Lisez, ça vaut le coup. Chirac n'est jamais très loin...
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Au procès des marchés publics d'Ile-de-France, l'audition cryptée de Michel Roussin
LE MONDE | 19.05.05 | 13h21 • Mis à jour le 19.05.05 | 13h22
Il y a des audiences qui, comme certaines chaînes de télévision, sont cryptées. Entre les zébrures, on devine des silhouettes qui s'agitent. Entre deux chuintements et trois cliquetis, on reconnaît un mot. A ce rythme-là, le meilleur film devient vite décourageant. Ainsi en a-t-il été, mercredi 18 mai, de l'audition de Michel Roussin devant le tribunal correctionnel de Paris.
Personnage principal du procès des marchés publics d'Ile-de-France, dans lequel il est poursuivi pour "complicité et recel de corruption active et passive, complicité et recel de trafic d'influence" , l'ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac à la Mairie de Paris encourt dix ans de prison. M. Roussin a été mis en cause au cours de l'instruction tant par les chefs d'entreprise que par des responsables ou cadres intermédiaires du RPR et du conseil régional d'Ile-de-France, comme étant celui qui coordonnait le système de financement politique mis en place à l'occasion des marchés des lycées de la région parisienne.
De tous ces témoignages, après neuf semaines d'audience, il ne reste pas grand-chose. Les uns après les autres, à l'exception des deux anciens dirigeants de la société Chagnaud, les prévenus ont nuancé ou démenti leurs déclarations. Quant à M. Roussin, tout au long de ces sept ans d'instruction, il s'était tu. Sa déposition, alors que le tribunal examine le circuit de financement du RPR, était donc attendue.
Elle a commencé par un long rappel de sa carrière, dans la gendarmerie, puis dans le renseignement M. Roussin a dirigé de 1977 à 1981 le cabinet du directeur du Sdece (service de documentation extérieure et de contre-espionnage, remplacé depuis par la direction générale de la sécurité extérieure), Alexandre de Marenches et enfin aux côtés de Jacques Chirac de 1984 à 1993. Jusque-là, l'audience était en clair.
"BON SOLDAT"
Le premier brouillage est arrivé lorsque le procureur, Henri Génin, a évoqué la nomination, par le chef de l'Etat, de M. Roussin au conseil d'Etat, "en service extraordinaire" , en 2003, suivie de sa démission, moins de quinze jours plus tard, juste avant l'annonce de son renvoi devant le tribunal correctionnel. "Je voulais me présenter en qualité de simple citoyen devant vous" , explique M. Roussin. "Vous n'avez donc pas sollicité cette nomination, si je comprends bien ?" , observe M. Génin. "Vous me comprenez très bien, monsieur le procureur. On m'a aussi proposé un poste éligible aux dernières élections européennes, que j'ai refusé. Il ne vous échappe pas que si j'avais accepté, nous ne serions pas ici" , réplique le prévenu.
Décryptage : à l'époque où l'Elysée, cerné par les affaires, s'était préoccupé du sort de M. Roussin, celui-ci avait décliné la protection tardive qu'on lui proposait.
Retour aux débats en clair avec le président du tribunal, Jean-Louis Kantor, que rien ne semble pouvoir détourner du petit chemin tranquille de son interrogatoire. Il aborde la fameuse cassette dans laquelle Jean-Claude Méry, sulfureux intermédiaire RPR, assurait avoir remis à plusieurs reprises des millions de francs en espèces à M. Roussin. "Paix à ses cendres. C'est le seul commentaire que je peux faire, commente le prévenu. Vous l'avez rencontré Oui, quelquefois. Il se prévalait d'un certain nombre de responsables RPR et de mon nom pour faire sa tambouille."
Quant aux accusations qu'il a proférées, elles sont "indignes" , dit-il. Comme est "imaginaire" le témoignage du chef d'entreprise qui a affirmé devant le tribunal avoir été convoqué dans le bureau de M. Roussin, pour lui verser des fonds en échange d'un marché. Comme sont "absurdes" les déclarations des uns ou des autres s'abritant derrière ses "consignes" en matière de marchés publics.
"Je n'ai jamais eu à gérer des marchés" , ni "demandé des fonds à qui que ce soit" , affirme M. Roussin qui, quelques minutes plus tard, se contredira sans que nul ne le relève en évoquant une réunion, fin 1992, sur les commissions d'appels d'offres, à laquelle participait "Jean Tiberi, Alain Juppé, le maire et moi-même. Et à cette occasion, il a bien été rappelé que la loi et rien que la loi devait être appliquée" .
Comme découragé, M. Génin finit par lancer au prévenu : "Pourriez-vous dire, comme Louise-Yvonne Casetta, que dans cette affaire, vous avez été un bon soldat ? On dit qu'il faut sauver le soldat Roussin, mais ça fait onze ans qu'on essaie de le tuer, le soldat Roussin. Mais il tient encore, il n'est pas mort ! Monsieur le procureur, ce que je peux dire, c'est que depuis onze ans, je suis poursuivi à chaque fois en qualité de directeur de cabinet du maire de Paris et à ce seul titre. Et vous avez une explication à cela Aucune."
Au fait, le nom du "maire de Paris" , jamais cité ? Jacques Chirac.
Pascale Robert-Diard
Dire que Chirac est pour le oui à la Constitution. Vu ce que ce type a "apporté" à la France depuis tout ce temps, on serait tenté de voter non sans même savoir...