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    le 22 Déc 2016, 21:34
en ce moment je me régale d'un recueil de poèmes de Richard Brautigan, les œuvres complètes plus précisément, un recueil publié récemment par Le Castor Astral, plus de 700 pages, édition bilingue, cet éditeur avait déjà racheté les droits d'autres rares recueils publiés ces vingt dernières années ici ou là.
Brautigan pratique une poésie minimaliste, pas autant que le haïku japonais mais on n'est pas loin, avec beaucoup de fantaisie, d'humour, sans prétention, tout sauf hermétique, prosaïque même (mais pas autant que celle de Bukowski), et par la grâce de son regard décalé, préoccupé de microscopiques choses qu'on ne relève jamais, il enchante et donne sans cesse à ressentir et penser différemment.
un petit exemple, avec ces quelques vers qui m'ont (bizarrement ?) évoqué la peinture de Magritte :


The time is right to mix sentences
sentences with the dirt and the sun
with punctuation ans the rain with
verbs, and for worms to pass
through question marks, and the
stars to shine down on budding
nouns, and the dew to form on
paragraphs.


C'est le bon moment pour mélanger des phrases,
des phrases et de la terre, le soleil
et la ponctuation, la pluie et
des verbes, que les asticots traversent
les points d'interrogation,
que les étoiles éclairent les noms
bourgeonnants, et que la rosée se forme sur
des paragraphes.
barbitare
cette semaine j'ai commencé "pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway
ça ne vous dis rien ? titre original : "FOR WHOM THE BELL TOLLS"
sur la guerre d'Espagne en 1936

excellent, on est pris dès les premières pages...
on second tought, let's not go to Camelot : it's a silly place !
- le roi Arthur
zôsö85
barbitare a écrit :
cette semaine j'ai commencé "pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway
ça ne vous dis rien ? titre original : "FOR WHOM THE BELL TOLLS"
sur la guerre d'Espagne en 1936

excellent, on est pris dès les premières pages...


Roh putain non, si Jules lit ça on est parti pour 3 pages de copier coller.

Blague à part, ça a l'air cool comme livre.
barbitare
c'est un déglingo ce Jule !!

sinon c'est super bien comme bouquin, mon premier d'Hemingway.

j'avais déjà lu "hommage à la Catalogne" sur le même sujet de Georges Orwell, qui est autobiographique sur son l'engagement en tant que volontaire dans les brigades anarchistes mais "pour qui sonne le glas" c'est plus romancé, plus pêchu aussi ça commence d'entré par un mec qui a des bâtons de dynamite plein le sac à dos et qui part faire sauter un pont, t'as qu'à voir

on est pas sur du Musso
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- le roi Arthur
jules_albert
hemingway est un grand écrivain (davantage nouvelliste que romancier d'ailleurs), mais "pour qui sonne le glas" n'est pas son meilleur livre, et encore moins si l'on veut se faire une idée de la guerre d'espagne. parmi ses romans, on peut lui préférer "le soleil se lève aussi", par exemple.

à propos du conflit espagnol, hemingway et malraux ont faussé les faits, contribuant à la mensongère mythologie antifasciste forgée par la propagande du stalinisme de front populaire.

comme le souligne jaime semprun dans sa préface à durruti dans le labyrinthe, l'appellation conventionnelle de "guerre d'espagne" constitue déjà une remarquable adultération car elle permet de rejeter dans l'oubli la révolution sociale qui s'est dressée seule contre le soulèvement militaire, révolution qu'il fallut d'abord vaincre pour qu'il n'y ait plus face à face, après mai 1937, que deux formes de pouvoirs étatiques de la contre-révolution, dont le plus fort gagna la guerre (tout ceci est d'ailleurs évoqué à la page 30 de la brochure sur le surréalisme postée plus haut, "Staline est dénoncé comme le grand négateur et le principal ennemi de la révolution prolétarienne").


un autre témoin :
"Le rôle de Staline, en Espagne, approchait de sa fin ignominieuse. Staline était intervenu dans l'espoir de se frayer, avec la vassalisation de l'Espagne, un chemin vers Londres et Paris, et en définitive vers une alliance avec l'Allemagne nazie. Sa manœuvre échoua. Il avait manqué d'audace. Il avait joué le jeu à fond contre l'indépendance du peuple espagnol, mais avec mollesse contre Franco. Il avait réussi dans l'assassinat, mais échoué dans les combats. Paris et Londres adoptèrent une attitude plus amicale vis-à-vis de Franco. Peu à peu, au cours de 1938, Staline se retira de l'aventure d'Espagne. Tout ce qu'il en avait tiré, c'était un nouveau monceau d'or." - Général Walter G. Krivitsky, J'étais un agent de Staline, page 120


durruti dans le labyrinthe, 4ème de couverture:
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jim204
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barbitare a écrit :
c'est un déglingo ce Jules !!
Carrément ! mais sur l’influence donné par ces auteurs au conflit, il y a du vrai.

barbitare a écrit :
sinon c'est super bien comme bouquin, mon premier d'Hemingway.


Ah, ton premier Hemingway, ça se savoure; L'action est portée jusqu'au bout du livre.

J'ai regardé l'adaptation au ciné, mais cela donne un coup de vieux à l'histoire à cause du jeu des acteurs de l'époque; Alors qu'a la lecture tout est frais.
barbitare
oui je sais bien que la guerre d’Espagne est un moment où la fracture entre anarchistes et communistes devient irréversible car les communistes ont zigouillés et désarmés les anarcho plutôt que de les voir gagner la révolution seuls (car c'est une guerre mais civile).
c'est aussi la fracture bacounine / Marx qui oppose 2 visions du communisme, une horizontale, l'autre verticale.
pour l'instant à mi bouquin, Hemingway ne fait pas de la propagande pro stalinienne et c'est un roman, pas un essai politique ou une bio.
mais l'oeuvre plus lucide et critique pour moi sur le sujet c'est celle d'Orwell (on dit MONSIEUR Orwell, d'abord !) qui était, lui, du côté des anar dans le POUM (parti interdit et désarmé par le PC si mes souvenirs sont bons) et qui a bien vu et pris dans la face la trahison de Staline, ce qui lui a surement inspiré LA FERME AUX ANIMAUX l'un des plus grands bouquins de tous les temps en matière de conte politique à mon gout

très bon doc sur la révolte anar espagnole, ses causes et l'évolution de la situation :

on second tought, let's not go to Camelot : it's a silly place !
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jim204
  • jim204
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Disons que l'aspect historique ne n’intéresse pas du tout dans le bouquin, je n'ai d’amitié pour aucun des camps !

Je vais regarder quand même, ca me donnera peut être des clés pour comprendre les posts de Jules.
barbitare
bah l'histoire ça reste des faits, ça ne peut s'étudier objectivement qu'en absence de partis pris (sinon on fait de la propagande) donc je dirais que tu es très bien placé justement pour regarder : c'est une partie de l'histoire qui reste fascinante

je n'ai pas vu l'adaptation au ciné de FOR WHOM THE BELL TOLLS mais c'est invariablement décevant de toute façon pour qui aime lire (un gars au boulot m'a dit un jour qu'il connaissait Zola : il a vu germinal au ciné avec notre Renaud national dans le rôle d' Etienne Lantier tata tan...)
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jules_albert
barbitare a écrit :
pour l'instant à mi bouquin, Hemingway ne fait pas de la propagande pro stalinienne et c'est un roman, pas un essai politique ou une bio.

le personnage principal est tout de même engagé dans la brigade internationale qui est l'armée du komintern, totalement contrôlée par staline... à aucun moment cela ne semble lui poser un problème, à aucun moment l'auteur ne révèle la nature réelle de cette brigade internationale, dis-moi si je me trompe.
hemingway publie son roman en 1940, orwell avait publié son témoignage antistalinien en 1938 (hommage à la catalogne)... l'ignominie du stalinisme durant cette guerre était donc connue.

barbitare a écrit :
bah l'histoire ça reste des faits, ça ne peut s'étudier objectivement qu'en absence de partis pris (sinon on fait de la propagande) donc je dirais que tu es très bien placé justement pour regarder : c'est une partie de l'histoire qui reste fascinante.

il faut se méfier de la pseudo-objectivité universitaire en matière d'histoire car elle a tendance à justifier la domination présente. alors que les historiens staliniens utilisaient le présent pour réécrire le passé, les experts universitaires actuels se servent du passé pour mystifier le présent utilisant leur pseudo-objectivité pour faire oublier qu'ils font partie du système de domination actuel, qu'ils sont dans le camp des vainqueurs.

l'histoire de la révolution prolétarienne espagnole (l'histoire en général) ne doit pas être une chambre froide où une bande d'universitaires dissèque et analyse des cadavres comme s'il s'agissait de momies égyptiennes. car cela aboutit évidemment à un point de vue de médecin-légiste, cela donne une histoire-spectacle, réifiée, séparée du présent, qui crée une distance rendant l'histoire incompréhensible ou anecdotique pour la compréhension du temps présent. c'est une forme subtile de falsification qui détruit la conscience historique et toute perspective révolutionnaire.

sans passion, l'histoire n'est rien ; sans passion, l'histoire travaille pour l'oubli. ("En lutte contre cet état social, la critique n'est pas une passion de la tête, mais la tête de la passion." - k. marx)


ps: pour ce qui est du cinéma, land and freedom de ken loach est je crois la référence. c'est une réussite, vraiment un beau film. pour les livres: orwell, bien sûr, mais aussi bolloten, amoros, ou carlos semprun, oncle de jaime, et auteur de ce commentaire :

« Tout le monde était d'une manière ou d'une autre contre les collectivisations, sauf les travailleurs eux-mêmes. Certes, la CNT-FAI les revendiqua comme "sa" création et ce sont la plupart du temps des militants de ces organisations qui en prirent l'initiative. Mais le décret qui les limite et les dénature fut aussi, en grande partie, son œuvre. Les travailleurs qui avaient réalisé et défendu l'autogestion de nombreux secteurs industriels et agricoles avaient donc pour ennemis non seulement les militaires et les fascistes représentant la bourgeoisie, mais aussi objectivement les nouvelles couches bureaucratiques qui, placées sous les mêmes drapeaux qu'eux, avaient déjà commencé à rétablir, sous des formes parfois nouvelles, la vieille exploitation du travail salarié et la hiérarchisation totalitaire de la vie sociale. » - Révolution et contre-révolution en Catalogne : Socialistes, communistes, anarchistes et syndicalistes contre les collectivisations

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barbitare
d'accord avec toi, mais en nuançant mon propos que tu résumes et caricatures.
je ne parles pas d'une forme d'objectivité que tu qualifies de pseudo-objectivité universitaire, ça n'est pas ce que je dis ni ce que je penses; me faisant dire autre chose que ce que je penses pour le démonter ensuite tu parles un peu tout seul...j'ai jamais dit que la vérité était officielle ni que l'histoire écrite par les vainqueurs était la meilleure,
chacun définissant l'objectivité à sa façon (c'est un concept) pour moi ça reste une absence de parti pris ce qui n'a rien à voir avec ta pseudo-objectivité universitaire !
je ne voie pas où tu trouves que je cite l'histoire sans passion puisque je suis quelqu'un de très passionné et pas du tout un universitaire, ni quelqu'un de scolaire cherchant je ne sais quelle justification de la domination actuelle; je suis scientifique et pas du tout historien...
je trouves surtout que tu prends de haut mon point de vue en me faisant la leçon sans analyser vraiment ni comprendre mon propos : tu es dans l'interprétation, chose que tu condamnes ensuite doctement, un comble !

mais pour écouter les autres il faut arrêter un peu de s'écouter parler aussi, et être dans l'échange.
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jules_albert
je ne prends pas de haut ton point de vue, j'ai simplement donné le mien (ou celui des auteurs que j'admire) en essayant d'expliquer deux ou trois choses sur ce thème.
désolé si j'ai pu paraître arrogant, ce n'était pas le but, d'ailleurs, j'ai bien précisé que tu pouvais me signaler si je me trompais au sujet du roman de hemingway... l'échange c'est bien, mais il faut éviter de tomber dans le consensus mou où tout le monde fini par être d'accord avec tout le monde par crainte d'être contrariant.

l'histoire n'est pas une science, les données historiques sont forcément sujettes à l'interprétation des historiens selon leur biais personnel, ou selon les intentions de ceux qui les paient... chercher une pure objectivité sans parti pris en matière d'histoire a quelque chose d'un peu illusoire, rappelons l'ironique formule de godard « l'objectivité, c'est 5 minutes pour hitler, 5 minutes pour les juifs ».

il faut donc saluer les quelques auteurs qui auront contribué à éclairer l'aspect le plus occulté de cette révolution elle-même si longtemps camouflée par la plupart des historiens, qu'ils soient de gauche ou de droite : la façon dont les dirigeants de la cnt-fai, devenus "anarchistes de gouvernement", se sont faits les complices de la contre-révolution menée par les staliniens, jusqu'au point d'avoir aider à tendre le piège dans lequel le principal meneur de la révolution, buenaventura durruti, devait perdre la vie le 20 novembre 1936.


"Qui a tué Durruti, cœur de lion, géant de la révolution ?"
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Lao
  • Lao
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  • #4483
  • Publié par
    Lao
    le 26 Déc 2016, 14:20
Pourquoi tant de haine ?
"Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. " Henri Laborit.
jim204
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barbitare a écrit :

très bon doc sur la révolte anar espagnole, ses causes et l'évolution de la situation :



Ca y est, j'ai enfin saisi cette révolution. Ca peut paraitre con, enfin non puisque tout ceci n'est pas enseigné à l'école, mais je n'avais jamais compris les origines de l'arrivée de tous ces réfugiés espagnols dans le sud.
barbitare
oui c'est passé sous silence
j'ai bien aimé ce doc car il est beaucoup à base de témoignages de gens ayant vécu les événements, je pense que c'était bien de les interviewer car ils ne sont plus tout jeunes au moment du reportage...
devoir de mémoire
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- le roi Arthur

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