Retour de la chronique littéraire de G.com (hé hé
)
J.G.Ballard - Super-Cannes
Eden Olympia.
Parc d'activités d'un futur proche (quand l'auteur écrit, il anticipe de quelques années tout au plus, on devrait donc y être).
Futur proche où les forces vives internationales se regroupent dans une macro-bulle contenant villas, sièges sociaux, le tout en bord de mer, et sous le soleil.
Enfin tout ça c'est pour le décor.
Parce qu'à Eden-Olympia, on bosse.
Non, encore plus que ça.
Paul, relevant d'un accident d'avion (sa passion. Les avions, pas les accidents) accompagne sa femme-enfant pour sa nouvelle mission. Jane, médecin - hippie attardée sur les bords et un peu au centre aussi - quitte Londres et ses hôpitaux pour remplacer le Dr David Greenwood, récemment démis de ses fonctions (avec l'aide de quelques cartouches) pour faute grave : une tuerie au sein même de la sacro-sainte bulle Eden-Olympia.
Le couple Sinclair (Jane et Paul) débarquent donc dans leur Jaguar de collection au sein de cet empilement de verres et de piscines. On leur attribue de facto la maison du Dr. Greenwood tandis que le Dr Penrose, psychologue et figure tutéllaire des lieux commence son numéro.
Paul, contraint à l'inactivité, bourré de sédatifs, va s'enticher de la trajectoire de Greenwood, chercher à comprendre et, selon l'expression consacrée, faire éclater la vérité.
Et ce qu'il va trouver n'est pas forcément agréable.
Quant à sa femme...
Que penser de ce livre ?
Au jour d'aujourd'hui, je n'arrive toujours pas à décider si je l'ai apprécié ou pas. Je suis allé au bout sans difficultés, mais sans entrain non plus.
La forme : un peu long. 500 pages, et l'on voit que Ballard ne lui en déplaise n'est pas un écrivain aussi moderne qu'il le souhaite (ce n'est pas une injure que de le dire). Pour preuve, ces passages descriptifs qui s'insèrent ça et là dans le roman et qui, bien que magnifiquement écrits (à l'ancienne) alourdissent le récit.
Super-Cannes se veut coup de poing, il aurait donc mérité une écriture plus ramassée, et moins de pages.
Le fond : et cette question, quelle est l'exacte volonté de l'auteur ? A première vue, on y voit une dénonciation acerbe de l'ultra-mondialisation, de la culture omniprésente et omnipotente du travail et de la réussite. On y croise des déviances et exactions en tout genre qui se veulent les étais de cette mise en accusation, mais au fond, on se demande si ce n'est pas simplement le cri de dépit d'un viel anglais qui ne se serait pas remis de la vision d'une côte d'Azur saccagée par l'industrialisation, Cannes révé (et vécu dans sa jeunesse) maintenant à la merci du béton et des Super-Structures vitrées. Impression soulignée par les passages descriptifs évoqués plus haut (quasi lyriques) qui prennent alors l'apparence de dernières fulgurences de magie avant extinction définitive.
Impression toujours confirmée par les nombreuses références à Alice (vous savez, celle qui passe les miroirs comme vous les portiques des SuperMarchés), et les mondes qu'elles découvrent : magnifiques mais tordus, avec comme problématique : comment garder son innocence et son idéalisme au milieu de tout ce baltringue ?
Super-Cannes ne serait-il qu'un roman Super-Nostalgique ?
Dans ce cas, certaines généralisations mettent mal à l'aise (ça on sait qu'il aime). Si c'est le but, c'est gagné, mais quel dommage.
Ce qui met mal à l'aise aussi : la rapidité avec laquelle Jane l'idéaliste se fond dans le moule E-O, comme pour nous montrer qu'absolument personne n'est à l'abri.
Ou bien est-elle sans le savoir la cliente rêvée ?
En conclusion, un roman intéressant bien que poussif par moments qui paradoxalement, alors qu'il repose sur la passion qu'à son auteur pour la psychologie, en manque parfois.