Bertrand Cantat, entre soutien et hostilité

En fait la plupart des gens n'ont pas forcément d'avis tranché au final, je pense que personne ne cautionne ce qu'il a fait tout comme personne ne lui couperait la tête non plus ...

Le débat c'est plutot, peut-il refaire des concerts en ayant un attitude limite et faire comme-ci de rien n'etait ?

Sans doute ...

Bernard Lavilliers a déclaré le concernant, qu'il avait le droit à la rédemption. C'est un mot fort issu de la religion chrétienne. La rédemption est celle du Christ qui va au supplice pour expier les fautes des hommes. Cantat a-t-il réellement expié ? Il n'en donne pas l'impression.

Pour moi ça ne me coûte pas de ne pas aller à ses concerts, je n'y allais pas avant. Je n'empêcherai personne d'y aller mais je trouve curieux que des gens y aillent. Je trouve aussi curieux les gens qui font du jogging avec de la musique dans les écouteurs.

Par contre le débat autour lui en ce moment pose des questions intéressantes.

Un ex taulard qui vient au secours d'un ex taulard ni plus ni moins

En fait , c'est un deuxième jugement ! On recondamne le condamné....et ça peut durer ! Et c'est très moderne ça , le web ...quoi !

Sur un plan voisin, Cantat peut-il se racheter, mettre sa dîme, se rédimer, donner son sou à ces mémoires qui l’entourent, endurantes (Marie Trintignant, Krisztina Rády...) ?

Autrement dit, peut-il espérer se racheter en se vendant ?

Cantat décante, en reste.

Cantat ne fait hélas que répondre à l’attente malsaine de ses fans sans conscience.
Plus que lui c’est son public sidérant d’inhumanité qui me trouble, en l’incitant à faire prospérer son personnage de bourreau devenu victime dans une sorte de déni cynique parfaitement gerbant.

C'est un sujet tellement périlleux... J'aime beaucoup les interventions que je viens de lire, celles de Zorzi, Bio ou PP entre autres. De la nuance, c'est compliqué dans ce type de contexte mais ça fait du bien.

A titre purement personnel je ne peux plus. J'ai d'abord été partisan du "il a purgé sa peine, si on croit à la Justice de son pays il a le droit de reprendre son activité". Puis quelques amies m'ont fait réfléchir et m'ont poussé à lire des trucs sur le jugement, la clémence de la sanction, et la grossièreté de la réapparition, qui est pour moi dénuée de tout remord, de toute empathie. Et là j'en reviens à un texte que PP avait posté à une époque et dont une phrase m'avait marqué: "on parle d'un homme qui a tué une femme à coups de poings". Et l'autopsie à démontré qu'ils avaient été répétés, que des fractures antérieures avaient été découvertes. L'argument du coup de folie ne tient plus: out pour moi.

J'en suis triste, qu'est-ce que j'ai adoré cet homme! J'ai eu l'honneur de le voir et d'installer son matos sur scène à Dour en 2002, il était si... humain. Très humble, un des rares à prendre le temps de venir vers nous, petits cons de 16 ans que les autres groupes ne voyaient même pas ou viraient carrément (merci Indochine), pour demander "si ça va", "si on s'amuse". Non, ça ne va plus, on ne s'amuse plus.

Je me retrouve assez dans ton ressenti: sans avoir idolâtré Cantat - c'était le groupe dans son ensemble que j'aimais! - j'aimais assez Noir Désir pour avoir plusieurs albums. Que je ne parviens plus à ressortir, et ça me fait de la peine pour ... le reste du groupe, qui n'a vraiment pas mérité d'être associé à cette horreur.

Pourtant, j'ai aussi fait tout le travail intellectuel concernant la peine purgée et le droit à reprendre une vie normale. Par ailleurs, de par mon métier, je suis confronté de temps en temps à des victimes et des coupables de violences conjugales et je sais parfaitement que, loin du profil classique de la brute épaisse caricaturale, beaucoup de conjoints violents ont d'autres facettes qui les humanisent - après tout, ces hommes, avant d'être des cogneurs de gonzesse, ont dû séduire leur victime, ce sont souvent des personnalités non dénuées d'un certain charisme. Et avec Cantat, on se trouve à l'extrême de ce cas de figure !!!

De ce fait, je comprend donc AUSSI ceux qui persistent à l'aimer, le soutenir et aller le voir - ou plutôt je comprend le processus. Sans du tout le partager, tout comme Mr Park "je ne peux plus", c'est viscéral. Mais est-ce que pour autant je ferais pression pour l'interdire de scène? non. Je ferais plutôt pression pour que les gens connaissent mieux les mécanismes de la violence conjugale, à la fois du côté des hommes pour qu'ils prennent conscience des faiblesses et impuissances que révèlent ce genre de comportement lâche, et des femmes pour qu'elles s'interrogent sur ce qui les attire vers ce genre de mec. Y'a du boulot.

Ne m'étant jamais retrouvé dans pareil cas, je dois dire que je ne comprends pas ceux qui continuent de l'aimer et d'aller à ses concerts. Je reste interdit devant ce phénomène. Je ne comprends pas parce que cela reste incompréhensible. Ce n'est pas du rejet ou de la colère mais je ne pige pas.

Toute proportions gardées, j'imagine ce qu'a dû être pour les militants communistes de découvrir que Staline et le régime soviétique étaient réellement, à des années-lumières de leurs idéaux profonds… Déception est un mot faible dans ce cas.

Il me semble que le retour à la scène de Cantat n'a pas été très bien orchestré par la maison de disque non plus.

Oui, un ami ou une amie ma dit que, ceci cela et chacun y ajoute sa petite dose, comme toujours, pour paraître encore plus au courant que ceux qui le sont ! Mais ça c'est notre monde actuel, c'est ce qu'on voit et entend tous les jours.......
BOn de toute façon c'est un débat stérile, mais je n'irai jamais a un de ses Concerts . Mais je n'empêcherai pas ceux qui le veulent d'y aller, et je ne juge pas ceux qui y vont !

Je trouve, au contraire de ce que tu expliques depuis plusieurs messages, qu'il y a peu de jugement (même de Cantat) mais une réflexion profonde sur ce qu'est l'expression artistique, la culture (au sens d'espace de jeu séparé de l'activité "réelle"). J'aurais été au contraire absolument sidéré si le retour de Cantat n'avait pas suscité le moindre questionnement et se serait déroulé dans la continuité absolue de sa vie avant le drame. J'aurais alors sérieusement questionné la pertinence contemporaine de l'art, la qualité voire la possibilité d'une culture, parce que la sensibilité de mes congénères m'aurait paru tout à coup bien relative. Si personne ne s'était posé la question de la décence de ce retour, j'aurais été désespéré de l'homme contemporain.

Oui , c'est clair ce que exprime, et ains , je partage pleinement. ...

L'expression artistique, la liberté d'expression, ne pèse plus autant qu'il fut un temps. Elle est mise à mal par un retour de la morale, parfois teintée de religion ou de politique. C'est quand même embêtant de voir une sorte de doxa prendre le pas sur toute sorte d'expression privée ou publique. C'est ni plus ni moins qu'une censure multiforme. Il y a déjà beaucoup de plaignants mais quand des artistes prêtent le flanc à des critiques par leur comportement, ça n'arrange pas ce phénomène.

Ah oui, bien sûr, pour moi aussi c'était le groupe avant Cantat hein D'ailleurs l'autorité morale du groupe semblait plutôt venir de Denis, le batteur.



J'hésitais à le dire mais tu me tends la perche. Je crois que l'histoire Cantat nous met à fleur de peau parce qu'elle nous renvoie à notre propre image. Je veux dire, ça nous interroge, ai-je déjà mal agi envers une femme? Ce genre de choses. En fait, l'affaire Cantat, c'est l'histoire de la violence ordinaire (qui va du commentaire déplacé aux coups) poussée à son paroxysme: la mort.

Pour autant, je ne l'empêcherais pas de jouer, et que ceux qui veulent l'écouter le fassent, je n'ai pas à leur dire ou interdire quoi faire. Pour moi il peut remplir le Zenith, c'est pas grave. Mais qu'on le mette en couverture des Inrocks ça me gêne, dans un pays où une femme meurt sous les coups d'un homme tous les 3 jours je trouve ça puant comme signal. Combien de femmes battues ont-elles vu ce visage au détour d'un kiosque? Qu'ont-elles pensé? Mais j'en veux plus aux Inrocks et au management qu'à Cantat lui-même, qui n'a fait que ce qu'on lui disait de faire (contredisant par là certains des ses textes période Noir Dés' )

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