Discret. Ed R. est un homme discret. Il pourrait s'épuiser à nous expliquer en long, en large et en travers comment son Delay (Echoczar + Angelbaby, si possible) est tellement plus lent, lourd et difficile à construire qu'un OD. Pour des raisons techniques, dont l'essentiel m'échappe encore, il préciserait avec une insistance jalouse comment il choisit et apparie les 2 ou 4 Panasonic, comment il les accorde lentement (c'est son mot...), comment il les écoute à nouveau, et les accorde encore.
Il nous dirait peut-être encore, mais il a cette forme de pudeur, ou cette qualité de silence de certains créateurs, qu'il fait tout tout seul, de A à Z, et qu'il en vit à peine dans son petit coin de paradis, là-bas, à Anza, CA, à un peu plus de 1000 mètres d'altitude, avec l'ombre bleue des Cahuill Mountains couchées sous le vent, au fond du jardin, ce jardin aux arbres maigres dont les branches se reflètent sur le miroir poli des Echoczar, Powerglide ou autres Halophaze que Ed photographie et vous envoie quand il croit, enfin, que tout est au plus près de ce qu'il cherche et entend, inlassablement. Pour l'exemple, il croyait pouvoir sortir deux Quad, l'année dernière. Un seul a vu le jour, et encore c'était début Janvier 2014 ! Pas d'endorsements, pas de revendeurs. C'est une exigence rare, clandestine, légèrement parano, sans doute, pour les esprits chagrins. L'homme a bien plus à voir avec Bernard Palissy qu'avec une page de catalogue de chez Thomann.
L'Echoczar ouvre des morceaux qu'on croyait sans issue. L'air de rien, il en fait surgir d'autres. Ce n'est pas un effet, c'est un instrument de musique, un instrument rare. Ceux qui ont la chance de le pratiquer voient, je crois, assez clairement ce que je tente maladroitement d'exprimer ici ; ils savent ainsi, plus ou moins confusément, qu'ils entretiennent avec lui une forme de dialogue.
It's not a piece of gear, it's a work of art.
Je lui devais bien cet hommage.
«Wir leben unter finsteren Himmeln, und –es gibt wenig Menschen. Darum gibt es wohl auch so wenig Gedichte. Die Hoffnungen, die ich noch habe, sind nicht groß. Ich versuche, mir das mir Verbliebene zu erhalten. »
Paul Celan, 18 mai 1960, Lettre à Hans Bender.