La plupart des gens ne peuvent/ne pourraient pas...
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Dans des abattoirs industriels, alors que les bêtes sont démembrées, les cadences et la répétitivité des gestes éreintent les corps des hommes. Une plongée vertigineuse dans les entrailles des usines à viande modernes, qui montre la violence du travail déshumanisé.
D’abord, il y a des centaines de bêtes – cochons, bœufs, moutons – qui défilent en flux continu vers la mort industrielle, dans un vacarme de machines qui grincent et s’entrechoquent. De l’autre côté de la chaîne, alignés comme une armée de clones en blouse blanche, femmes et hommes, certains en cotte de maille, abattent, découpent, désossent et emballent pour la mise en barquette, répétant les mêmes gestes à l’infini, jusqu’au vertige.
Une éreintante chorégraphie, soumise à des cadences infernales qui les tuent, eux aussi, lentement. "Usés jusqu’à l’os", confient-ils en voix off, dans une parole anonyme, par crainte des représailles. Avec une douloureuse lucidité, les ouvriers racontent l’habitude du sang qui jaillit et de l’odeur qui imprègne, l’accélération constante du rendement, les cauchemars quotidiens, l’aliénation.
Corps à l’épreuve
Cette plongée dans les entrailles d’usines à viande modernes montre d’abord la violence du travail déshumanisé et les corps à l’épreuve. Manuela Frésil a notamment demandé aux opérateurs de mimer leurs gestes en plein air, exercice auquel ils se prêtent volontiers, comme pour exorciser l’extrême pénibilité de leur tâche. Celle-ci les condamne à de fréquentes tendinites et à des incapacités de travail, qui leur valent alors d’être remerciés. Les anciens rêvent de la retraite, mais n'espèrent pas en profiter plus de trois ans. Un témoignage fort en forme d’hommage à ces ouvriers de l’ombre.