les terrifiantes années 80 c'est évidemment la pourriture mitterandienne, les années "libé", l'avènement du droit-de-l'hommisme suite à la défaite de l'assaut révolutionnaire déclenché après 1968 et qui s'achève vers 1982. cette défaite permet au capital de renforcer ses positions tout en se restructurant (c'est le fameux néo-libéralisme, avec le développement de nouvelles professions du secteur tertiaire soumis à la cause).
c'est dans ce contexte qu'apparaît la revue "encyclopédie des nuisances" (1984-1992) dont le but était de préserver la mémoire historique du projet d'émancipation prolétarien afin de servir de pont lorsque viendrait le temps d'un nouvel assaut contre la domination du capital et de l'ÉTAT.
sur les années 80, marc-édouard nabe a dit deux ou trois choses intéressantes dans "au régal des vermines" publié en 1985 (chapitre IV, "tout doit disparaître") :
« Nous vivons en pleine crise anthologique, une ère de dictionnaires, de catalogues. C’est la synthèse atroce du Oui classique et du Non romantique. Ô la radieuse confusion ! La Poubelle d’étoiles ! (…) Tout ce qui est dégénéré est bon. C’est l’époque de l’ampleur des merdes. Années soixante-dix ? Remise en question des merdes ! Années quatre-vingt ? Acceptation des merdes de la remise en question ! Ce sont les méninges de l’amusant, de l’ironique ! Ça leur est bien pratique aux Ironiques la mort de l’ « Artiste » ! (…)
Toutes les maladies sont devenues des santés. Les gens normaux, ce sont les pédés, les voyous, les ouvriers, les handicapés, les rockers, les lycéens, les minables. Voilà la nouvelle crème. On a renversé le bocal! Moi je veux bien : je serai donc contre tout ce qui est normal, je suis le renversement! Il suffit de savoir où tracer la marge. Quelle merveille ! Un vrai petit bijou de révolution ! Le monde, c’est le monde à l’envers. On a pris tout ce qui était interdit ou mal vu et on en a fait les nouvelles valeurs. Il ne suffit pas de marcher sur les mains pour changer de corps, c’est le sang qui monte à la tête, pas l’âme… Moi qui ai toujours eu horreur des minorités, je suis servi. Je suis pour l’individu contre la minorité. J’exècre les majorités de poche, les hors-la-loi qui veulent être reconnus, les marginaleries revendicatrices, exclues mais jalouses… Ils sont tous là ces ratés d’une sale Réussite qu’ils envient secrètement alors qu’elle m’a vraiment toujours dégoûté moi. Si la plupart des larves margineuses avaient les moyens de voler la place des larves travailleuses, ça ferait un échange de paquets de larves avantageusement indifférent, apte à prouver la salope horreur de chaque partie. Ils aboient tous par petits groupes, sectes, communautés, revues, organes, organismes, mouvement mièvres ou sympas, sans s’apercevoir qu’ils ne sont que la maquette de tout ce qu’ils font semblant d’exécrer. (…)
C’est notre époque ! Tout est moderne, tout le monde se croit dans le coup alors que dans tous les domaines c’est une dégénérescence terrible, une piédestalisation des conneries, une panthéonisation-rumination des chefs-d’œuvres mineurs. Toute vieillerie est prétexte à une exposition. On fait de l’art de n’importe quoi (c’est la néfaste influence du ready-made), on porte aux nues les nullités. Il faut avancer ! Au large les exemples ! Plus de peinture ? Plus de littérature ? Plus de musique ? Qu’à cela ne tienne : voici les nouveaux arts ! Beaucoup moins chiants ! Beaucoup plus « réalistes » ! Modernes ! Sociaux !… Avant le septième, le Déluge ! Voici la bande dessinée, la publicité, la danse « modern jazz », le cinéma, la vidéo, le living, la mode, la gym, la cuisine, et la variété ! Oui ! Bourrée de vrais professionnels : ils font tourner leur canne et les gens applaudissent pendant vingt minutes ! C’est plein de pros, de pros de la débilité ! Comme si c’était impressionnant d’être professionnel ! Quel intérêt de bien faire ce qui n’a strictement aucun intérêt ? Quelle belle chose que la Variété française aux panthéons ! La Chansonnette dans la Pléiade ! Guy Béart entre Baudelaire et Bossuet !
Voyez-les ces découvreurs de lunes, ces ricanants, ces "à-quoi-bonnistes", ces journalistes, ces hystériques et ces abrutis, ces dénonciateurs du religieux secrètement fascinés, ces matérialistes fiers de l'être, ces éclectiques, ces faux torturés, ces kafkaïens, ces rockers, ces critiques, modernistes, pervers, injustifiés, bourges ouvriéristes, enculeurs sans raison, ces nihilistes de bon aloi qui font passer pour un mépris malin leur totale imperfectible ignorance et leur indécamabilité de toute entreprise artistique, leur irremplissable vide de vie, leur ennui hypocrite et leur merveilleuse indigence cardiaque et musicale.[...]
C'est lorsque je me prends à ressentir une vague impression de considérable désespoir, un déchirement dramatique en entendant une chanson rock aux ridicules romantiques larmoiements yankees, aux psychédéliques sirupeuses fausses démences écoeurantes, ou ces sortes de danses de basses déprimantes, gonflées de décibels, ces marteaux-pilons, tous ces nasillards synthés sur les lesquels les trois quarts des êtres humains se donnent l'illusion du rythme, alors qu'ils ne font que la parodie involontaire du pas cadencé, que je me rends compte que je vis ici, dans l'époque abjecte des discothèques à lasers, des tristes figures épanouies, des paumés dangereux, des étudiants aux pattes rasées, des cravates limaces et de cette jeunesse prolongée, déodorisée, en éclosion totale de poncifs et prête à tout pour s'abrutir sans même le savoir.
Entre autres raisons, si les jeunesses sont irrévocablement foutues, c'est que trois générations maintenant ont grandi dans des berceaux remplis au ras bord de ce Rock Fangeux, cette pacotille sonore, cette caricature aux pauvretés si grotesques que les jazzmen en pissaient de rire et qu'aujourd'hui la vulgarité et le culot des nostalgies ont érigé en Culture dans les préaux de toutes les maternelles.[...]
Les années quatre-vingt s'ouvrent sur un virage, un fatal virage. La boucle est bouclée. Plus de Lois à défoncer. Plus de révolte possible. Plus d'intérêt pour rien. Plus de sentiments ni de désirs. Plus d'idée. Plus de talent. Plus de moyens pour en avoir. Ni pour le montrer. Plus de disciplines, tous les arts sont pleins. Juste un tube, très étroit, pour exprimer cette carence grandiose, cette indigence sur fond de faux luxe libéré. La fin du monde est passée. Voilà ce que nous en avons fait.
Les années quatre-vingt ? Économie, Religion, Snobisme, Anti-Sémitisme bon enfant, Faux Classicisme, Réactionnariat sublimodernisé, Rétro-Chic, Photo, Vidéo, Propreté, Arrivisme, Sport, Froideur, Ennui, Fadeur, Égoïsme, Collection, Sympathie, Solidarité, Gaspillage...[...]
Arrivisme inqualifiablement salaud, économique, dur, sans aucune sensualité, bourgeois, propre, arrogant, technique.
Il n'y a rien de pire que ces nouveaux métiers grâce auxquels vivent les plus grandes crapules de la "Démocratie". Ils sont fiers tous ces magouilleurs, ces débrouillards, ces enculeurs par-devant ! Fan ! C'est toute une racaille à dégager. Que n'irait-on foncer dans ces lards immondes ? Soyons précis ! Montons une liste de toutes ces professions où il ne peut pas y avoir UNE SEULE personne valable. Ô Fonctions inadmissibles dont les carnes feront tous les irremboursables frais !... Promoteurs immobiliers ! Agents de publicité ! Agents de change !Public Relations ! Graphistes ! Cadres en tout genre ! Conseillers Artistiques ! Critiques d'Art ! Informaticiens ! Architectes ! Producteurs ! Statisticiens ! Journalistes ! Designers ! Psychanalystes ! Assistantes Sociales ! Dessinateurs de Bandes Dessinées ! Chanteurs de Variétés ! Speakers ! Secrétaires d'État ! Sponsors ! Restaurateurs ! Banquiers ! Examinateurs ! Multi-Médiaistes ! Proctériens ! Allez ! Tous au Vel'd'hiv ! Et que ça saute !
- Mais il en faut, monsieur !
Justement non, il n'en faut pas. Quand je pense que la plupart des génies de tous les temps se sont laissés traiter d'"inutiles", alors qu'on laisse croire de nos jours à l'efficacité, l'indispensable présence de toutes ces raclures infâmes ! C'est le comble! Que de poubelles à créer, je vous assure ! Rien que dans le Show Business, l'Informatique ou la Publicité !
Tous ces types qui "travaillent" dans la Publicité, par exemple. Ces espèces de pouilles du slogan ! Satisfaites salopes qui se croient salutaires, "marchands de rêve", nounours de sable ! Enculeurs de Pimprenelles, oui ! [...]