Serge Brussolo - Trajets et itinéraires de l'oubli
Sentence populaire : "Ce bouquin, c'est comme le port-salut, le prix est marqué dessus."
2 euros.
Nous avons ici affaire à une longue nouvelle, une
novella comme on dit ("trop long pour une nouvelle, trop court pour un roman"). Initialement intégrée dans un recueil - une des premières parutions pour son auteur qui chiffre aujourd'hui à plus de 120 - elle se voit ici octroyée une nouvelle chance.
L'histoire ?
Georges se rend régulièrement au musée. LE musée, bâtisse infinie, dans laquelle il ne vaut mieux pas s'aventurer sans l'attirail nécessaire fourni par le tout-puissant ministère de la culture. Dans le cas contraire on risque de s'y perd à tout jamais.
Est-ce pour celà qu'Elsy n'est jamais revenue ? Elle possède pourtant l'attirail, elle qui vient d'accepter une offre du ministère (un poste de recensement des oeuvres du musée). Et avec quel empressement s'est-elle mise à la tâche ! Comme si elle fuyait quelque chose à vrai dire. Qu'a-t-il bien pu se passer durant sa première "fugue" du domicile conjugal ?
Tout celà, Georges l'ignore, ce qu'il sait, c'est qu'il va continuer à se rendre au musée, oser les premières salles, les premières galeries. Espoir futile de retrouver sa femme. Puis, une fois atteint ses limites, perdu au milieu d'un amoncellement de créations toutes plus énigmatiques les unes que les autres, il va laisser son esprit aller à sa place. Elsy, pendant ce temps...
Un texte magnifique, qui montre d'entrée de jeu le talent de son auteur, ainsi que le grand écart permanent que représente son style. Considéré comme un écrivain populaire (il le revendique avec force), Brussolo est aussi un ancien étudiant en lettres dont le mémoire de maîtrise sur Robbe-Grillet (un autre genre! ) a obtenu la mention très bien.
On retrouve cette dichotomie dans Trajets..., qu'on pourrait classer parmi les romans (ou nouvelles donc) de
déambulation chères à l'écrivain (une de ses formes favorites lorsqu'il s'attache au domaine fantastique-science-fiction ainsi qu'à ses nombreux dérivés).
Très descriptif, le style n'oublie pas de proposer une thématique elle aussi récurente chez Brussolo, la culture toute puissante et les sociétés qui en découlent (voir plus tard l'excellent syndrôme du scaphandrier). Ici, on croise un musée, coeur et cerveau d'une nation, qui peut s'avérer prison, des légendes autour d'oeuvres artistiques poussant plus d'un à la folie (cf. tout ce qui à trait au cube d'Heissenmann).
Un texte difficilement racontable en fin de compte tant on a envie de préciser tel ou tel détail, ce qui ne manquerait pas de donner une critique plus longue que l'oeuvre en elle-même, nous plongeant ainsi dans l'univers brussolien, fait d'excès saillants et de trajectoires molles et sinueuses.
2 euros.
1 heure de lecture grand maximum.
Ce qui n'a aucune importance, puisqu'on y revient sans cesse, tel Georges, telle toute personne happée par ce monstre qu'un jour, quelqu'un a nommé musée.