Amateur de l'étrange et de surnaturel, soyez les bienvenus dans ce test digne de « Retour vers le futur ». Nous allons découvrir ensemble un artefact fort singulier : il s'agit de la réédition par Gibson d'un modèle relativement éphémère et peu connu sorti en 1981 : la Victory. À cette époque, le succès grandissant des modèles de type « super-strat » (des copies de stratocaster survitaminées équipées de micros humbuckers) donne des idées à la firme américaine qui voit d'un mauvais œil la concurrence en la matière de marques comme Fender, Paul Reed Smith et consorts. Ils décident donc de sortir ce modèle afin de grappiller des parts de marché : ainsi est née la Victory, étonnant mélange entre caractéristiques typiques de la marque et ouverture à la modernité.
Le changement dans la continuité
La Victory a beau sortir du cadre par certains aspects, on trouve tout de même certains éléments qui ont fait la réputation et la personnalité de Gibson. Corps et manche sont collés (mention spéciale à la découpe arrière au niveau de la jonction corps/manche, dont le galbe est vraiment élégant et confortable) et le choix de l'acajou donne à cette guitare une résonance à vide excellente qui rappelle celle de la Les Paul.
Le poids reste raisonnable, 3,17 kilos, et l'instrument est tout à fait équilibré et ne penche pas, ni côté tête (certaines SG sont vraiment pénibles dans le genre !), ni côté corps. La forme de celui-ci est très bien pensée en termes d'ergonomie, et la qualité globale de conception rend cette Victory vraiment agréable à utiliser malgré un gabarit assez imposant. La table en érable ondé est du plus bel effet avec sa finition « smokehouse burst » sombre et élégante et il se dégage de cet instrument une certaine classe tout en sobriété.
Elle est également disponible en deux autres finitions, « iguana burst » et « wine red burst ». Le manche, surmonté d'une tête « banane » flanquée du logo, accueille une touche en ébène dotée de frettes medium-jumbo à la finition impeccable et de repères en acrylique décentrés. Cela paraît anodin, mais pour Gibson, maison très traditionaliste à l'époque, ce détail montre un vrai désir de s'ouvrir à la modernité !
Le radius compensé permet une action des cordes particulièrement basse sans problème de cordes qui buzzent et force est de constater que cela rend le confort de jeu particulièrement bon malgré un tirant de cordes assez gros sur le modèle testé (au moins du 10/52 à mon avis). Étonnamment, les sensations de jeu rappellent certains modèles ESP ou Washburn et sont très différentes de celles que l'on ressent sur les autres modèles plus classiques de Gibson. Ça n'est pas un mal en soi, loin de là, mais cela surprend, à vrai dire plutôt agréablement.
L'accastillage est composé de mécaniques Grover couplées à un chevalet tune-o-matic classique. Entre les deux, on trouve un sillet graph-tech et l'ensemble assure une tenue d'accord impeccable.
Let's split !
Côté électronique, c'est là que les choses deviennent intéressantes. Cette guitare est équipée de deux micros double-bobinage « 80's tribute » (après quelques recherches, il s'avère que cette nouvelle série a été lancée en 2023) et ceux-ci ont pour particularité de pouvoir être splittés à l'aide d'un système « push-pull » au niveau du potentiomètre de volume. Ce dernier contrôle les deux micros : il n'y aura donc pas de possibilité d'effets de « killswitch » à la Tom Morello en jouant avec le sélecteur à 3 positions ! Certains pourront regretter l'absence de contrôles de volume et tonalité séparés, même si cela donne une simplicité qui peut avoir ses avantages.
Le potentiomètre de tonalité, qui agit également sur les deux micros, recèle un autre système « push-pull » qui permet de sélectionner l'un ou l'autre bobinage des micros quand ceux-ci sont splittés. Cela donne des possibilités de nuances supplémentaires, aucune configuration n'est inexploitable, à chacun de trouver ses préférences…
Comme précédemment, ce système contrôle les deux micros, impossible de choisir simultanément des bobinages différents sur les deux micros. Les deux humbuckers remplissent leur rôle, bien qu'ils n'aient pas une grande personnalité sonore.
Le micro manche est légèrement « baveux » dans les graves et manque un peu de dynamique, mais reste pertinent, ceci étant dit, il est finalement plus intéressant en termes de palette d'expressivité sonore dès qu'on le splitte. C'est assez amusant de jouer des plans hendrixiens avec un son rappelant la strat sur un instrument de chez Gibson !
Le micro bridge est quant à lui correct, il remplit son rôle, mais manque un peu de saveur et d'agressivité. Par contre, il a le « twang » et la brillance qu'on attend d'un micro bridge de strat quand on le splitte. En résumé, la présence dudit split permet à la Victory de révéler une personnalité forte, convaincante et inédite dans le catalogue de la marque.
Pour conclure, cette Victory exhumée des couloirs du temps mérite qu'on s'y intéresse, ne serait-ce que pour découvrir ce modèle inhabituel aux spécificités étonnantes pour un instrument Gibson. C'est une guitare élégante et bien finie qui procure un grand confort de jeu et une palette sonore respectable, elle offre une véritable alternative aux modèles de super-strats proposés par les autres marques, de Fender à ESP en passant par Jackson, PRS, Schecter et consorts. À noter que cette guitare est fournie avec un hardcase intégralement noir du plus bel effet.
Les Plus
• Le confort du manche
• Le design général
• La table esthétiquement très réussie
• La palette sonore
Les Moins
• Pas de volume/tonalité séparés pour les micros
• Les micros manquant un peu de personnalité en mode humbucker
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