Un bref condensé d'histoire d'abord: en 1975, la clause de dix ans interdisant à Leo Fender d'utiliser son nom pour construire des instruments (clause conclue au rachat de Fender par CBS) expire. Il est alors nommé président de la firme pour laquelle il officie anonymement depuis quelques années, et qui vient de se rebaptiser Musicman.
Outre des amplis innovant avec un préampli transistor et un poweramp à lampe, Leo se relance donc dans le design de basses et guitares, avec les Stingray, parmi les premiers instruments à électronique active (à savoir, un préampli à deux bandes fixes treble et bass - coulé dans l'epoxi pour éviter les regards trop curieux
). La basse est un succès (qui perdure, c'est devenu un des grands classiques), et on la retrouve rapidement entre les mains de musiciens aussi différents que Bernard Edwards (Chic) et Cliff Williams (AC/DC) : c'est dire la flexibilité de l'engin!
Par contre la guitare Stingray est un bide. Faut dire qu'elle est plutôt moche. Du coup, en 1978, Leo et sa bande la redessine et naît ainsi la Musicman Sabre, avec toujours la même électronique, mais un corps plus élégant (en même temps, une basse Sabre apparaît, qui est une Stingray à deux micros).
La Sabre existe en deux versions: la I (radius 12 et jumbo frets) et la II (radius 7,5 et frettes standard), diapason 25,5. Il y'a eu quelques modèles avec la touche en palissandre, le corps lui étant généralement en frêne (quoiqu'il en existerait aussi en peuplier?). Elle n'a existé que de 1978 à 1980 (certains parlent de '81, voire '84, ce qui est improbable). +/- 8000 exemplaires ont été construits.
Je me rappelle clairement en avoir vu une en magasin à la fin des seventies, et avoir été très séduit par son design (par contre je ne me rappelle pas l'avoir essayée). Mais évidemment beaucoup trop chère pour moi.
40 ans après ... il y'en avait une à vendre en Belgique à prix décent et je me suis décidé à aller l'essayer. Elle appartenait au père décédé du vendeur et n'avait visiblement plus été jouée depuis longtemps! Cordes bouffées, manche sale, frettes largement corrodées ... mais étonnamment, même branchée dans le Behringer mis à disposition, certains aspects étaient très positifs: électronique tout à fait propre, pas un crachotement; chouette manche (fin pourtant), typiquement Fender, frettes corrodées mais peu "marquées", pas de gros dégâts, pas de modification. J'aime bien redonner une seconde jeunesse aux instruments délaissés, alors je l'ai prise.
Dans son jus (vous pouvez cliquer sur les photos pour des zooms très détaillés):
Aïe aïe:
On se retrousse les manches, nettoyage et polissage, et hop, ça va tout de suite beaucoup mieux:
A noter, le très joli checking:
Le manche est vraiment super agréable ainsi: un petit C fin dont le petit radius n'entrave absolument pas les bends. 100% Fender dans le ressenti.
Comme on le voit, ces Sabre ont la fameuse fixation du manche en trois vis + tilt neck, souvent décriée, y compris par moi, suite à mon expérience désastreuse avec une Strat late seventies dont le manche bougeait carrément dans son neck pocket! Rien de tout celà ici, rock solid du fait d'un neck pocket parfaitement ajusté, top qualité.
Donc, du point de vue jouabilité, les fendérophiles seront tout à fait à l'aise. Mais quid du son? On retrouve donc deux humbuckers (d'ailleurs de design très semblables à celui de la basse Stingray) et une électronique active deux bandes, un master volume, un sélecteur trois positions et deux mini switches: un switch de "bright" (comme sur les amplis Fender) et un inverseur de phase (le switch coin-coin comme je les appelle, très peu utile sauf en cocottes funky).
La règle d'or: SURTOUT ne pas tout mettre à fond comme sur une guitare passive! J'ai dans l'idée que ceci explique d'ailleurs l'échec de ces guitares! Car à l'époque, personne ne connaissait les électronique actives et donc les guitaristes ont fait comme d'habitude: tout à fond
. Et là ça sonne pas terrible du tout, clairement! Beaucoup trop de volume et de basses!
Il faut donc commencer avec les trois potards au milieu, et puis expérimenter. Avec le volume vers 5-6 on est en territoire Fender singlecoil, à 7-8 en humbucker, à 10 en lead de la mort-qui-tue. Pour ce qui est des basses, il en reste même à 0, et au-delà de 5 ça devient vraiment trop gras. Par contre, pour les aigües, je me trouve plus fréquemment entre 6 et 10.
Schématiquement, on pourrait dire que en position chevalet, volume 5/bass 0/treble 10 correspond à un micro chevalet strat, volume 6/bass 2/treble 9 à un micro chevalet tele et volume 7/bass3/treble 8 à un PAF-like ... de façon approximative, pour donner une idée et bien sûr en fonction de l'ampli. Le sustain est très présent, grâce au chevalet assez massif et aux cordes traversantes.
J'ai obtenu les meilleurs résultats via un pedalboard et un ampli clean, plutôt que plug'n play dans un ampli qui grogne: vu le côté actif, ce n'est pas si étonnant - difficile de dire si Leo avait entrevu l'essort des pédales et pedalboards qui allait suivre ou si c'est un hasard mais ...
Le switch bright est quasi inutile - peut-être qu'à l'époque avec de mauvais cables trèèès longs, il avait son intérêt mai splu sactuellement; sauf en cas d'utilisation de fuzz trop sombre, là il est bien pratique pour tout éclaircir.
L'électronique, bien cachée dans son epoxi (... qui l'a sans doute bien préservée durant 40 ans!):
Et la voici donc repartie pour quarante ans (au moins), aux côtés de sa soeurette avec qui elle partage plus qu'un air de ressemblance:
Je dois encore faire quelques essais, notamment la passer en 9-42 (10-46 actuellement): j'ai le "feeling" que ces modèles sont particulièrement prévu pour les tirants très fins qui commençaient à se répandre à l'époque (certains disent même que les plots très massifs des micros sont destinés à capter la moindre masse des tirants légers).