'cartonne' à peu près autant que l'album dont est tiré ce morceau (autant vous prévenir, comme le fait l'auteur lui-même : ça ne plaira pas à tout le monde...) :
Citation:
Etonnante natalité
Par Malakine.
La natalité française bat encore des records. Doit-on s'en réjouir? Pas sûr. Plutôt que de faire dans l'auto-célébration de notre modèle social, il est possible d'y voir quelques symptômes de désordres divers.
La natalité française n'en finit plus de battre des records. Déjà champion d'Europe des naissances, la France vient cette année de franchir le seuil symbolique du renouvellement des générations avec un indice de fécondité de 2.018 enfants par femme selon le dernier bilan démographique publié par l'Insee. Cette performance française ne cesse de surprendre et de susciter des interrogations. En première analyse, on est tenté de se réjouir de la réussite du modèle français, comme je l'avais fait il y a deux ans, et ne voir dans ces chiffres qu'une conséquence vertueuse de nos politiques de la petite enfance et du sacro-saint principe d'égalité homme-femme qui permet
///aux Françaises///(barré dans l'original)/// à tous de cumuler vie familiale et vie professionnelle. Cette année, j'ai envie de me faire l'avocat du diable pour voir dans cette étonnante performance le symptôme de différents malaises. Je préfère prévenir : ce qui suit peut choquer.
(...)
L'autre point de débat sur nos étonnantes performances en terme de natalité porte sur son interprétation. Plutôt que de faire dans l'auto célébration de notre modèle social, il est possible d'y voir quelques symptômes de désordres divers.
La relation à l'enfant est en effet complexe. Elle ne se résume pas à des conditions matérielles propices engendrées par les politiques publiques avancées. Elle procède davantage de déterminants psycho-sociologiques largement indépendant du contexte économique ou de la confiance ressentie en l'avenir. On a trop associé croissance économique et forte natalité, faisant du baby boom une loi absolue. Or, comme Michel Godet l'a souligné hier, certains pays en proie au chaos, tels que la Palestine, ont une natalité extrêmement élevée. Et inversement, certains pays stables et prospères ont une natalité fortement déprimée.
De ce point de vue, le fort désir d'enfant qui existe dans notre pays pourrait s'expliquer par des causes qui seront autant de symptômes d'un profond malaise.
Le désir d'enfant pourrait ainsi être relié à un profond rejet de la mondialisation et des nouvelles formes de management qu'elle implique dans les entreprises. Il s'agirait alors d'un symptôme de désengagement de la vie économique, d'un repli sur la sphère privée et d'un rejet assez violent de ce que j'ai appelé récemment « l'idéologie du cadre dynamique ». Qui n'a jamais entendu une collègue de bureau s'emporter un jour à propos du chef « S'il continue, je fais le troisième ! » ? La natalité pourrait alors être relié à l'attachement de la population pour les 35 heures et ces divines RTT grâce auxquelles nous avons un peu plus le temps de vivre : l'antithèse radicale du travailler plus pour gagner plus !
L'inexorable remontée de la natalité peut également être liée à la déchristianisation de notre pays et au vide spirituel qui en résulte et, avec lui, une profonde angoisse existentielle et métaphysique. Plus de doctrine morale, religieuse ou idéologique. Plus de projet collectif ni de trajectoire d'évolution à accomplir. La vie ne peut plus trouver sens que dans un bonheur individuel, de plus en plus difficile d'accès quand l'individu s'est libéré de toute structure intérieure afin de laisser libre cours à ses désirs.
L'individu-roi, censé être devenu lui-même le but ultime de sa propre existence, cherche désespérément des échappatoires à un sentiment d'absurdité qui menace de l'engloutir. Quoi de mieux alors que de donner naissance à nouveau petit moi qui lui procurera un bonheur sans fin (du moins jusqu'à l'adolescence), qui donnera définitivement un sens irréfragable à son existence et développera un inédit sens du devoir qui lui manquait tant jusque là ? La passion nataliste française serait alors à rapprocher du triste record mondial de notre pays concernant la consommation de médicaments et de psychotropes. L'enfant comme le meilleur des anxiolytiques !
« Une terrible carence affective consécutive d'une éducation trop libérale »
Enfin, le dernier symptôme qui peut se cacher derrière nos prouesses natalistes serait celui d'une terrible carence affective consécutive d'une éducation trop libérale. Nous ne faisons plus des enfants pour reprendre l'exploitation familiale, pour faire la guerre ou assurer la perpétuation de certaines valeurs dont on a été soi-même les dépositaires. Nous faisons aujourd'hui des enfants pour être aimé. La transmission se fait désormais à rebours. Les parents ne s'autorisent plus à rien transmettre, ni règles, ni valeurs, ni tradition. L'Enfant roi est, dans sa parfaite virginité, un être immédiatement parfait, qu'aucune forme d'éducation ne doit venir dénaturer. L'Enfant est pur amour, pure joie de vivre, à la fois innocence et Sagesse innée. Il est source de tout et réceptacle de rien. Il naît sur un piédestal pour se perdre progressivement dans la banalité et la médiocrité.
L'Enfant sacralisé finit un jour par perdre son innocence et devenir un ado à problème avant de devenir un jeune à la dérive, ou alors simplement un adulte frustré et creux qui, après avoir cherché obsessionnellement l'amour dans un alter-ego de l'autre sexe, finira par ressentir à son tour ce besoin d'enfanter pour se retrouver face à un prolongement de soi même quasi divinisé, qui ne lui renverra de lui même que l'image de la perfection et lui exprimera cet amour stable et inconditionnel qu'il s'est épuisé toute sa vie à rechercher.