Jasper Fforde - L'affaire Jane Eyre
Cette chronique existe en deux versions, la longue et la courte. Si la longue ne vous rebute pas, alors allez-y, c'est par ici. Pour les autres, voyez tout en bas, la courte vous y attend.
Version longue
D'abord quelques personnages :
Thursday next
est une Litteratec, ce qui dans l'Angleterre uchronique de 1985 représente pas mal de boulot. Les traffics de livres sont légion. Les Baconiens affrontent les Shakespeariens (ils pensent qu'il n'a rien écrit). Il n'est pas rare de voir des centaines de personnes porter nom et prénom d'un auteur célèbre, auquel cas on les distingue par un numéro. Bref la littérature dirige le monde, génère les maux de la société et Thursday s'occupe de tout ça. Vétéran - comme à peu près tout le monde - de la guerre de Crimée qui s'éternise (elle y a perdu un frère et quelques illusions), elle vit seule avec pour animal domestique un dodo reconstitué. Pickwick est une version 1.2 (cf. la couverture), pas aussi élaborée que les dernières en date, mais tellement amitieux. Son père est Chronogarde - il voyage dans le temps - et n'arrive pas à se débarasser de cette sale manie d'interrompre l'écoulement du dit temps quand il veut dire bonjour à sa fifille adorée
Mycroft Next
est l'oncle de Thursday et le mari de Polly. Inventeur génial, on ne retiendra pas de lui la possibilité d'envoyer les pizzas par fax, mais plutôt le portail de la prose, machine permettant à tout le monde et son voisin d'aller se ballader dans l'écrit de son choix. On voit tout de suite les problèmes que ça peut poser et qui problème dit
Acheron Hades
Ne cherchez pas, son frère se prénomme Styx. D'aucuns le qualifierait de prince du mal et ils auraient presque raison. Presque, car malgré ses pouvoirs (il ment en parole, pensée, apparence et tout le reste, il peut entendre son nom chuchoté à mille mètres, les balles ne lui font aucun effet...) il n'est que la troisième personne la plus recherchée au monde. De source très haut placée, on sait qu'il vaut mieux ne pas chercher à savoir qui sont les deux autres. Parce que rien qu'Acheron, c'est un gros morceau.
Jack Maird
_ Et merde !
_
Maird s'il vous plaît !
Représentant de la firme Goliath, il est la tête à claques du roman, celui qu'on a envie de frapper, frapper et encore frapper pour lui faire passer le goût de ses principes. Goliath, firme qui tire sa puissance du conflit en Crimée, mais également des luttes que mène l'Angleterre avec l'Irlande et le pays de Galles. Le quota de grand trust superméchant est respecté.
Roman jouissif.
Selon son auteur, tout son contenu (et celui des suites à venir) repose sur une seule idée : que se passerait-il si on pouvait kidnapper le héros d'un livre ? En l'occurence une héroïne : Jane Eyre. Quel genre de personne pourrait bien avoir une idée aussi tordue ? Comment s'y prendrait-il et surtout dans quel monde celà serait-il possible ?
Un monde farfeloufoque dans lequel on trouve des bornes placées sur le trottoir qui vous récitent Richard III. Des représentations du même Richard III plus proches d'un concert de rock que de l'image qu'on se fait d'un pièce de théâtre.
Ces 400 pages regorgent de trouvailles plus délirantes les unes que les autres. Totalement surréalistes, voir notamment la "séquence administrative" (presque une obligation dans ce type d'histoire) qui voit Thursday enregistrer son dodo comme animal domestique. On va dire que le dodo, c'est petit et calme comparé à, par exemple, la... mais je vous laisse découvrir.
Les personnages sont peut-être stéréotypés par moments, ça n'a aucune importance, ce qui va leur arriver est loin de l'être et emporte tout sur son passage.
A noter, chaque chapitre est introduit par des extraits divers (journaux, bios, interviews) détaillant certains éléments et évitant ains d'alourdir le récit.
Qui se boit, se savoure, se digère, se rote si vous voulez, mais laisse un souvenir impérissable, plein de petites saveures persistantes.
Version courte
Lisez l'affaire Jane Eyre, c'est fantastique !