Citation:
il affirme l'existence d'une jouissance pleine, liée à un objet bien réel... par voie de conséquence, il est soumis à une injonction surmoïque plus tyrannique encore que dans le cas du névrosé: il ne peut pas se soustraire à l'impératif de jouissance qu'il croit émaner de la Nature elle même...
C'est ça, André est lacanien je suppose pour raisonner ainsi, sur l'objet.
Chez le pervers il y a cette idée que "le père" comme mythe est un minable que l'on peut mépriser et dont on peut se jouer, et que là où le névrosé place l'objet "cause du désir" chez l'autre, le pervers le vit comme en transition entre l'autre et lui, et il doit se le réapproprier, de bon droit puisque les autres sont nuls, et lui dicte sa propre loi, se jouant (il y a cette idée de jeu, de moquerie) de "la loi". On voit en quoi le pervers, dans la logique structuraliste du séminaire d'avant 68, est "entre" névrose et psychose, sur la localisation de l'objet a.
Mais comme tu dis, il y a chez le pervers un Surmoi encore plus brutal et cruel que chez le névrosé, car l'on sait avec Zizek, qui est un excellent exégèsiste du Surmoi lacanien, qu'avant d'être interdicteur, le Surmoi est l'instance qui pousse-au-jouir. Chez le pervers le Surmoi est particulièrement obscène dans cette injonction qui oblige sans cesse le pervers à cliver, à se jouer de l'autre... Illustration par l'idée que le pervers est "le prisonnier qui se moque cruellement d'une mouche qu'il a enfermé dans un bocal".
Là où le type-même de l'obsédé, tel Ernst Lanser, considère son père comme un nul, pas à la hauteur, un "bon copain" mais bon bof, le pervers le méprisera plus franchement et se jouera/jouira de lui substituer à une loi incarnée et transmissible sa propre loi tyrannique et innée.
Et pour revenir à l'objet, je pense que le vécu vis à vis de l'objet a est au delà du fantasme. Je veux dire que chez le névrosé, l'objet a est vécu comme manquant, perdu irrémédiablement, chez l'autre... objet réel donc, mais d'un réel inaccessible autrement que par les sinuosités du symbolique, du langage et du désir, donc.
Autant chez le psychotique cet objet est d'un réel brutal et concret, "il l'a dans sa poche" comme disait l'autre, autant chez le pervers, l'objet réel est chez l'autre, ou incarné partiellement dans le fétiche, dans une logique de clivage qui fait que le fétiche est requis pour jouir, et du coup, cet objet est en passe d'être réapproprié, là où l'imminence de la retrouvaille angoisse le névrosé.
Je veux bien ton article.
Citation:
Si j'ai bien compris, ça désignerait pourtant des personnes nuisibles pour leur entourage, ce ne serait donc pas eux qui consultent le psy pour déprime...(ou plus sérieux) mais leurs proches (conjoints, famille, collègues).
Oui mais des "personnes nuisibles pour leur entourage" tu en as plein, tu peux rencontrer de vieux hystériques qu'on qualifie parfois de "passifs-agressifs" qui l'air de rien usent et épuisent leur famille dans le but de toujours susciter chez eux une insatisfaction de désir où se loger, tu as des pervers qui vont se servir de l'autre pour calmer leur angoisse en les phagocytant, en les sadisant au possible... il y a tout un panel de situations... En fait l'idée de "pervers narcissique" désignerait à la limite non pas une personne, mais un contexte, la rencontre entre deux personnes, l'une qui a ce comportement que l'on a décrit, et l'autre, la victime, toujours très masochiste, qui subit sans fin l'agressivité et le sadisme du conjoint ou de la conjointe.
Je remarque que dans les descriptions cliniques, on a toujours ce duo d'acteurs : le sadique et le masochiste. Celui qui subit subit pendant des années, ça va parfois très loin... Je pense qu'à la rigueur on pourrait dire que "pervers narcissique" renvoie à une certaine configuration. Mais ça ne retire rien au fait que l'expression en elle-même ne veut rien dire : chez un pervers, comme chez tout un chacun, se joue un certain rapport à ce que Freud nomme "narcissisme". Nous sommes tous "narcissiques", puisque le "narcissisme" c'est en quelque sorte le rapport pulsionnel, de libido, entre soi et le monde, c'est l'investissement libidinal sur soi puis sur soi dans son rapport aux autres.
Je renvoie impérativement à la lecture de Freud, "pour introduire le narcissisme", qui éclaircira ma position, c'est un texte à prendre à un contexte précis, celui du basculement qui s'amorce de la première à la seconde topique freudienne, basculement crucial vers la métapsychologie. Mais il faut le lire. En plus c'est pas long et pas trop chiant.