BONjour à tous !
Voilà, je m’installe pour réfléchir à tout ce que je pourrais vous raconter au sujet du rodage d’une table en épicéa et je constate qu’il y a davantage de petites choses que de grandes lignes… et qu’elles sont tout en désordre dans ma tête... J’espère arriver à quelque chose de cohérent !
Vous vous en doutez, il s’agit d’une science en partie empirique.
Ce que je vais vous en dire, c’est simplement ce que j’ai constaté et appris moi-même - ce qui n’exclut pas d’autres expériences, d’autres méthodes. Je pense que ce post devrait servir de point de départ à toutes sortes de réflexions et de témoignages.
Pour commencer, je crois que notre Hackett devrait replacer ici le post exposant une vue scientifique du phénomène du rodage.
Je n’ai que deux remarques au sujet de cet article :
• Je ne suis pas du tout d’accord avec la proposition de mettre sa guitare ailleurs que là où l’on se tient (afin, entre-autres, de lui éviter tout choc brutal au moment de passer d’une atmosphère à l’autre, il vaut mieux qu’elle suive lentement les fluctuations climatiques)
• S’il est vrai qu’une table en cèdre ne nécessite apparemment pas de rodage, il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que la table qui s’ouvre, mais bien tout l’instrument. Tous les bois se mettent en place au fil des jours, le vernis sèche et prend sa place sur le bois vibrant, les collages évoluent en fonction des vibrations, la table achève de se bomber, nécessitant, le plus souvent, une correction du sillet de chevalet pour ne pas se retrouver avec une action des cordes augmentée. Cela vaut aussi bien pour le cèdre que l’épicéa : l’instrument mûrit, c’est autant une question de temps que de rodage. Et, bien-sûr, plus le niveau de l’instrument est élevé, plus ces différences sont sensibles.
Donc.
D’une manière générale, on ne peut pas abîmer une guitare en la rodant mal. On peut l’améliorer en la rodant bien.
Si une partie du rodage n’a pas été faite, il est toujours possible de la mener à bien plus tard.
On peut, à tout instant, développer ou re-développer certaines "régions" oubliées ou négligées.
Chacun d’entre nous est cependant à la recherche de l’excellence…
Une guitare évolue en fonction du climat, de la saison, et, surtout, de ce que l’on joue.
On entend et sent des différences marquées d’un jour, d’un endroit à l’autre, preuve que l’épicéa est toujours fluctuant. Après trois jours d’entraînement pour un morceau qui se joue très haut, ma guitare gagne considérablement en puissance et en qualité dans les aiguës par rapport à une période où je joue intensivement un morceau bas.
Lors de ma tournée en Afrique il y a quelques mois, j’ai vu ma guitare gagner des basses superbes mais se mettre à friser dans certains secteurs. Pas d’inquiétude, elle est redevenue "normale" après trois jours parisiens.
Il s’agit aussi d’une forme de rodage.
De ce rodage permanent qu’il ne faut pas oublier…
Revenons-en au rodage d’une guitare neuve.
Jouer tous les jours !! Comme un soufflé sorti du four mais pas mangé, elle s’effondrerait et souffrirait si on commençait à la faire bouger puis la laissait en plant !
Je connais un guitariste qui a reçu son nouvel instrument juste avant ses vacances. N’ayant pas l’intention d’emmener un instrument de ce prix crapahuter dans les Andes, il l’a laissé chez lui, posé sur un support, entouré de baffles puissantes reliées à une chaîne HIFI programmée pour diffuser des musiques variées tous les jours ! Il s’est de la sorte assuré que sa guitare, au moins, vibrerait tous les jours. Le résultat fut largement probant !
Ne pas jouer une semaine équivaut à perdre le travail d’un mois.
Jouer toutes les cases, jusqu’à 19 (là où c’est possible) ! Il faut bichonner la partie de la touche située sur la table (au-delà de la 12ème frette)
S’inventer toutes sortes d’exercices à ce niveau ! C’est bon pour elle, c’est bon pour nous !
Chercher les "trous", ces notes (une corde, une case) où la guitare semble manquer de tonus et/ou de relief.
C’est même la partie la plus importante du rodage : chercher ces trous, les repérer, les travailler ; c'est-à-dire jouer ces notes avec insistance, sur tous les tons ; de toutes ses forces mais également le plus suavement possible. Leur faire vivre tout le spectre avec sollicitude. Cela marche de manière impressionnante.
S’employer à beaucoup jouer les secteurs où l’on ne joue pas d’habitude ou pas au quotidien… Cela garantit l’équilibre. Dont on profite même si le secteur actuellement utilisé n’est pas concerné…
Veiller à maintenir la guitare à une température et une hygrométrie assez stables pendant les trois premières semaines (zut, impossible de la sortir de la maison en hiver alors qu’on aimerait tant faire le fier auprès des copains !!) Fais-lui prendre froid en période de rodage et raconte-moi ce que tu constates... déjà qu’en période normale ce n’est pas excellent…
Ne pas la laisser dans un étui fermé !!! Elle a impérativement besoin de respirer, de se libérer des éthers du vernis, de la colle et… de notre propre sueur qu’elle absorbe en partie. Cela vaut pour toute guitare, même sortie de la période du rodage. Penser à l’essuyer après avoir joué.
Oui mais… éviter les courants d’air (fenêtre ouverte à proximité) !
Nous l’avons tous remarqué : même une guitare rodée se désaccorde si elle subit un courant d’air. Cela vient des cordes MAIS aussi de la table, qui bouge. De plus, la table qui bouge fait bouger les cordes et les cordes qui bougent font bouger la table. Si cela se remarque sur n’importe quelle guitare, imaginez-en les effets sur une guitare chère et "verte" !
Éviter comme la peste la proximité du chauffage !!
Veiller, lors du montage des cordes, à les changer dans les règles de l’art et, surtout, l’une après l’autre (enlève toutes les cordes d’un coup de cisaille et raconte-moi ce que tu constates après !!)
Au bout de trois-quatre mois, comme signalé plus haut, passer chez un luthier pour faire contrôler l’action des cordes (la distance qui les sépare de la touche) Une table rodée se bombe, c’est l’effet souhaité du temps, du rodage, des vibrations et de la tension des cordes. Une table qui se bombe peut augmenter l’action des cordes de plusieurs millimètres !
Voilà tout ce qui me vient à l’esprit pour l’instant.
J’espère avoir apporté quelques réponses.
Je me réjouis de vous lire !
Bien cordialement,
Amidala
(qui travaille tous les jours à se roder, mais c’est encore plus empirique que pour sa guitare !)