Vous et les livres...

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Invité
Superbes vos propositions. Les présentations donnent envie de s'y intéresser en tout cas.

Dernier livre lu: Le capitaine Fracasse de Théophile Gautier. J'ai trouvé que c'était moderne pour l'époque et l'humour très fin. Les ambiances cruellement bien détaillées, ciselées mais pas ennuyeuses.
Leozinho
Bonne année à tous !

Le dernier livre lu : Yeruldelgger de Ian Manook, un polar Mongol (sisi), dans le genre impossible à lâcher...

Lao
  • Lao
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  • #4292
  • Publié par
    Lao
    le 01 Janv 2016, 15:00
Je viens de finir L'Histrion et Sexomorphoses d'Ayerdhal que je qualifierai de SF Space opera libertaire. Un grand plaisir.
C'est vraiment dommage que 2015 ait vu cet auteur disparaitre (ainsi que Terry Pratchett )
(Ca me fait penser : y en a qui ont lu du Esparbec et qui ont un avis dessus ici ? Suis curieux)
Lao
  • Lao
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  • #4294
  • Publié par
    Lao
    le 01 Janv 2016, 23:41
Je viens de chercher des infos sur cet auteur.
Citation:
Il est considéré par Jean-Jacques Pauvert et Georges Wolinski comme le plus grand écrivain pornographique français.

Pour le moment je me suis arrêté à l'érotisme (ex: Françoise Rey).
Masha
  • Masha
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Quelqu'un pourrait-il me dire dans quel livre l'auteur frappe un sans abri qui se rebelle et finit par le remercier ?

#Alzheimer
Postez des recettes, bordayl de merde.

Fâchez-vous comme vous voulez, je m'en fous.
jules_albert
"Avant de quitter la Chine, si tu n'emportes qu'un seul livre, prends Royaumes en proie à la perdition ; les histoires qui y sont racontées te feront mieux comprendre que n'importe quel ouvrage ce que sont les Chinois ", dit un vieux lettré à sa petite fille qui partait s'exiler après ce qu'elle avait souffert pendant la Révolution Culturelle. Ce roman historique, où tout est vrai, retrace les luttes qui opposaient les royaumes de l'antiquité en Chine. Les personnages en sont des souverains en proie à la soif de la puissance et du prestige, tout autant qu'à des peurs irrationnelles, des femmes fatales dont la beauté "renverse les murailles et détruit les Etats", des ministres qui n'ont pour armes que l'intrigue contre les caprices et ingratitude des princes.

Ces épisodes, repris au théâtre, dans les ballades et romans, sont si connus qu'il y est fait constamment allusion en littérature et dans les conversations courantes. Vous ne trouverez pas ici la Chine de la douceur et du raffinement, des jardins et des pagodes, mais une Chine de la violence et de la cruauté, où règnent la guerre et la terreur, où voisinent le désir de vengeance et l'héroïsme, la trahison et la fidélité, une Chine dont les événements des dernières décennies montrent qu'elle peut encore resurgir du fond des siècles passés.

traduit et présenté par jacques pimpaneau (ami de rené viénet et de simon leys), également auteur d'une excellente histoire de la littérature chinoise.

Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jules_albert
gianfranco sanguinetti a écrit un article aussi virulent que salutaire contre le livre d'apostolidès :

argent, sexe et pouvoir : à propos d'une fausse biographie de guy debord : https://blogs.mediapart.fr/lec(...)ebord

Puisque l’auteur nous fait la grâce de ne jamais nous cacher, en aucune page de son livre, son intention de dénigrer – seul moment dans lequel je reconnais qu’il est rigoureux et sincère –, il réduit tout ce qu’il touche à la vulgarité, et cela encore nous en dit long sur lui-même : n’importe où que l’on regarde dans cet ouvrage, on ne voit que des choses profondément sordides, mesquines, obscènes. Henry Miller avait percé à jour ce type d’esprit : « l’obscénité n’existe que dans l’esprit qui la déteste et la rejette sur les autres ».


Il n’y a donc pour l’auteur que des questions d’argent, de sexe et de pouvoir les trois grandes questions qui l’obsèdent, ainsi qu’elles obsèdent nos contemporains parce qu’ils en sont privés.
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Lao
  • Lao
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  • #4298
  • Publié par
    Lao
    le 14 Fév 2016, 21:02
Pour les amateurs de Philip K Dick je signale une initiative ARTE avec présentation d'un jeu vidéo inspiré par ses univers (Californium) et un documentaire le 2 Mars.
Bienvenue dans l'existence "dickienne"
jules_albert
j'ai relu jan waclav makhaïski, sorte d'anti-sartre avant la lettre.
on ne dénoncera jamais assez durement les dégats causés par sartre, le structuralisme et les "sciences humaines" en général.



« Dans la seconde moitié du XIXe siècle, certains de ces travailleurs intellectuels se sont approprié le socialisme ouvrier en général, et la pensée de Marx en particulier, pour en faire leur idéologie. Le premier à avoir entrevu le processus est sans doute Michel Bakounine. Plus tard, George Orwell l’a conceptualisé en opposant radicalement le socialisme ouvrier et le socialisme intellectuel. Entre les deux, un auteur polonais trop méconnu, Jan Waclav Makhaïski (1866-1926), lui a consacré l’essentiel de ses écrits. Ces « travailleurs intellectuels » – « mercenaires privilégiés » du Capital et de l’État – ne s’approprient pas simplement l’idéal socialiste, ils dénaturent et pervertissent le socialisme ouvrier. Car en vérité, plus rien ne rappelle dans le socialisme des intellectuels le projet émancipateur des ouvriers assoiffés de justice sociale. »

« Il est donc nécessaire de rappeler et préciser derechef la signification exacte du socialisme des intellectuels : un système idéologique né du XIXe siècle voulant éliminer l'exploitation de l'homme par l'homme, c'est-à-dire le pouvoir des capitalistes propriétaires des moyens de production, pour y substituer la classe ouvrière, porteuse de progrès social, dont l'avènement devait préluder à une société libre de producteurs, cela au moyen de la conquête du pouvoir par le parti regroupant les éléments les plus conscients du prolétariat industriel. Les intellectuels devaient aider cette dernière à mener cette délicate mission. Cette « aide » n'était pas désintéressée et dissimulait l'ambition propre des « travailleurs intellectuels » à se substituer aux anciens possédants, pour faire perdurer le régime d'exploitation en leur faveur ». Telle fut l'analyse de J. W Makhaïski du socialisme et de ceux que Alexandre Skirda a désigné en tant que « capitalistes du savoir », utilisant leur compétences pour assumer des fonctions de direction et de gestion.

Les partisans du "socialisme intellectuel" auront souvent couvert, emportés par leur élan de « bonnes âmes », les pires crimes au nom du bonheur de l'humanité, il s'agit, de tous ceux qui se mettent au service du pouvoir, quel qu'il soit, du moment que « leurs connaissances et capacités particulières » soient reconnues et « appréciés », non pour détruire le capitalisme, mais pour l'aménager au mieux de leurs intérêts.



les 300 ou 400 premières pages sont très drôles, je le signale, même si le livre est très connu :


albert cohen, "belle du seigneur"



ayant participé à la traduction de ce livre, je vous encourage vivement à vous en procurer une copie afin que je puisse toucher moult royalties:



"préliminaires"
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La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jules_albert a écrit :

les 300 ou 400 premières pages sont très drôles, je le signale, même si le livre est très connu :


albert cohen, "belle du seigneur"


Impossible à lire ce bouquin.

Lao a écrit :


A Scanner Darkly
Lao
  • Lao
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  • #4301
  • Publié par
    Lao
    le 20 Fév 2016, 21:28
Oui "Substance mort" en livre version française. Un des romans les plus sombres de K. Dick.
jules_albert
un entretien avec lorenzo valentin, responsable des éditions ivrea, où il explique l'évolution de la ligne éditoriale de champ libre/ivrea : http://fr.calameo.com/read/000(...)0fdc7

extrait:

Il est assez poignant de lire aujourd'hui Orwell. Il y a chez lui une très grande clairvoyance et, dans le même temps, une sorte d'ingénuité, ou du moins ce qui peut passer aujourd'hui pour de l'ingénuité, et qui correspond en fait à un très profond attachement à des valeurs à présent totalement disparues. Un sens de l'honnêteté, de la probité intellectuelle, une notion de la vérité qui ont été balayés, dévastés par la grande machinerie totalitaire. Mais cette destruction ne s'est peut-être pas produite exactement comme il le pensait. Les choses ont pris une autre tournure.

Ce qui est frappant lorsqu'on relit Orwell, c'est de voir à quel point on est aujourd'hui sorti de l'ordre politique, du cadre politique. Orwell se réfère encore à des structures idéologiques. Le totalitarisme tel qu'il le concevait apparaît comme dépassé car encore d'ordre "politique". On est aujourd'hui dans un ordre strictement économique. Et on a le sentiment que le monde d'Orwell, quelle que soit sa clairvoyance par ailleurs, est désormais lointain. 1984 c'est encore "gentil" d'une certaine manière. Quand on voit que l'oeil de Big Brother, qui vous contrôle en permanence... de voir à présent que c'est volontairement avec des caméras numériques que l'on se filme soi-même pour le plaisir de se "diffuser" sur la "toile"... cela va quand même plus loin dans l'aliénation.

Refuser de communiquer aujourd'hui c'est se condamner à la mort, comme vous le fait clairement comprendre une affiche publicitaire dans la rue, où l'on voit un cadavre à la morgue avec une étiquette à l'orteil : "il refusait internet". La publicité dit les choses très clairement. On vous répond que c'est de la dérision... Mais ça n'en est que plus criminel encore !
Aujourd'hui, plus besoin de novlangue : la langue a été détruite. C'est le slogan publicitaire partout, en permanence, l'absolue dérision de la "pub", la communication triviale et bestiale. On utilise la langue, ce qu'il en reste, pour s'adresser à des unités de consommation, à des porcs : on utilise donc une langue de porc.

La langue n'est pas faite pour communiquer. La langue était un instrument de connaissance qu'on ne transmet plus, l'instrument de l'esprit. On peut donc à présent être manipulé à loisir selon les besoins de l'économie totalitaire mondiale. Il n'y a plus aucune raison de se servir de la langue si on accepte un tel monde.
[...]
On a pu lire dans le Monde des débats que le directeur des laboratoires du Louvre estimait qu'il fallait aujourd'hui rendre les oeuvres "lisibles", pour que les enfants puissent les comprendre. C'est un haut responsable du Louvre qui dit ça ! Cela montre bien que l'oeuvre d'art n'est plus essentielle, qu'elle n'est plus au centre, qu'elle n'est plus rien...
On affirme que l'oeuvre est devenue incompréhensible et que c'est la faute de l'oeuvre elle-même. Il faut donc la détruire, la transformer en bande dessinée pour la mettre au "juste niveau". Toute époque a l'art qu'elle mérite. L'art que notre époque mérite, c'est la bande dessinée, c'est Mickey. On va donc détruire les tableaux, les transformer pour qu'ils soient à la portée du "grand public", parce qu'il serait "élitiste" de laisser les tableaux en paix.

C'est dire que toute forme d'art accomplie, toute forme de spiritualité est considérée aujourd'hui comme un outrage ou une provocation pour notre époque. On ne supporte plus de voir un tableau dans son jus, on considère que c'est insupportable. On refuse toute inscription du temps sur l'oeuvre, de la même façon qu'on ne peut plus voir à Paris une façade d'immeuble qui ne soit pas ravalée. Mais la marque du temps sur l'oeuvre fait partie de la vie de l'oeuvre. Si on arrive plus à "lire" une oeuvre, c'est qu'on ne sait plus "lire". L'oeuvre n'a rien à voir... Alors ça rejoint effectivement les questions du sens...
[...]
C'est l'idéologie américaine, "the real thing". Voilà, on y est. Avec toutes les fadaises, les stupidités, l'infantilisation américaine : être dans la main de l'artiste, être à sa place, voir ce qu'il a vu, etc. Une mélasse obscène, dégoûtante. C'est la guerre ouverte contre le sens. On considère que l'art est un accessoire, un divertissement, c'est tout. Du loisir, et il faut que ce soit le moins emmerdant possible, le plus divertissant, c'est-à-dire détournant le plus possible de soi.
[...]
On a déjà basculé dans l'infra-humain. L'art était par essence l'ordre humain... proposait une articulation de sens. Ce n'était pas un espace de consommation. Si un livre c'est un écran électronique, un "e-book" téléchargeable, à lire sur une autoroute... si ce n'est plus que des romans... cette année 580 romans, l'année prochaine 1200 romans, l'année suivante 3000 romans... Qu'est-ce que ça veut dire ?
Eh bien, c'est une littérature de consommation...
C'est la télé, une autre forme de télé. C'est même assez curieux... si les romans finissent par n'être plus publiés que sur des "livres électroniques" ou diffusés par internet, et bien, on aura réinventé la télé. Mais la télé est plus captivante... Qu'est-ce que ça veut dire alors de lire, franchement, de lire une phrase dans un livre, un mot après l'autre ? Pourquoi cet ordre-là, pourquoi une telle corvée, alors que les images sont bien plus rapides et saisissantes, des stimuli bien plus efficaces ?
C'est la langue comme moyen de communication du rien sur rien, et non plus de connaissance.

Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Brigido
Une analyse un peu excessive tout de même, et un poil réac.

Chacun individu possède toujours dans notre société, une forme de libre arbitre, celui de "faire l'effort de..." (d'apprendre, de travailler, de progresser), et des nouveaux outils très utiles peuvent nous y aider.

C'est un bien un mot d'éditeur de considérer qu'on est au delà du totalitarisme décrit par Orwell (je pense que ce monsieur ne sait pas vraiment ce que doit être la vie en Corée du Nord par exemple).
Du Blues, de la Soul, une touche de Jazz, un zeste de Rock, une pincée de Folk, un doigt de Country...
jules_albert
le côté réactionnaire est pleinement assumé puisque l'e.d.n., dont lorenzo valentin se sent proche, considère que seuls des réactionnaires conséquents seront en mesure de s'opposer au totalitarisme technomarchand actuel.

tu évoques les nouveaux outils que nous aident à progresser... ce genre de progrès semble piégé...

http://www.piecesetmaindoeuvre(...)cle33

Les progrès techniques sont tout sauf neutres ; dans tout développement des forces productives dû à l’innovation technique, il y a toujours des gagnants et des perdants. La technique est instrument et arme parce qu’elle avantage ceux qui savent mieux se servir d’elle et mieux la servir. Un esprit critique héritier de Defoe et de Swift, Samuel Butler, dénonçait le fait dans une utopie satirique : “ ... en cela consiste l’astuce des machines : elles servent pour pouvoir dominer. [...] aujourd’hui même les machines servent seulement à condition qu’on les serve, en imposant leurs conditions. [...] N’est-il pas manifeste que les machines sont en train de gagner du terrain quand nous considérons le nombre croissant de ceux qui y sont assujettis comme esclaves et de ceux qui se consacrent de tout cœur au progrès du règne mécanique ? ” (Erewhon, ou au-delà des montagnes, 1870). La bourgeoisie a utilisé les machines et l’organisation “scientifique” du travail contre le prolétariat. Les contradictions d’un système basé sur l’exploitation du travail, qui d’une part expulsait les travailleurs du processus productif et d’autre part éloignait de la direction du-dit processus les propriétaires des moyens de production, furent dépassées avec la transformation des classes sur lesquelles s’établissaient la bourgeoisie et le prolétariat. La technique a rendu possible un nouveau cadre historique, de nouvelles conditions sociales - celles d’un capitalisme sans capitalistes ni classe ouvrière - qui se présentent comme conditions d’une organisation sociale techniquement nécessaire. Comme l’a dit Lewis Mumford, “ Rien de ce qui est produit par la technique n’est aussi définitif que les nécessités et les intérêts mêmes qu’elle a créés ” (Technique et Civilisation, 1950). La société, une fois qu’elle a accepté la dynamique technologique se retrouve prisonnière de celle-ci. La technique s’est approprié le monde et l’a mis à son service. En elle se révèlent les nouveaux intérêts dominants.

miguel amoros, "où en sommes-nous ?" (texte inclu dans préliminaires).





C’est le plus foudroyant développement technologique de l’Histoire. En dix ans le téléphone portable a colonisé nos vies, avec l’active participation du public, et pour le bénéfice de l’industrie. Ce déferlement signe la victoire du marketing technologique contre les évidences. Non seulement les ravages – écologiques, sanitaires, sociaux, psychologiques – du portable sont niés, mais il n’est pas exclu que sa possession devienne obligatoire pour survivre à Technopolis. À l’échelle planétaire (déchets électroniques, massacres de populations et d’espèces menacées), nationale (surveillance, technification des rapports sociaux, bombardement publicitaire), locale (pollutions, pillage des ressources et des fonds publics) et individuelle (addiction, détérioration de la santé et autisme social), découvrons ce gadget devenu fléau absolu.






sur la corée du nord et la dénonciation du totalitarisme communiste, je te renvoie au début de l'entretien avec lorenzo valentin :

Les avant-gardes du début du XXe siècle qui, à l'époque où Champ Libre les a publiées ou republiées, avaient sans doute conservé toute leur force, leur force d'impact... Dans les années 70, ces textes pouvaient encore apparaître comme "nouveaux", "révolutionnaires", allant contre l'ordre établi. Cela signifiait encore quelque chose. Mais depuis 1989, énormément de choses ont changé. Toutes sortes de références idéologiques ont été perdues, références sur lesquelles Champ Libre s'appuyait : une certaine conception de la liberté, un lien étroit avec les grandes théories révolutionnaires, libertaires, permettant une dénonciation des impostures idéologiques, du stalinisme... Or on ne peut plus se référer aujourd'hui à tout cela de la même façon, parce que tout un système de valeurs, politiques, sociales, morales, s'est effondré. Ceux qui disent aujourd'hui que le communisme a été une imposture criminelle le disent pour des raisons qui, elles, sont totalitaires. L'"idée", pour reprendre le mot qu'utilisaient les anarchistes au XIXe siècle, a été détruite, un certain élan a été brisé parce que, entre-temps, il y a eu l'avènement de l'économie totalitaire, comme seule rationalité possible, et destruction de tout ce qui entravait sa progression. Du coup, tout un système rhétorique dans lequel s'inscrivaient les avant-gardes jusqu'à l'Internationale situationniste a été anéanti ou récupéré. Champ Libre était en révolte contre un état du monde mais aujourd'hui l'aliénation a atteint un tel degré qu'il est très difficile de lutter contre par simple prise de position politique. L'aliénation est à présent au coeur même du langage... C'est l'omniprésence de la publicité, le langage publicitaire permis par les avant-gardes, c'est le langage par "spots" où l'on ne conçoit pas d'autre rapport au monde que par l'intermédiaire de la consommation et du fric. C'est le langage du tout économique et de l'abolition de l'État permis aussi par un certain discours prétendument libertaire, "la privatisation c'est l'accomplissement de l'idéal libertaire", il y en a beaucoup qui le soutiennent puisque le libéralisme c'est "l'abolition de l'État". Et pour reprendre les slogans les plus irresponsables mais aussi les plus connus de Mai 68, "jouir sans entraves" c'est le commerce international et le consumérisme mondial, "l'imagination au pouvoir" c'est l'invention technologique permanente, "il est interdit d'interdire" c'est la bourse, internet, le téléphone portable, etc.

Dans les années 60 et 70, on pouvait encore croire, légitimement, à une théorie de la "libération", parce qu'il y avait encore, par ailleurs, un ordre de valeurs qui subsistait et par rapport auquel on pouvait se situer même si c'était contre. Quand on a détruit toutes ces valeurs afin de mettre en place un unique et gigantesque supermarché/parc de loisir "libéralisé" que se passe-t-il ? J'en reviens alors à ta question... On prend alors conscience que la question de la langue est une question centrale... la question centrale pour qui refuse toutes les horreurs du "progrès".
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf

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