. C'est du statu quo qu'était venu le malheur de ces régimes autoritaires, parfois alliés des Etats-Unis, dont la brutalité et l'incompétence ont nourri l'islamisme radical. Faute de savoir favoriser des évolutions intérieures, éminemment souhaitables mais forcément plus lentes, il fallait un électrochoc. Il fallait donner un coup de pied salutaire, ne pas avoir peur d'une phase de déstabilisation temporaire, indispensable étape avant la recomposition d'un ordre proche-oriental plus satisfaisant pour tout le monde. En économie, on parlerait d'un processus de destruction-création.
Ce coup de pied dans l'ordre ancien, ce fut la guerre en Irak. Et, si la situation n'était si tragique, on aurait volontiers envie d'ironiser en observant que les néoconservateurs semblent en passe d'accomplir avec succès la première phase de leur plan : le chaos.
Où qu'on tourne le regard vers cet Orient compliqué, qui se prête mal aux expérimentatins pour apprentis sorciers, le pessimisme est de mise : pas un point chaud, pas un conflit qui ne paraisse avoir empiré sous l'impact de la politique menée par le gouvernement Bush.
La confrontation israélo-palestinienne prête au désespoir. L'administration Bush n'en a jamais fait une priorité. Pour des raisons cosmétiques, avant d'entrer en guerre contre l'Irak, elle a fait mine d'appuyer un calendrier de reprise des négociations entre les deux parties devant déboucher sur l'établissement d'un Etat palestinien en 2005. Cela s'appelait la "feuille de route"; elle n'a pas décollé. Puis l'administration a apporté son soutien enthousiaste au plan du premier ministre israélien, Ariel Sharon, de retrait unilatéral de Gaza. Pour des raisons de politique intérieure israélienne, il n'y a plus de plan Sharon. En revanche, il y a, jour après jour, terriblement banalisée, normalisée, l'annonce quotidienne des morts dans les territoires occupés – ou en Israël. Et ces images, en boucle, sur toutes les télévisions arabes.
En collant à la politique de M. Sharon, Washington s'est départi de son rôle d'honnête médiateur entre Israéliens et Palestiniens. Le président égyptien Hosni Moubarak disait récemment au Monde qu'il n'avait jamais connu une telle détestation des Etats-Unis dans la région. Le roi Abdallah de Jordanie a retardé une visite à la Maison Blanche, pour qu'elle n'ait pas lieu au lendemain du jour où M. Bush endossait le plan Sharon. C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier l'effet dévastateur de la révélation des tortures en Irak. Elle achève de décrédibiliser une image des Etats-Unis que la gestion de l'après-guerre avait déjà singulièrement minée. L'occupation a donné un regain de motivation à des islamistes qui multiplient les attentats en Arabie saoudite.
L'ensemble prend une tournure : celle d'un monumental et tragique fiasco.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.05.04
Et en gros, ça ne s'éloigne pas de mon opinion sur les responsabilités américaines dans la région.