Si j'étais réellement de mauvaise foi je moquerais cette revue, bastion du freudisme le plus orthodoxe et coincé, puisque c'est l'organe de publication de la SPP. Heureusement je suis plus subtil que j'en ai l'air et je manie le bazooka aussi avec second degré de gâchette.
Il y a quand même, quoi qu'on en pense, un dévoiement de la pensée et de la pratique analytique par des charlatans purs et simples, mais aussi par des gens sincères, mais qui ont perdu l'essence de l'enseignement freudien. J'en veux pour preuve le débat, selon moi toujours actuel, sur ce qu'on a appelé "ego psychology", application caricaturale du freudisme aux USA après les années 30.
Cela ne veut pas dire qu'il y a une psychanalyse "vraie et fausse", cette idée allant à l'encontre de ce qu'est la psychanalyse, mais qu'il y a des pratiques qui vont à l'encontre de ce que l'on pourrait appeler le contenu révolutionnaire de la psychanalyse. Je renvoie sur cette question à de multiples lectures, dont celle des premiers séminaires de Lacan, mais aussi à celle de Guattari et Deleuze.
Sur la question du "pervers narcissique", enfin, je suis désolé, mais la clinique c'est aussi mon boulot, vu que je suis infirmier psy et que du coup sans clinique je ne peux pas travailler, c'est autant mon boulot que les médecins, les psychologues, les psychanalystes, etc... bref c'est une question de fonction et non de statut juridique, et sur ce plan, force est de constater que le "pervers narcissique" est une appellation marketing. Ca n'existe pas, tout simplement, des gens correspondant à la description internet du "pervers narcissique" ça existe mais dans plein de configurations psychiques différentes. Cette étiquette, je l'appelle marketing, pas seulement parce qu'elle a fait vendre des livres de vulgarisation "psy", mais aussi parce qu'elle correspond à un certain état d'esprit que j'appelle "capitalisme psychothérapique", qui va de pair avec la démultiplication des "thérapies" et donc de l'arsenal diagnostic alternatif correspondant à chacune d'entre-elles.
Si on parle en termes analytique, "pervers" renvoie à une certaine organisation du psychisme que l'on peut décrire comme "le prisonnier qui jouit d'avoir enfermé une mouche dans un bocal", "narcissisme" renvoie à tout un concept freudien qui est une des notions centrales de la psychanalyse qu'elle soit freudienne, winnicottienne, lacan, klein, anna freud, pankow, etc... c'est un point clé... mais "pervers narcissique" c'est comme "yahourt bactérique". Ca ne veut rien dire.
Parfois , c'est aussi une manière un peu simple de dire : "votre conjoint/conjointe vous vampirise". Mais on en a fait un diag à part entière, enfin, un diag, je n'ai jamais vu un seul médecin psychiatre poser ce diagnostic, ni aucun psychologue, alors je ne sais pas qui peut poser un truc pareil.
Je suis pas surpris de trouver ce titre chez la RFP car ils ont parfois des intitulés un peu "marketing", c'est aussi pour ça que je me méfie un peu d'eux, après le contenu est souvent là pour diluer et dire qu'au fond, ça n'existe pas, ou pas comme c'est présenté, ou que ça recoupe diverses autres appellations, d'autres fois ils s'approprient un nouveau "concept" diagnostique pour rester à la page, j'ai lu plusieurs numéros de cette revue et je n'en ai pas tellement aimé le ton et le style, le contenu ça dépend, perso je lis plutôt Che Vuoi?, Clinique Lacanienne, Unebévue ou la revue lacanienne, figures de la psychanalyse, etc... c'est très lacanien, parfois un peu orthodoxe relou, mais j'y trouve des choses... Il y a l'unebévue aussi qui a l'air très bien, et pour ceux qui aiment les antiquités, les revues Ornicar? et Littoral.
Chimères aussi, revue de schizo-analyse, c'est autre chose, conceptuellement, que la revue francaise de psychanalyse.