Raphc a écrit :
rapideyemove a écrit :
De toute façon, j'ai la faiblesse de me cantonner résolument à l'auteur de
La Montagne magique
Être à bonne hauteur, ainsi.
Pas encore eu le courage de l'escalader celle là. Elle attend toujours sur l'étagère.
Nul doute qu'elle saura, par exemple, patienter à côté de l'exceptionnelle tétralogie, écrite durant l'exil suisse puis américain,
Joseph et ses frères.
(Les Histoires de Jacob, 1933. Le Jeune Joseph, 1934. Joseph en Égypte, 1936. Joseph le Nourricier, 1943.)
Ou à côté du
Docteur Faustus, de 1947.
Ou, enfin, à deux pas de ce livre aussi court qu'infini, écrit en 1911,
Der Tod in Venedig, soit au plus vrai
La Mort à Venise, puisque Thomas Mann, on le sait bien, n'a jamais publié de livre qui s'appelât "Mort à Venise".
Comme quoi, parfois, un petit "La" requiert de notre part une certaine attention
.
Où l'on découvrira bien, en même temps que le personnage principal, un homme inquiétant aux cheveux roux dans les rues de Münich, et comment dans l'œil effaré d'Aschenbach, l'écrivain, s'obstinent encore les êtres, vus de loin, et leurs silhouettes portées à terre, tous réduits à des signes noirs errant sur les sables aveuglants de la grande lagune, devenue soudain l'image vivante d'une plaque photographique, nostalgique et sereine.
Encore, et toujours, «
l'écriture de l'ombre», (σκιαγραφία,
skiagraphia), périphrase coutumière par laquelle les vieux vieux Grecs désignaient à la lumière ce que nous nommons la peinture.
Et puis, appeler son héros Aschenbach, ce qu'on peut tenter de traduire en français par «le ruisseau de cendre », faut quand même oser.
Pour ne rien dire du « Bach de cendre », ce qui ne serait pas mal, non plus
.
Aisément trouvable en poche, la traduction française de Philippe Jaccottet est un chef–d'œuvre.
Si les éditeurs n'ont pas joué les ânes, le "La" doit toujours bien figurer à l'initiale du titre.
Non mais...
«Wir leben unter finsteren Himmeln, und –es gibt wenig Menschen. Darum gibt es wohl auch so wenig Gedichte. Die Hoffnungen, die ich noch habe, sind nicht groß. Ich versuche, mir das mir Verbliebene zu erhalten. »
Paul Celan, 18 mai 1960, Lettre à Hans Bender.