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Lao
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    Lao
    le 02 Janv 2021, 15:18
Non - d'ailleurs ces années là je n'étais pas en Bretagne. Mais le bouquin doit être intéressant.
Je n'ai même jamais été aux vieilles charrues alors que mon frangin et mes neveux y ont travaillé - en général à cette période je vais chercher le vent et le soleil plus au sud.
Il me restait les trans.
Sola
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  • #5176
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    Sola
    le 02 Janv 2021, 15:35
Ok, je vais essayer de me le procurer.

Si pas vu, tu serais peut-être intéressé par le documentaire:

Le bonheur rangé dans une armoire
Lao
  • Lao
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  • #5177
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    Lao
    le 02 Janv 2021, 15:56
Je regarde merci - l'aventure ....
Lao
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  • #5178
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    Lao
    le 02 Janv 2021, 17:13
Super merci !
jules_albert
jules_albert a écrit :

l'œil de l'état : moderniser, uniformiser, détruire

janvier 2021 : https://www.editionsladecouver(...)57359

Pourquoi, malgré des intentions parfois sincères et orientées vers le bien-être de leurs populations, les États modernes les ont-ils si souvent malmenées, voire meurtries ? Pourquoi, malgré les moyens colossaux mis en œuvre, les grands projets de développement ont-ils si tragiquement échoué et ravagé l'environnement ? Dans cette recherche foisonnante, James Scott démonte les logiques bureaucratiques et scientifiques au fondement de ces projets " haut-modernistes ", poussant à toujours plus de lisibilité et de contrôle sur la nature et les sociétés humaines.

À partir d'une large palette d'études de cas allant de la foresterie scientifique à la création des premiers recensements et des noms propres, de la doctrine révolutionnaire de Lénine à celle de Le Corbusier en matière d'urbanisme, et de la collectivisation de l'agriculture soviétique aux politiques de villagisation en Tanzanie et ailleurs, Scott dénonce ces entreprises de planification autoritaire qui finissent par appauvrir et étouffer le monde physique et social.

En appuyant leur pouvoir sur des formes de classification, de standardisation et d'abstraction, ces projets tendent tous à négliger les mécanismes et les processus informels d'ajustement pourtant essentiels à la préservation d'ordres sociaux viables. Ils échouent aussi car ils marginalisent les savoirs locaux de celles et ceux qu'ils ciblent. À l'encontre de ces approches autoritaires centralisées et surplombantes, Scott défend le rôle de formes de savoirs plus modestes, étroitement liées à l'expérience pratique et davantage capables d'adaptation au gré des circonstances.



anselm jappe, béton, arme de construction massive du capitalisme

https://www.lechappee.org/coll(...)beton

Le béton incarne la logique capitaliste. Il est le côté concret de l’abstraction marchande. Comme elle, il annule toutes les différences et est à peu près toujours le même. Produit de manière industrielle et en quantité astronomique, avec des conséquences écologiques et sanitaires désastreuses, il a étendu son emprise au monde entier en assassinant les architectures traditionnelles et en homogénéisant par sa présence tous les lieux. Monotonie du matériau, monotonie des constru­ctions que l’on bâtit en série selon quelques modèles de base, à la durée de vie fortement limitée, conformément au règne de l’obsolescence programmée. En transformant définitivement le bâtiment en marchandise, ce matériau contribue à créer un monde où nous ne nous retrouvons plus nous-mêmes.

Raison pour laquelle il fallait en retracer l’histoire ; rappeler les desseins de ses nombreux zélateurs – de toutes tendances idéologiques – et les réserves de ses quelques détracteurs ; dénoncer les catastrophes qu’il engendre sur bien des plans ; révéler le rôle qu’il a joué dans la perte des savoir-faire et dans le déclin de l’artisanat ; enfin démontrer comment ce matériau s’inscrit dans la logique de la valeur et du travail abstrait. Cette critique implacable du béton, illustrée par de nombreux exemples, est aussi – et peut-être avant tout – celle de l’architecture moderne et de l’urbanisme contemporain.
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jules_albert

L'héritage spirituel amérindien

Et si la spiritualité des Amérindiens d'Amérique du Nord, loin d'être dépassée ou archaïque, pouvait nous aider à surmonter nos difficultés ? Centrée sur un dieu cosmique qui ressemble profondément au cosmos que nous décrivent les scientifiques depuis Einstein, cette spiritualité est inséparable d'un souci profond de la nature, de la terre, de la beauté du monde. Elle offre des pistes fécondes pour répondre à la crise écologique actuelle. Car nous ne faisons pas seulement face à une crise de gestion de nos ressources, mais à un manque d'harmonie en nous, les autres et le monde.


à propos des différentes névroses qui provoquent ce manque d'harmonie :
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Lao
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  • #5181
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    Lao
    le 03 Janv 2021, 12:32
jules_albert a écrit :
....
Et si la spiritualité des Amérindiens d'Amérique du Nord, loin d'être dépassée ou archaïque, pouvait nous aider à surmonter nos difficultés ? Centrée sur un dieu cosmique qui ressemble profondément au cosmos que nous décrivent les scientifiques depuis Einstein, cette spiritualité est inséparable d'un souci profond de la nature, de la terre, de la beauté du monde. Elle offre des pistes fécondes pour répondre à la crise écologique actuelle. Car nous ne faisons pas seulement face à une crise de gestion de nos ressources, mais à un manque d'harmonie en nous, les autres et le monde.


Par contre les livres sur les névroses écrits par ceux qui les subissent ....
Jim Morrison
En attendant de pouvoir y retourner, je parcours ça :

Directement connecté depuis ma tombe du Père Lachaise. On n'arrête pas le progrès...
Kandide
En parlant, de sauver la planète, je pense que "L'éloge de la lenteur" est une des pistes non négligeables.
Kandide
jules_albert a écrit :
....
Et si la spiritualité des Amérindiens d'Amérique du Nord, loin d'être dépassée ou archaïque, pouvait nous aider à surmonter nos difficultés ? Centrée sur un dieu cosmique qui ressemble profondément au cosmos que nous décrivent les scientifiques depuis Einstein, cette spiritualité est inséparable d'un souci profond de la nature, de la terre, de la beauté du monde. Elle offre des pistes fécondes pour répondre à la crise écologique actuelle. Car nous ne faisons pas seulement face à une crise de gestion de nos ressources, mais à un manque d'harmonie en nous, les autres et le monde.

Je pense que la spiritualité Amérindienne est très novatrice et avant-gardiste ! Peut-être même, l'unique piste pour nous sortir de notre bourbier...

(On ne laisse plus le temps à la planète de se regénérer)
Je parlais aussi de l'éloge de la lenteur qui rentre dans le schéma des solutions...
jules_albert
jules_albert a écrit :
un livre sur parvulesco en février prochain, personnage déjà évoqué dans ce topic il y a quelques mois.

https://www.editionslatableron(...)05950


michel marmin parle de jean parvulesco et de ses liens avec les cinéastes de la nouvelle vague, c'est assez intéressant :

http://www.contrelitterature.c(...).html

le compte-rendu complet de basic instinct par jacques saada évoqué dans l'interview de michel marmin : https://films.oeil-ecran.com/2(...)inct/



Dans le somptueux clair-obscur à la Rembrandt d’une vaste chambre en forme d’autel, décorée de vitraux ornés de croix d’apparence celtique, un couple enlacé fait l’amour. Peu à peu, la jeune femme oriente la bataille amoureuse en une dérive rituelle où, chevauchant son partenaire, elle entrave ses poignets avec un foulard de soie blanche en le crucifiant aux montants de leur couche ; puis, se redressant au-dessus de lui, telle la Vénus d’Ille, soulevée par l’orgasme naissant, le visage balayé de ses magnifiques cheveux blonds par un rythme incantatoire, déhanchant son corps sculptural en une véritable parade sexuelle, tend le bras vers un pic à glace dissimulé derrière elle, sous le drap, le saisit en guise de poignard sacrificiel et, avec l’effrayante puissance déployée dans la splendeur cambrée de son corps, l’en frappe à l’instant de l’éjaculation dans un jaillissement de sang, continuant de l’en frapper à coups redoublés avec une sauvagerie guerrière surgie du fond des âges… La victime de cette cérémonie sanglante est un certain Johnny Boz, ange déchu du rock. L’enquête est confiée à l’inspecteur Nick Curran de la police de San Francisco, et à son collègue, Gus Moran. Très vite, leurs investigations vont les mener vers une jeune, riche, brillante et talentueuse romancière blonde, à l’impressionnante beauté, Catherine Tramell, dont la grandiose résidence surplombe, tel un temple, l’océan que reflète son regard. Or, par un phénomène étrange, le déroulement de l’enquête semble pousser les protagonistes à s’entredétruire sous l’emprise de la jeune femme ou à vivre sous sa domination ; plus étrange encore, les romans de Catherine Tramell, comme le fil des Parques, apparaissent sceller le cours des destinées humaines.
Transcendé, sublimé, par la puissance du génie dramatique et la formidable beauté de Sharon Stone, « Basic Instinct » constitue avec « Sliver » un tournant, la somme dramaturgique charnière de cette fin de siècle dont Sharon Stone est la plus fabuleuse révélation.
La fascinante puissance du prologue de Basic Instinct prépare l’implacable épilogue de « Sliver » ; son propre épilogue, sans fin, annonçant, grâce à l’intercession divine de Sharon Stone, le retour et la prise de possession mystique de son appartement par Catherine, métamorphosée en Carly, dans « Sliver », à l’instar de Wotan devenu le Voyageur dans Siegfried.

De « Basic Instinct » ou l’instinct fondamental à « Sliver » ou le chaos des instincts, Sharon Stone est le démiurge de la mise en oeuvre du concept nietzschéen d' »instinct » : ayant, dans « Basic Instinct », imposé le règne de l’instinct fondamental dans l’élan qui détermine le choix de l' »élu » et dans celui que donne la sensation d’avoir été choisi, par la perception de l' »autre », Catherine, devenue momentanément Carly, met fin au chaos des instincts et à l’égarement blasphématoire de ceux qui prétendent jouer à Dieu, en dressant le constat de destruction de leurs ambitions sacrilèges. « Basic Instinct » est, par ailleurs, enrichi d’innombrables points de repère, mythologiques notamment : Catherine méditant devant le bûcher purificateur, au lendemain de la nuit d’amour ; son environnement d’amazones, Roxane, Hazel, Beth ; sa parure précieuse dans les dernières scènes ; l’utilisation du blanc et du noir (les deux Lotus, noire et blanche, de Catherine ; son foulard et son châle, sa robe, son manteau, son tailleur, blancs… ; les vêtements noirs de Roxane) ; le plan final où resplendit le pic-épée comme dans une crypte. Il faudrait décoder chaque plan, voire chaque écran de la « régie » dans « Sliver ».
Une idéale fusion, proche du drame wagnérien, de tous ses éléments constitutifs – scénario, dialogues, décors, photo, montage, musique, interprétation – portés à leur plus haut point de rigueur par une mise en scène idéale, confère au chef-d’oeuvre de Sharon Stone et Paul Verhoeven les tonalités rarissimes d’une création intimiste et grandiose à la fois.
Pour incarner le personnage immense, surhumain, unique, le plus absolu de la dramaturgie contemporaine, de Catherine Tramell, il fallait une parfaite adéquation entre un être d’essence supérieure, Sharon Stone, et un rôle impliquant une mission dont la stratégie et la finalité seraient les siennes. Hasard et nécessité, arrivant à son heure, écartant des lois sans force par la force des ses propres lois qui deviendront les nôtres, Sharon Stone donne naissance à un personnage infaillible, aux normes inconnues jusqu’à elle.
Protectrice du Graal, elle-même déesse, Sharon Stone est vraiment l’envoyée des dieux : Parque ordonnatrice de la vie et la mort, d’une férocité inexpiable à l’encontre de la médiocrité profane, suractivant l’un par l’autre le plaisir des sens et l’intellect, unissant le païen au sacré, le sacral au mystique, l’Occident et l’Orient, Apollon et Dionysos, Éros et Thanatos, la cathédrale et le temple, ouvrant et fermant à volonté celui de Janus dont elle s’approprie les deux visages, pour unir enfin l’Olympe et l’Assemblée où, inversant les rôles, l’ironique déesse provoque de son tribunal, par un légendaire décroisement et croisement de jambes, l’humanité, là où elle en connaît les faiblesses, tout en choisissant l’élu (Nick).
Réconciliant Sparte et Athènes au soleil de Nietzsche, Sharon Stone déploie, de l’extrême fragilité à l’infinie puissance, une course exploratoire avec la rigueur conceptuelle et le légitime orgueil d’un auteur.
Transmutant toutes les valeurs par-delà le bien et le mal, Sharon Stone catalyse toutes les potentialités divines et humaines dont nous sommes les comptables depuis Eschyle et Homère. Parque de nos destinées, elle donne naissance à un sur-être dont la volonté de puissance, de pouvoir (Wille zur Macht) n’exclut pas du « surhumain », « l’humain, trop humain ». Son intervention liminaire, d’essence sacrale, le châtiment de l’humanité déclinante prise en la personne de Johnny Boz, déclenche la seule réaction envisageable – une enquête policière – par une société incrédule qui, ayant perdu le sens du message sacral initiatique, ne croit plus qu’au mensonge, seul de nature à suspendre son incrédulité ; cet état de suspension of disbelief auquel Catherine fait allusion, lors d’une scène capitale, dans la voiture qui l’emmène vers son interrogatoire.
Lorsque ayant semé les « vrais-faux » indices qui lui suffiront à égarer les hommes, à clore l’enquête en refermant la porte sur les certitudes qui satisfont leur logique, la déesse aura estimé sa mission terminée, seule une défaillance humaine de femme amoureuse chez la manipulatrice suprême, telle Mme de Merteuil qui ressentirait soudainement la vulnérabilité de Mme de Tourvel, lui fera surseoir à l’élimination de l’élu d’un moment, sous l’égide menaçante du pic à glace sacrificiel devenu épée de Damoclès.
Aussi lumineuse que le prélude de Lohengrin, aussi intense que celui de Parsifal, aussi radieuse et majestueuse que le lever du jour et la scène finale du Crépuscule des dieux, Sharon Stone est aussi belle qu’une page de Wagner à laquelle Mozart et Richard Strauss auraient collaboré et dont l’admirable partition qu’elle a su inspirer à Jerry Goldsmith, entièrement structurée à partir des leitmotive de son personnage, nous offre la plénitude. La distinction aristocratique, la force de caractère, la puissante expressivité, les nuances infinies de ses traits, de sa voix, de sa diction, comme sous-tendues par un bonapartisme conquérant, sont aussi décisives dans leur perfection et leur ascendant impérieux que la symphonie Héroïque de Beethoven.
Sharon Stone nous élève à l’origine de la tragédie par la surnaturelle beauté d’un cérémonial où sa danse sacrale et le rituel incantatoire de sa gestuelle amoureuse s’organisent en une authentique liturgie ; où Circé maîtrisant Ulysse à la pointe de son glaive redonne au monde cette sensation d’absolu qui l’avait abandonné.
Incarnant cette voisine de palier du Soleil dont rêvait Nietzsche, Sharon Stone, par son charisme, fait partie de ces quelques êtres dont on a le sentiment troublant et fort qu’on les attendait depuis l’aube des temps. Par l’épée, par le feu, par le sang, elle nous entraîne et nous guide à travers les décombres de la décadence contemporaine vers la nouvelle aube, régénératrice, du troisième millénaire. Sa volonté de pouvoir, sa conception du monde, sa Weltanschauung, lui fraient tout naturellement sa voie vers l’ère nouvelle d’une Ordnung personnelle.
Par la synthèse de Catherine et de Carly, Sharon Stone réalise ainsi le rêve nietzschéen du sur-être aux dimensions infinies, Catherine révélant parfois les fragilités de femme de Carly et l’humaine, trop humaine Carly, rendue plus forte par ce qui ne l’a pas tuée, dressée, telle l’archange saint Michel, face à l’humanité déchue, nous restituant Catherine dans sa toute-puissance.

Jacques Saada, Guide des films sous la direction de Jean Tulard


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Lao
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    Lao
    le 09 Janv 2021, 18:57
Je suis en train de lire ça. Une plongée dans le monde de l’idolâtrie évangéliste - glaçant.
jules_albert


étant donné leur teneur littéraire et philosophique, les textes de jacques saada sur les films de sharon stone ont ici leur place.


Une jeune fille de dix-neuf ans, Cindy Liggett, est condamnée à mort pour crimes, à l'issue d'un procès bâclé. Elle sera exécutée douze ans plus tard, après avoir combattu en vain dans le Couloir de la mort.

Dans l'œuvre récente de Sharon Stone, Last Dance se présente comme l'aboutissement d'une trilogie mystique, Casino (1995) - Diabolique (1996) - Last Dance (1996), qui prolonge, en la transcendant, sa trilogie héroïque, Basic Instinct (1992) - Sliver (1993) - The Quick and the Dead (1995). Proche des Celtes et des Germains de par ses origines, Sharon Stone a fait du grand passage de la mort le thème de réflexion central de son œuvre et, par là même, une source d'inspiration de son génie créateur.

Si Diabolique n'offre aucune solution, la mort s'y confondant avec le néant que l'on affronte désespérément seul, dans Casino la mort est provoquée par l'humanité en décadence qui fait glisser Ginger du dédale de La Maison des morts de Dostoïevski dans les ténèbres du dernier cercle de L'enfer de Dante ; mais le "shoot" mortel qui désagrège Ginger est d'une portée radicalement inverse de celle de l'injection mortelle qui libère Cindy dans son ultime et prodigieux élan vers la lumière de sa vérité.

Chef-d'œuvre absolu, Last Dance constitue ainsi l'ascèse, la pensée, la philosophie profonde de Sharon Stone, son credo spirituel et métaphysique, tendu vers un panthéisme infini. Fragilisée par l'égarement suicidaire de "l'humain trop humain", Cindy a distribué la mort, comme Electre, sans en avoir le droit. Face aux lois de la Cité, elle retrouve l'esprit d'Antigone, non pour mettre fin à sa propre vie, mais, dépassant la problématique de la peine de mort, pour accomplir, réussir au moins, son passage vers l'ailleurs, vers sa nouvelle aube.
Par son charisme, par la dimension messianique guerrière de son personnage, Sharon Stone confère à Cindy les résonnances sacrales de la Jeanne d'Arc de Dreyer. Sublimant sa vision de l'invisible par l'intercession du Taj Mahâl, temple légendaire de l'amour plus fort que la mort, dont elle gravera pour l'éternité le reflet de l'image, elle parvient, comme l'Isolde de Wagner, là où la vie, l'amour et la mort vont fusionner en une harmonie nouvelle dans ce qui devient pour elle l'Eldorado de son âme.

Sharon Stone accomplit avec Cindy, un instant saisie par le doute, l'effroi du désarroi et la révolte, son entrée dans un monde de lumière où nous l'accompagnons en une immense procession. Maîtresse de sa rédemption et de sa transcendance, elle préside elle-même au rituel sacrificiel de son exécution, c'est-à-dire de la cérémonie qui l'intronise dans cet au-delà qui est devenu sa profession de foi. Nous irradiant de la lumineuse pureté de son indicible beauté et de son regard où s'harmonisent la bouleversante fragilité d'une héroïne d'Andersen et la suprême intensité du prélude de Parsifal, Sharon Stone, après avoir vécu et enduré la Passion de sa condition humaine, nous entraîne avec elle dans la quête de son Graal.

Jacques Saada
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jules_albert



Surgissant à l'aube, à proximité de l'océan, un automobiliste file à travers une forêt, tel le cavalier du Roi des aulnes ; soudain...

Sally Eastman est une fascinante jeune femme, à l'étrange blondeur solaire, d'une impressionnante beauté. Mariée à Vincent, elle a une fille, Meaghan, qui semble son propre reflet et dont le regard, comme le sien, reflète l'océan. Architectes tous deux, Sally et Vincent ont créé un cabinet d'architecture. Bel homme, séduisant, Vincent, de goûts simples, paraît écrasé par la trop forte personnalité de Sally, être d'une intelligence exceptionnelle, hors du commun, ambitieuse, rigoureuse dans ses principes, d'apparence doctorale, froide, austère, mais brûlant d'une vie affective, d'une sensualité, d'un feu intérieur intenses. Pour tenter de se protéger de cette domination, Vincent cherche refuge auprès d'Olivia Marshak, journaliste sans grande personnalité mais rassurante, "à sa hauteur". C'est alors que Vincent laisse deviner, malgré lui, à Sally un choix de rupture qui va provoquer chez elle une réaction glaciale suivie, à l'instar d'Electre, d'un déploiement d'imprécations d'une effrayante puissance. Prisonnier de ses peurs, désemparé, Vincent, sur le point de rejoindre Olivia, lui écrit une lettre de renoncement, mais ne se résout pas à la poster, laissant, au contraire, un message d'espoir sur son répondeur... Puis, il reprend sa course vers Olivia, mais elle sera brutalement interrompue à l'intersection fatale d'une autre route masquant le Styx... L'horloge du fatum, seule, continuera sa course... Au seuil du néant, dans une ultime vision, incapable de comprendre les gestes d'invitation au voyage que lui font Sally et Meaghan, de la poupe de leur voilier cinglant vers la lumière de l'horizon, Vincent se "verra" suivre Olivia dans les ténèbres des abysses. Sally, du haut de sa toute-puissance, dévisagera une dernière fois Olivia, prostrée par la mort de Vincent, puis, ayant égrené au fil d'une eau venue du Styx les morceaux de la lettre retrouvée sur lui, détournant avec amertume et pitié son regard, comme Carly Norris à la fin de Sliver, le dirigera là où l'horloge du temps détermine le cours des destinées humaines.

"Base Stone", le gigantesque musée ethnographique en forme de temple construit sous la direction de Sharon Stone par Vincent aux abords du Pacifique, est le sanctuaire d'où il arrivera que son messianisme initiatique se métamorphose en une fureur missionnaire, comme dans le prologue de Basic Instinct, l'épilogue de Sliver, et pendant la "nuit du destin" où Sally, investie de la puissance des dieux, menacera Vincent des foudres de l'Apocalypse... La Parque de Basic Instinct engendre celles de Sliver et d'Intersection, au fil des colères punitives et destructrices qui les déchaînent, armant le bras de Sally qui, brisant le miroir, fusionnant inexorablement l'humain et le surhumain, abattra l'épée de Damoclès sur Vincent.

L'insignifiance de la relation de Vincent et d'Olivia est à l'échelle du projet miniaturisé de la villa conçue par Vincent où pour y emménager, Olivia voudrait mesurer "cinq centimètres"; projet sur lequel s'étend l'ombre grandiose et menaçante du temple conçu par Sally, réceptacle des civilisations disparues du fait de l'inconséquence aveugle et destructrice d'une société décadente, en perte de cultures et de repères, ne s'interrogeant même pas sur la valeur des valeurs que les marchands du temple cherchent à lui imposer, pour tenter de les substituer aux vrais dieux qui y siègent, et où Sally, impériale déesse tutélaire des lieux, réinstallant Rome dans Rome en y établissant le stonisme pour un "Sharon Stone Age", apparaît le soir de l'inauguration, tenant sa fille à ses côtés.

Sharon Stone, dont l'intelligence et la lucidité de Mark Rydell ont été de savoir saisir la richesse des nuances dramaturgiques, insuffle à toutes les strates d'Intersection - admirable partition de James Newton Howard, parfois proche de Rimski-Korsakov, de Debussy et de Ravel, superbe photographie de Vilmos Zsigmond - le souffle de son génie créateur en auteur dont l'évidence et l'influence se confirment et s'affirment de film en film. Sharon Stone, unissant Électre, Salomé et Antigone, est bien la plus grande et la plus belle tragédienne contemporaine.

Jacques Saada
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