La psychanalyse pour les nuls (et les moins nuls)

Rappel du dernier message de la page précédente :
Seth Rotten
Le Lacan des dernières années est le plus méconnu car le plus raide, il ne livre plus de système "explicatif".
Par ailleurs, et ça emmerde les cliniciens comme les conceptualistes, il révise radicalement la clinique psychanalytique pour montrer combien les barrières entre psychose et névrose sont friables.
En fait il finit par un peu remettre en question (au sens premier de l'expression) toute la constellation conceptuelle de la psychanalyse, intellectuellement c'est parfois un peu raide et beaucoup préfèrent s'en tenir aux séminaires d'avant les années 70.

Pour le jeu de mot, certes les lacaniens peuvent en être insupportables lorsque ce n'est pas à propos, mais là, c'est un héritage freudo-freudien. C'est Freud qui a écrit sur le lapsus et le mot d'esprit, sur l'équivoque d'un mot qui peut revêtir plusieurs sens. Si les jeux de mots "lacaniens" sont identifiables à leur style très particulier, le jeu sur les mots est une base de la technique analytique partagée par tous les praticiens, quelque soit leur orientation.
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Seth Rotten a écrit :

..le jeu sur les mots est une base de la technique analytique partagée par tous les praticiens, quelque soit leur orientation.

oui, je pense que l'usage du jeu de mot est absolument pertinent dans le cadre clinique, mais quand ils parsèment les livres de sociologie, entre métaphores et pseudo-ethymologie, comme substitut au raisonnement, cela à tendance à m'agacer un peu. Je trouve beaucoup de points communs entre la démarche d'écriture et la démarche musicale. Je recherche le propos parcimonieux mais pas minimaliste, puissant mais pas bourrin. J'évite les jeux de référence ou de virtuosité et cherche le mots, la note juste. C'est une direction que je m'efforce de suivre... enfin je crois.
Vous battez pas, je vous aime tous
Seth Rotten
C'est à ça qu'on reconnait les bons psychanalystes, ils n'en font jamais trop et surtout ne font pas de style.
Les jeux de mots de Lacan ce n'est pas du style, l'équivoque sur "les noms du père"/"les non-dupes errent" par exemple est très représentatif de l'évolution de sa théorie des psychoses. Je ne serai pas aussi indulgent avec certains de ses continuateurs.
Biosmog
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oui, je me rappelle d'une très ancienne lecture que j'avais faite où il y avait un analysant borgne et orphelin de père, et le lacanien développait une histoire de deuil --> don de l'oeil

ça m'avait vraiment marqué comme constituant un véritable dérapage interprétatif

(peut-être que je n'avais en fait rien compris)
Vous battez pas, je vous aime tous
Seth Rotten
Bah faut voir, parce que cette "borgnitude", comment le mec la vit, quel parallèle inconscient est fait avec la perte du père, etc... non, ça peut être très con comme tout à fait pertinent, faut voir comment c'est développé etc..
Invité
lapinmalin a écrit :
Je ne comprends rien... Pourtant je suis bien angoissé, ça devrait me parler

Vous avez un bouquin basique à me conseiller, facile à lire qui explique bien la psychanalyse, un genre de "psychanalyse pour les nuls mais pas trop nuls".

Merci d'avance.


L'auteur le plus abordable, me semble t'il, est Serge André.

En principe tu peux trouver de lui un texte intitulé " qu'est-ce que la pédophilie" ou "en quoi suis je autorisé à parler de la pédophilie"

Le texte ne se limite pas à cette question (de la pédophilie) et propose également une explication (que je trouve très claire) des diverses structures mentales identifiées par la psychanalyse (névrose psychose et perversion)... faut juste faire attention parce qu'il parle le wallon ...: il dit "châtré" là où d'habitude on dit "castré"
Seth Rotten
Le duo belge, Serge André (ECF) et Joel Dor (ALI).

Je lirais bien ses bouquins sur la pédophilie et l'holocauste.

EDIT : il y a Slavoj Zizek aussi, qui écrit des choses intéressantes.
C'est tantôt très hard, tantôt plus accessible, avec pas mal d'exemples concrets.
Il a en plus l'intérêt d'inclure la psychanalyse dans une dynamique politique ce qui est selon moi louable. Il a pas mal influencé les lacaniens américains qui sont pas les moins intéressants.
Quand je parlais de l'ELP tout à l'heure (école lacanienne de psychanalyse) ils s'inspirent aussi de Zizek.

A lire, donc !

Son film sur le cinéma dont parlait un autre contributeur du forum :

http://nemesistv.info/video/WH(...)stfr#
Invité
Seth Rotten a écrit :
C'est à ça qu'on reconnait les bons psychanalystes, ils n'en font jamais trop et surtout ne font pas de style.
Les jeux de mots de Lacan ce n'est pas du style, l'équivoque sur "les noms du père"/"les non-dupes errent" par exemple est très représentatif de l'évolution de sa théorie des psychoses. Je ne serai pas aussi indulgent avec certains de ses continuateurs.


+1000

Il y en a des pelles qui écrivent n'importe quoi mais qui s'imaginent qu'ils arrivent à "enfumer" leurs lecteurs en jouant avec le "jargon"... c'est à cause d'eux que la psychanalyse a aussi mauvaise réputation...

Je peux donner des noms

(mais je vais éviter: faudrait par que G.com soit attaqué en justice )
Seth Rotten
Oh tu sais tu peux, la controverse sur l'héritage lacanien est publique et puis c'est la démocratie, j'ai pas honte à dire que je désapprouve l'orientation donnée par Jacques-Alain Miller à la psychanalyse.

Mais c'est là qu'on voit ceux qui enfument et ceux qui sont un peu honnêtes.

Après bon, personne n'est parfait et comme disait l'autre (haha), "si vous pensez avoir tout compris c'est que ce n'est pas le cas", mais enfin, un minimum quand même !
Invité
Citation:
rie on peut dans un premier temps se dire qu'il n'existe aucun savoir hors-langage. "Il n'y a pas de méta-langage" or le savoir est le langage par excellence.


Je crois que c'est dans "problèmes cruciaux pour la psychanalyse" (titre inspiré à Lacan par Jacobson) qu'il donne la plus claire explication : tout ce qui peut se dire du langage (et notamment d'une prétention à dire "le vrai sur le vrai" - comme le voulait Pontalis ... qui n'avait pas compris grand'chose) ne peut s'énoncer que dans le langage: on se retrouve face à un problème de "circularité" ... qui n'est pas sans rappeler l'impossibilité pour l'arithmétique de Peano de démontrer sa propre cohérence (ce n'est qu'une analogie).

Citation:
Oui, mais là on parle bien d'un savoir d'une certaine manière tout puissant. Ce savoir n'en est donc plus un puisqu'il est fermé, sans ouverture possible, sans réponse envisageable, sans faille ni questionnement... Donc ce n'est plus tant un savoir qu'un discours fermé, qui tourne en boucle, un peu comme un délire paranoïaque constitué et avancé (cf, dans la classification psychiatrique un peu rigide, le "délire d'interprétation de Sérieux et Capgras"). Du coup, dans ce rapport de langage, on devient désubjectivé car sans place possible dans la dialectique (c'est même une négation de toute dialectique possible car la dialectique sous-entend la présence de deux sujets). C'est ça qui est angoissant : l'imminence d'être réduit à un objet de jouissance pour l'Autre, en l'occurrence que dans le discours de l'autre on ne soit qu'un objet-auditeur sans possibilité de répondre.



Je te suis parfaitement bien... c'est d'ailleurs pour cela que l'analyse vise, entre autres, à amener l'analysant à une "désupposition du savoir".... Hegel croit devenir fou en achevant son système.
La comparaison avec un système paranoïaque est on ne peut plus juste (enfin, je le crois)




Citation:
Si on se réfère à la théorie des quatre discours c'est la logique du discours de l'Université poussée au bout : le locuteur "universitaire" émet une parole dont le produit est un savoir, mais dont le récepteur n'a qu'une place d'auditeur (et ne peut qu'être élève, jamais devenir maître à son tour).


Je me suis toujours demandé si le discours de l'universitaire ne correspondait pas à celui de l'obsessionnel (bien que Freud ait rappelé que le discours obsessionnel n'était qu'un dialecte du discours de l' hystérique)

Citation:

Tu as raison c'était un abus de langage de ma part (gros lapsus écrit : j'allais écrire "abus sexuel" !), que l'angoisse ait un caractère sexuel, ou disons, qu'elle y soit liée, oui, mais ce n'est pas son attribut unique. La complexité de l'angoisse c'est que c'est un peu "hors symbolique" donc pas "phallique" au sens lacanien, mais ça s'y réfère.


Là je te suis bien... c'est également ce que je crois ... ça se réfère au phallique et provoque l'angoisse justement parce que ça ne s'y réduit pas

Citation:
Tout est plus clair si on se réfère au schéma borroméen du RSI annoté par Lacan :


Je ne suis pas capable de comprendre ce schéma... j'ai besoin des "explications" (mais j'ai encore le temps, je n'ai pas prévu de mourir tout de suite )


Je vais lire le texte que tu as chopé sur le site de l'Ali...
Invité
Seth Rotten a écrit :
Oh tu sais tu peux, la controverse sur l'héritage lacanien est publique et puis c'est la démocratie, j'ai pas honte à dire que je désapprouve l'orientation donnée par Jacques-Alain Miller à la psychanalyse.

Mais c'est là qu'on voit ceux qui enfument et ceux qui sont un peu honnêtes.

Après bon, personne n'est parfait et comme disait l'autre (haha), "si vous pensez avoir tout compris c'est que ce n'est pas le cas", mais enfin, un minimum quand même !




Heureusement que j'ai très peu de mémoire (mémoire des noms tout particulièrement : pas trop étonnant pour un obsessionnel ...

y'a quand même V. Hasenbalg qui dit des âneries faramineuse sur la théorie des transfinis de Cantor....

Tyzsler qui propose dans son dernier bouquin (?) un exemple d'interprétation qui aurait fait les délices de Karl Popper... (je ne dirai rien de plus des impressions qu'il m'a laissées lorsque je l'ai rencontré)

Firenze qui n'a rien compris à Kant mais qui veut à tout prix trouver le lien entre la logique transcendantale et la logique lacanienne ...

Sinon je suis parfaitement d'accord avec toi : personne ne peut prétendre "avoir tout compris" (l'Autre est barré)...


La querelle Miller / Melman .... : elle a bien sa place sur la ligne imaginaire... je renvoie les deux dos à dos...


... même si je trouve que les deux ont parfois écrit des textes qui valent le détour, je dois être honnête..
Seth Rotten
Pour te répondre sur Melman/Miller c'est une querelle de personnes avant d'être un désaccord théorique, quoi qu'on en dise, puisque leurs divergences sont les divergences naturelles de deux analystes.
Ensuite s'est greffé dessus des désaccords plus importants sur la façon de régir la cure, sur le rapport à la passe et donc au pouvoir au sein de l'école, etc... mais au départ c'est une animosité entre deux personnes, qui plus est l'un étant l'analyste de l'autre (Miller a passé neuf ans, il me semble, sur le divan de Melman).
C'est un peu la dispute autour de l'héritage, qui est légitime de quoi.
Donc oui cela procède de l'imaginaire.

Citation:
tout ce qui peut se dire du langage (et notamment d'une prétention à dire "le vrai sur le vrai" - comme le voulait Pontalis ... qui n'avait pas compris grand'chose) ne peut s'énoncer que dans le langage: on se retrouve face à un problème de "circularité" ...


C'est ça !
C'est pourquoi Lacan fait appel aux schémas topologiques et aux mathèmes : il cherche un peu ce "méta langage", il cherche à développer une langue qui pourrait parler sans équivoque de la langue, il cherche à échapper aux chausse-trappes du langage, etc... Avec, doit-il l'avouer, un succès modéré... qui valide au final son présupposé...

Citation:
c'est d'ailleurs pour cela que l'analyse vise, entre autres, à amener l'analysant à une "désupposition du savoir"


Absolument et pour être plus précis une des premières étapes de l'analyse est de faire choir l'analyste de sa place de "sujet supposé savoir" qui est un premier pas vers l'émergence du "sujet de l'inconscient" de l'analysant.
C'est une étape qui est très sensible lors de l'analyse (ça se fait pas d'un coup, c'est en plusieurs temps), quand on commence à se dire, à certaines interprétations "putain mais il a rien compris en fait". Hé hé.

Citation:
Je me suis toujours demandé si le discours de l'universitaire ne correspondait pas à celui de l'obsessionnel


C'est intéressant car le discours de l'université, c'est la production d'un savoir froid et détaché du désir. Or les obsessionnels isolent leurs affects et construisent une production de langage où le désir est totalement isolé, refoulé, mis à distance.
Donc sans les calquer l'un sur l'autre je pense que le parallèle se tient.

Citation:
Je ne suis pas capable de comprendre ce schéma...


T'inquiètes moi non plus
j'y prends un peu ce que j'y lis, c'est une interprétation un peu personnelle et sans doute hérétique mais peu importe.
Invité
Biosmog a écrit :
oui, je me rappelle d'une très ancienne lecture que j'avais faite où il y avait un analysant borgne et orphelin de père, et le lacanien développait une histoire de deuil --> don de l'oeil

ça m'avait vraiment marqué comme constituant un véritable dérapage interprétatif

(peut-être que je n'avais en fait rien compris)


C'est précisément le genre d'interprétation qui me laisse.... rêveur (pour rester poli)...

Maintenant peut-être qu'en examinant les détails du cas on s'apercevrait que c'était pertinent - on peut pas l'exclure a priori.... mais on peut lire (et entendre en conférences ou dans les séminaires) tellement d'âneries que , personnellement, je suis devenu très méfiant
Invité
Seth Rotten a écrit :
Pour te répondre sur Melman/Miller c'est une querelle de personnes avant d'être un désaccord théorique, quoi qu'on en dise, puisque leurs divergences sont les divergences naturelles de deux analystes.
Ensuite s'est greffé dessus des désaccords plus importants sur la façon de régir la cure, sur le rapport à la passe et donc au pouvoir au sein de l'école, etc... mais au départ c'est une animosité entre deux personnes, qui plus est l'un étant l'analyste de l'autre (Miller a passé neuf ans, il me semble, sur le divan de Melman).
C'est un peu la dispute autour de l'héritage, qui est légitime de quoi.
Donc oui cela procède de l'imaginaire.



le plus "amusant" dans l'histoire, c'est que Melman a qualifié Miller de "raté de la psychanalyse"

Au dela de ça, la question que je me pose ... ... : comme tu le dis c'est là un problème de "succession", de l"héritage"...
L'exemple de ces deux messieurs dont, par ailleurs les qualités intellectuelles ne me laissent pas de doute, me laisse penser qu'il est vraiment trop facile de retomber dans des travers pourtant dénoncés depuis des siècles... j'en suis venu à nourrir une forme de crainte superstitieuse devant toute place liée à un "pouvoir"...

J'ai cru un moment que le choix du nom "ALI" était un "lapsus délibéré" ... Ali étant par ailleurs celui avec qui s'est posée la question de la succession dans l'islam

(le texte sur l'Autre réel est trop difficile pour moi pour l'instant; je le garde "sous le coude")
Invité
Seth Rotten a écrit :
Le duo belge, Serge André (ECF) et Joel Dor (ALI).

Je lirais bien ses bouquins sur la pédophilie et l'holocauste.

EDIT : il y a Slavoj Zizek aussi, qui écrit des choses intéressantes.
C'est tantôt très hard, tantôt plus accessible, avec pas mal d'exemples concrets.
Il a en plus l'intérêt d'inclure la psychanalyse dans une dynamique politique ce qui est selon moi louable. Il a pas mal influencé les lacaniens américains qui sont pas les moins intéressants.
Quand je parlais de l'ELP tout à l'heure (école lacanienne de psychanalyse) ils s'inspirent aussi de Zizek.

A lire, donc !

Son film sur le cinéma dont parlait un autre contributeur du forum :

http://nemesistv.info/video/WH(...)stfr#


Joel Dor , j'avais commencé son bouquin qui introduit à la lecture de Lacan (j'ai oublié le titre...), mais j'ai trouvé que ça procédait d'une mauvaise démarche : les constructions de Lacan y sont présentées indépendamment des problèmes concrets qui en ont motivé l'élaboration...

Serge André , je ne peux pas être objectif: quand je l'ai lu la première fois j'ai eu l'impression qu'il écrivait rien que pour moi ...
Il est possible que j'ai croisé ce monsieur: j'ai appris que nous allions aux mêmes séminaires (d'E Doumit)... mais je n'ai découvert ses textes qu'après son décès...

En voilà un ici : http://www.oedipe.org/fr/actua(...)hilie

"L'imposture perverse" est une vraie merveille, ainsi que "le sens de l'holocauste"... (mais comme je l'ai dit: je ne suis pas objectif du tout) ... de même que le texte qui fait suite à son unique roman (Flac): l'écriture commence où s'achève la psychanalyse
En revanche je n'ai pas réussi a avancer dans son bouquin sur la psychose et la fonction de l'écriture : trop difficile pour moi, pour l'instant....

Va falloir que je me penche un peu sur Zizek ... ...
Invité
Seth Rotten a écrit :

j'y prends un peu ce que j'y lis, c'est une interprétation un peu personnelle et sans doute hérétique mais peu importe.


Tant mieux ... "hérétique" est une grande qualité à mes yeux

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