Extrait de mon mémoire de fin d'étude :
Né dans le Maryland en 1956, Paul Reed Smith découvrit très tôt sa passion pour la musique en général et les guitares en particulier. Construisant des prototypes dès son adolescence, il devint réparateur dans un magasin de musique et emmagasina le maximum d’informations quant à la manufacture d’un instrument.
Il dut abandonner passagèrement ses activités pour ses études universitaires mais arrêta sa licence en mathématique dès la deuxième année se rendant compte qu’il voulait vraiment devenir constructeur de guitare. Smith commença à construire ses propres guitares à partir de 1975. Ce qui sépara très rapidement le jeune luthier de ses confrères fut le culot qu’il déploya pour montrer ses créations à des artistes renommés. Le premier artiste à lui commander un instrument fut Ted Nuggent.
Basée sur le look d’une Gibson, la guitare fut présentée à Nuggent avec une proposition intéressante : s’il ne tombait pas amoureux de la guitare il ne devrait rien payer. Nuggent fut tout à fait satisfait de la guitare et la garda.
Smith comprit directement l’avantage de voir des grands noms de la guitare utiliser ses instruments, il déploya dès lors une énergie considérable à aller à la rencontre de ceux-ci. Alors âgé seulement de vingt ans, il forçait le respect des « roadies » en leur montrant ses créations. C’est ainsi qu’il rencontra le guitariste et chanteur britannique Peter Frampton en 1976. Celui-ci fut tellement impressionné par la guitare de Smith qu’il lui demanda de rester après le concert pour discuter des spécifications de sa propre guitare. Paul Smith inaugura quelques éléments-clés sur cette guitare tels que des repères de touche en forme d’oiseaux et un logo d’aigle sur la tête. Ces caractéristiques visuelles feront office de signature de la marque quelques années plus tard.
Smith décida de continuer sur cette voie et se rendit à un show en mai 1976 dans l’espoir d’y rencontrer Carlos Santana, son idole de toujours. Les roadies du groupe précédant Santana invitèrent Paul Reed Smith à montrer sa guitare à Al di Meola (autre grand guitariste de l’époque). Celui-ci commanda directement une guitare à douze cordes. Smith eut l’occasion de côtoyer Santana ensuite mais celui-ci refusa d’acheter une guitare car il était encore sous contrat avec Yamaha.
Installé à Annapolis dans un petit atelier, Paul Smith poursuivit la construction de modèles fait main pour des clients prestigieux, les convaincant par une qualité de construction irréprochable. Mais à l’entame des années quatre-vingt, sa vision romantique du métier de luthier-guitariste fut rattrapée par des considérations économiques. Il lui fallut recommencer à travailler en tant que réparateur pour pouvoir subsister. Smith flirta avec l’idée de produire une ligne de guitares selon son propre design et engagea quelques collaborateurs à la fin des années septante.
La chance sourit à Smith en 1980. La mère d’un ami du jeune homme possédait une commode plaquée d’érable flammé. Smith lui demanda s’il pouvait retirer cet érable : « Comme elle détestait le look trop extravagant de ce bois, elle accepta tout de suite » . Jusqu’à présent, Smith avait construit des guitares en acajou massif se concentrant sur le public des « working musicians ». L’utilisation de pièces d’érable très flammée pour la table des guitares s’avéra un choix capital dans le développement des guitares de Smith. De fait, ces tables magnifiques rappelèrent tout de suite les superbes Les Paul Standard de la fin des années cinquante. A une époque où les musiciens étaient à la recherche d’instruments « vintage », la guitare de Smith (fortement inspirée d’une Les Paul Junior à double pan coupé) apporta une réponse providentielle pour certains.
La première guitare portant une table d’érable flammée fut vendue à Howard Leese du groupe Heart. Celui-ci tomba littéralement en pâmoison devant un simple polaroïd que Smith lui envoya et lui acheta la guitare pour une somme de deux milles dollars. Investir tellement d’argent dans l’instrument d’un fabricant alors inconnu ressemblait à une gageure à l’époque, mais Smith était convaincu que les guitaristes seraient prêts à mettre le prix si la qualité suivait.
A l’automne 1980, Smith se rendit à nouveau à un show de Carlos Santana espérant convaincre son idole de voir ses nouvelles guitares. L’exemplaire en acajou massif muni de P-90 séduisit Santana mais lorsqu’il la brancha, les micros ne fonctionnèrent pas de manière idéale avec le matériel du virtuose. Smith jura qu’avec des micros différents la guitare donnerait le son voulu. Santana accepta finalement l’idée d’emprunter la guitare d’Howard Leese pour l’essayer.
Santana s’énamoura tellement de cet instrument que son manager signifia à Smith qu’il n’était même plus question de la renvoyer. Pour résoudre le problème, Paul Reed Smith proposa à Santana d’utiliser la guitare pendant qu’il en construirait une autre du même type. La seule exigence de Carlos était de mettre au point un vibrato qui ne désaccorderait pas la guitare et Smith se remit au travail. Les micros furent construits par le fabricant Seymour Duncan et Santana fut ravi du résultat au point de commander deux autres modèles dont un possédant un bouton de tonalité absent du premier modèle : « Je lui ai construit un modèle identique mais avec un bouton de tonalité. Je suis arrivé un soir à l’un de ses concerts, il ne savait pas que j’étais là ni que sa nouvelle guitare était prête. Son équipe lui remit la guitare et il commença le concert avec. Entre deux chansons Carlos jura : “Ma guitare n’a aucune brillance !”. Ses techniciens étaient hilares, Carlos ne savait pas qu’il s’agissait de sa nouvelle guitare car elle était quasiment identique à l’ancienne et il ne se rendit pas compte qu’il y avait le bouton de tonalité. Son équipe lui demanda de tourner le bouton de tonalité. Carlos répondit : “Mais il n’y a pas de bouton de ton…. WAOW !”. Il recommença à jouer avec, toutes les notes résonnaient et nous voyions bien qu’il était content. » .
La visibilité des guitares PRS profita grandement de tous ces artistes professionnels : « Sans eux, je n’aurais jamais pu réussir, ils crédibilisèrent directement mes guitares aux yeux du grand public. » .
PRS Santana II (2004)
C’est en 1982 que Smith changea le design de ses guitares dans l’espoir de toucher un plus grand nombre de guitaristes : « Vous aviez les joueurs de Gibson et les joueurs de Strat. Cinquante pour cent préféraient l’une, le restant l’autre. Si vous ne satisfaisiez que les Gibsoniens, et qu’une personne sur deux aimait votre guitare il ne vous restait que vingt-cinq pour cent du marché. Je savais que si je ne traçais pas une ligne au milieu et que je ne combinais pas le meilleur de chaque marque j’étais mort. » .
Les anciens modèles PRS étaient basés sur une Les Paul Junior à double pan coupé. La corne supérieure s’allongea quelque peu et la tête présenta une forme asymétrique. Après deux ans de plans et d’essais, la nouvelle forme fut terminée. Smith présenta le projet à plusieurs grandes sociétés comme Yamaha dans l’espoir de vendre son idée mais après plusieurs fins de non recevoir, il décida de lancer son propre business avec ses collègues et son épouse. Armé de deux prototypes (une Standard entièrement en acajou et une Custom avec une table flammée), il partit en tournée auprès des magasins de musique pour engranger les commandes. Il revint rempli d’espoir et de guitares à terminer entre autre pour l’importante chaîne de magasins « Sam Ash ».
Au NAMM show de 1985, le look traditionnel des premières PRS contrasta particulièrement avec la mode des instruments haute-technologie (guitare synthétiseur, guitare orgue, etc.) et des guitares pour les virtuoses du métal mélodique. La guitare de Smith n’était pas révolutionnaire en soi mais synthétisait le meilleur de la tradition avec des avancées fondamentales pour le confort du musicien : des mécaniques autobloquantes ne nécessitant plus d’enrouler la corde pendant des heures ; un vibrato qui ne désaccorde pas la guitare ; un sélecteur cinq positions permettant d’atteindre des sons Gibson mais aussi des sons Fender en splittant les micros.
Un an plus tard, Smith eut l’idée de proposer un modèle encore plus exclusif et plus cher (et ce en dépit du fait que ces termes avaient déjà été utilisés lors de l’intronisation de la marque) : « J’ai montré ma Custom à un ami psychologue et celui-ci m’a confié que nos prix n’était pas assez élevés. J’eus alors l’idée de proposer aux clients des guitares fabriquées avec des bois d’une beauté exceptionnelle provenant de ma réserve personnelle. La tête serait signée de ma main. » . Le modèle « Signature » était né ouvrant la voie à une série d’éditions limitées toujours plus belles et toujours plus chères.
Paul Reed Smith Signature Serie n°484
Durant les années qui suivirent, l’équipe de PRS Guitars s’attela à proposer des guitares d’une qualité irréprochable malgré l’explosion des commandes. Cette quête continuelle de la qualité se traduisit au niveau des prix qui continuèrent à grimper.
Paul Reed Smith Signature Serie n° 484
PRS influença ses concurrents directs que ce soit au niveau des publicités (PRS préférait simplement publier des photos élégantes de ses instruments plutôt que des publicités extravagantes), ou au niveau des modes de production (Fender comprit rapidement la menace et ouvrit un « Custom Shop » en 1987 pour satisfaire la demande de ses clients en instruments de qualité supérieure.
Le prix élevé des PRS laissa la place à l’introduction d’un modèle moins cher en 1988. La CE (Classic Electric) disposait d’un corps en aulne et d’un manche en érable vissé. Le son de cette guitare s’orienta dans la direction de Fender alors que la Standard couvrait le côté Gibson. Ce premier modèle PRS à prix moindre connu un succès qui dure encore aujourd’hui.
PRS CE (1991)
L’entreprise continua à s’étendre avec ses trois modèles uniques, la préférence du public allant largement à la Custom, vêtue de sa table flammée et de ses oiseaux sur la touche. Et malgré des prix supérieurs à la Strat de Fender et à la Les Paul de Gibson, les PRS se vendirent de mieux en mieux. De fait, les guitaristes se rendaient de plus en plus compte que ce surcoût se répercutait directement sur la fabrication sans défauts de leur instrument.