Vous et les livres...

Rappel du dernier message de la page précédente :
jules_albert
http://www.dailymotion.com/vid(...)_news



D'abord qui était Pierre Overney? Les nouvelles générations auront du mal à croire que, dans les années 70, plus de 200 000 personnes ont défilé à Paris derrière le cercueil de cet inconnu : Lionel Jospin, Simone Signoret, Jean-Luc Godard, André Glucksmann et j'en passe. Pierre Overney était un ouvrier maoïste de 24 ans que ses petits chefs de la Gauche prolétarienne ont envoyé en commando pour casser la gueule aux gardiens "fascistes" de l'usine Renault, à Boulogne-Billancourt. Un membre du service d'ordre, Jean-Antoine Tramoni, a sorti son arme : Overney-le-mao est mort d'une balle en plein coeur. C'était le 25 février 1972.

La montée du terrorisme des années 70 a-t-elle été manipulée ? Pierre Overney, dans la naïveté de ses vingt ans, est-il mort à la confluence de jeux politiques et policiers souterrains qu'il était bien incapable de soupçonner?
Lors de l'enterrement d'Overney, le philosophe communiste Louis Althusser aurait dit : c'est le gauchisme qu'on enterre. On peut se demander maintenant si, ce jour-là, ça n'est pas tout simplement la Gauche qui est morte. M.S.





je signale aussi le livre de david défendi "l'arme à gauche" qui recoupe celui de morgan sportès :



Secrets d'État. Comment les services secrets français ont infiltré la Gauche prolétarienne des Benny Levy et Jean-Paul Sartre, Olivier Rolin, Serge July et André Glucksmann après les événements de Mai 68. Un document inédit sur la vie de deux agents de la DST pris dans les soubresauts de la révolte. Meurtre de CRS, faux attentats avant les élections, manipulation de l'extrême gauche, renaissance de l'antisémitisme, les coulisses sombres de la Ve République.


David Défendi est un trentenaire, plutôt proche des milieux alternatifs culturels et musicaux, qui a vécu entre la France et les USA. Entre 1969 et 1973, son père fût agent de la DST, chargé de contacter, de surveiller, puis de recruter un jeune ouvrier de l’usine Peugeot à Sochaux. Le 11 juin 1968, après deux semaines de grève et d’occupation de leur usine, les ouvriers sont chargés par les CRS. Il y a deux morts. Chez les CRS. Le jeune Denis Mercier, suspecté sans preuve, est envoyé en détention. Lorsqu’il en sort, il n’a plus de travail. Mais :


« Vous faîtes sortir les criminels de prison, vous leur donnez un travail, inventez une couverture, un faux nom, une nouvelle identité ; les services secrets sont capables de déclencher une guerre » .

Pour garder sa femme et sa fille, Goldoni va surveiller ses propres camarades. Pour la DST. A Sochaux, puis à Paris. Il va aux réunions de la Gauche Prolétarienne. Il séduit le « grand chef » (Benny Lévy, alias Pierre Victor). Qui l’introduit aux secrets. « Cigare » (Serge July) et « le mousquetaire » (Olivier Rolin) ne l’apprécient guère, mais sont bien obligés de céder devant la volonté du chef. Car Mercier est le seul véritable prolétaire parmi eux, qui sont des gens lettrés, politiquement dogmatisés. Mercier est leur lien avec la base. Jusqu’à ce jour, on avait eu connaissance d’un infiltré dans l’orga maoïste : Défendi apporte donc de nouveaux faits. Aussi, « L’arme à gauche » illustre par l’exemple « Ils on tué Pierre Overney » .
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
basketteur
Kandide a écrit :
basketteur a écrit :
conversion dans le bon format hein ?

du coup ça relance l’intérêt du kindle notamment niveau financier : A 60 roros le joujou c'est quand même mieux qu'un kobo glo à 100 boules en promo.

d'autres avis sur la question ?


Bonjour,

Je relance un peu sur les liseuses...
Des avis d'utilisateurs, par exemple, pour savoir entre la Kindle (Amazon) et la KOBO (FNAC) ?
Merci



suite de mes pérégrinations et études pré-achat :

ben j'ai pris un kindle 6' et pour le moment j'en suis ravi :

-60 euros, soit moins cher que les Kobo
-logiciel calibre vraiment super pour convertir les epubs
-j'ai fini american psycho et j'ai attaqué une biographie gratuite de Hunter S Thompson http://www.hunterbio.com/free-(...).html


Alors certes c'est le modèle de base :
-pas de rétro éclairage, ni de tactile, clairement pas adapté aux magazines en pdf par exemple ou les BDs

Mais pour les romans ça fait le taf sans souci.

en conclusion, je recommande vivement.
Biosmog
  • Biosmog
  • Vintage Méga utilisateur
jules_albert a écrit :
http://www.dailymotion.com/video/x4ujnr_interview-integrale-de-morgan-sport_news



D'abord qui était Pierre Overney? Les nouvelles générations auront du mal à croire que, dans les années 70, plus de 200 000 personnes ont défilé à Paris derrière le cercueil de cet inconnu : Lionel Jospin, Simone Signoret, Jean-Luc Godard, André Glucksmann et j'en passe. Pierre Overney était un ouvrier maoïste de 24 ans que ses petits chefs de la Gauche prolétarienne ont envoyé en commando pour casser la gueule aux gardiens "fascistes" de l'usine Renault, à Boulogne-Billancourt. Un membre du service d'ordre, Jean-Antoine Tramoni, a sorti son arme : Overney-le-mao est mort d'une balle en plein coeur. C'était le 25 février 1972.

La montée du terrorisme des années 70 a-t-elle été manipulée ? Pierre Overney, dans la naïveté de ses vingt ans, est-il mort à la confluence de jeux politiques et policiers souterrains qu'il était bien incapable de soupçonner?
Lors de l'enterrement d'Overney, le philosophe communiste Louis Althusser aurait dit : c'est le gauchisme qu'on enterre. On peut se demander maintenant si, ce jour-là, ça n'est pas tout simplement la Gauche qui est morte. M.S.


Cette affaire est en effet très bonne à penser, je crois que je vais me choper ce livre.
Vous battez pas, je vous aime tous
jim204
  • jim204
  • Custom Ultra utilisateur
Viens de finir "To Kill a Mockingbird" de Harper Lee que je ne connaissait pas, meme de nom.
Apparemment un énorme succès des sa sortie en 60, 30M d'exemplaires en tout.
"Dans les années 1930, pendant la Grande Dépression, Atticus Finch, avocat droit et honnête, élève seul ses deux enfants Jean-Louise (Scout) et Jeremy (Jem) dans la ville fictive de Maycomb en Alabama, au cœur de l'Amérique sudiste raciste emplie de préjugés. Un noir est accusé de viol, il va devoir le défendre..."

paru sous les titres français "Quand meurt le rossignol" et "Alouette, je te plumerai" , "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" au fil de traductions nouvelles, la dernière serait la plus fidèle.

Etant grand fan de littérature américaine, je ne pouvais pas laisser passer ca a la bibliothèque de mon village.

J'ai bien aimé, le roman peut effectivement être lu différemment selon les ages.

A lire
jules_albert
@biosmog, le livre de sportès est très bon, tu m'en diras des nouvelles si tu le lis.

@jim204, le livre de harper lee est cité dans le texte que j'ai posté quelques pages en arrière, "rock pour débutants". il s'agirait d'un des premiers livres destiné au grand public qui traite du racisme. il a été adapté au cinéma en 62 sous le titre "du silence et des ombres", deux ans après le "sergent noir" de john ford.





le livre d'entretiens de raoul vaneigem sort le 2 octobre:



Avec ce dialogue au long cours entre Gérard Berréby et Raoul Vaneigem, l'on traverse à grandes enjambées plus d'un demi-siècle, de 1950 à aujourd'hui. Truffée d‘anecdotes, cette épopée retrace une période bouillonnante de l'Histoire. Raoul Vaneigem jette ici un regard parfois cruel, souvent drôle et exalté sur cet esprit de révolte insatiable qui les habitait, lui et ses acolytes. Renaissent les moments de fête qui enivrèrent les jeunes situationnistes, les conférences au cours desquelles s'échafaudaient les tactiques, se débattaient les questions théoriques ou encore se décidaient les exclusions.
L'on croise la route de Guy Debord bien sûr, et de sa première épouse, Michèle Bernstein, mais aussi d'Attila Kotányi, de Mustapha-Khayati, de Henri Lefebvre ou encore de René Viénet. L'on pénètre les arcanes d'une pensée qui frappe aujourd'hui encore. Au fil de la discussion éclate la clairvoyance d'un groupe qui, précocement et à rebours de l'opinion, sut dénoncer les dérives des révolutions castristes et maoïstes, puis déceler les prémices et les évolutions logiques de Mai 68. Pour en finir avec le travail.

Ouvrage illustré et agrémenté de témoignages inédits de Mustapha Khayati, René Viénet, Michèle Bernstein, Gianfranco Sanguinetti, Donald Nicholson­-Smith...





je signale aussi la sortie en novembre du livre monumental (plus de 1000 pages, 30 euros en souscription) de burnett bolloten consacré à la révolution espagnole. sans doute le meilleur livre jamais écrit sur le sujet, édité pour la première fois dans son intégralité en français : http://agone.org/memoiressocia(...)agne/



« La révolution espagnole fut la plus singulière des révolutions collectivistes du XXe siècle. C’est la seule révolution radicale et violente qui se soit produite dans un pays d’Europe de l’Ouest et la seule qui ait été, malgré l’hégémonie communiste croissante, véritablement pluraliste, animée par une multitude de forces, souvent concurrentes et hostiles. Incapable de s’opposer ouvertement à la révolution, la bourgeoisie s’adapta au nouveau régime dans l’espoir que le cours des événements changerait. L’impuissance manifeste de leurs partis incita très vite les libéraux et les conservateurs à rechercher une organisation capable d’arrêter le courant révolutionnaire lancé par les syndicats anarchiste et socialiste. Quelques semaines seulement après le début de la révolution, une organisation incarnait à elle seule tous les espoirs immédiats de la petite et moyenne bourgeoisie : le parti communiste. »

extrait du livre de bolloten : http://terrainsdeluttes.ouvato(...)print
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jules_albert
le nobel pour modiano, pourquoi pas ? c'est déjà mieux que le clézio.
modiano a rendu un hommage implicite à guy debord et aux dérives urbaines des situs dans le titre d'un de ses derniers romans, Le café de la jeunesse perdue, référence à in girum imus nocte.

Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jim204
  • jim204
  • Custom Ultra utilisateur
hé, pourquoi pas...

viens de finir "Des mules et des hommes: Une enfance, un lieu" de Harry Crews, journaliste américain né dans les années 30.

Joli livre, pas d'écriture extra-ordinaire mais juste ce que j'aime, des anecdotes vraies sur la population simple des US.

Là je commence "entre frères de sang" d'Ernst HAFFNER, auteur allemand qui raconte la vie de jeunes vivant dans la rue dans l'entre deux guerre.
jules_albert
j'ai trouvé "les nuits secrètes de paris" dans une brocante. c'est une virée dans l'univers des sectes publiée en 1963. à cette époque, les sectes n'étaient pas un "problème-de-société", c'est ce qui permet le ton franchement déconnant de l'auteur, guy breton, qui pose son regard amusé sur ces sociétés insolites.

on y croise les omphalopsiques - qui vouent un culte au nombril - ou l'ange cyclamen, extra-terrestre qui prône une religion dont le but est d'aider les humains à découvrir l'âme sœur et qui est venu sur terre pour convaincre les humains de faire plus souvent l'amour.
l'auteur visite aussi les témoins du christ de montfavet, les témoins d'artémis, le club des égaux, les druides du bois de meudon, les adorateurs de l'œuf, les disciples de santo semo, l'église déiste et positiviste de france, les croisés de meiningen, etc.

Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jim204
  • jim204
  • Custom Ultra utilisateur
Dans le genre, un livre qui m'a beaucoup marqué c'est "Paris insolite" de Jean-Paul Cléber

Il raconte son errance dans la capitale des années 40 bien loin des clichés, on est vraiment dans l’après guerre, dur, pauvre.
Il est sans abri et passe ses journées en petits boulots, café comme on n'en vera plus, à lutter contre le froid, cherche un coin ou dormir à l'abri ou au contraire lézarder au soleil.

Ca a été un choix délibéré de sa part de vouloir vivre libre et sans le sou avant de passer a autre chose, journaliste je crois...

Je n'ai jamais pu finir le livre, je l'ai perdu en quittant Paris justement, faudrait que je mette la main sur un exemplaire neuf, il est illustré de clichés.
TimeBomb
jim204 a écrit :
Viens de finir "To Kill a Mockingbird" de Harper Lee que je ne connaissait pas, meme de nom.
Apparemment un énorme succès des sa sortie en 60, 30M d'exemplaires en tout.
"Dans les années 1930, pendant la Grande Dépression, Atticus Finch, avocat droit et honnête, élève seul ses deux enfants Jean-Louise (Scout) et Jeremy (Jem) dans la ville fictive de Maycomb en Alabama, au cœur de l'Amérique sudiste raciste emplie de préjugés. Un noir est accusé de viol, il va devoir le défendre..."

paru sous les titres français "Quand meurt le rossignol" et "Alouette, je te plumerai" , "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" au fil de traductions nouvelles, la dernière serait la plus fidèle.

Etant grand fan de littérature américaine, je ne pouvais pas laisser passer ca a la bibliothèque de mon village.

J'ai bien aimé, le roman peut effectivement être lu différemment selon les ages.

A lire


Je n'ai pas lu le livre mais le film qui est en tiré est un grand classique du cinéma.

Est-ce que, comme le film, le roman fait la part belle aux enfants du héros ?
jules_albert
jim204 a écrit :
Dans le genre, un livre qui m'a beaucoup marqué c'est "Paris insolite" de Jean-Paul Clébert


tu as raison d'évoquer le nom de clébert car il avait aussi écrit une "histoire et guide de la france secrète" dans les années 60.
"paris insolite" est un livre important pour qui s'intéresse à la dérive urbaine et à "la vie sauvage"...
on doit aussi à clébert un guide illustré du paris littéraire ("les hauts lieux de la littérature à paris") qui est très réussi.
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
jim204
  • jim204
  • Custom Ultra utilisateur
TimeBomb a écrit :
jim204 a écrit :
Viens de finir "To Kill a Mockingbird" de Harper Lee que je ne connaissait pas, meme de nom.
Apparemment un énorme succès des sa sortie en 60, 30M d'exemplaires en tout.
"Dans les années 1930, pendant la Grande Dépression, Atticus Finch, avocat droit et honnête, élève seul ses deux enfants Jean-Louise (Scout) et Jeremy (Jem) dans la ville fictive de Maycomb en Alabama, au cœur de l'Amérique sudiste raciste emplie de préjugés. Un noir est accusé de viol, il va devoir le défendre..."

paru sous les titres français "Quand meurt le rossignol" et "Alouette, je te plumerai" , "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" au fil de traductions nouvelles, la dernière serait la plus fidèle.

Etant grand fan de littérature américaine, je ne pouvais pas laisser passer ca a la bibliothèque de mon village.

J'ai bien aimé, le roman peut effectivement être lu différemment selon les ages.

A lire


Je n'ai pas lu le livre mais le film qui est en tiré est un grand classique du cinéma.

Est-ce que, comme le film, le roman fait la part belle aux enfants du héros ?


oui la narratrice est la petite fille
jules_albert
La lecture a été de bonne heure un de mes vices favoris. J'ai longtemps fréquenté les bibliothèques publiques, mais j'ai ressenti dès ma première jeunesse le désir de posséder des livres, de former mon propre cabinet de lecture. Cet amas de bouquins, modeste à ses débuts, est devenu avec le temps considérable et même assez encombrant. Je revois ma bibliothèque dans son état primitif, alors que je n'avais guère dépassé les vingt ans. Elle couvrait une des parois de ma chambre à coucher. J'avais fabriqué moi-même les casiers avec des caisses de savon. Pour donner au tout un cachet artistique, j'avais laissé vide la caisse centrale, la revêtant de velours noir, et un crâne humain, obtenu d'un ami étudiant la médecine, y trônait majestueusement. Je trouvais cela du meilleur effet, mais cette fantaisie macabre plaisait moins à ma famille, et le crâne disparut par la suite. [...]

Je ne suis pas insensible à la beauté physique d'un volume. Un bon papier, une impression soignée, une reliure élégante me causent une joie vive et durable, et la possession d'un ouvrage où ces qualités se rencontrent est pour moi pleine de charmes. Mais je crois que, pour les livres comme pour les femmes, la valeur du pucelage est un peu surfaite. Je n'éprouve pas une jalousie d'eunuque en pensant qu'un autre a déjà caressé cette peau de chagrin, joui du contact soyeux de ce vieux japon. Je n'ai pas l'amour jaloux et exclusif, je ne suis pas du bois dont on fait les Othello.
Voilà pourquoi j'achète de préférence mes livres d'occasion, pas seulement parce qu'ils sont ainsi meilleur marché. Ce facteur a toutefois son importance, car je suis, en fait de bouquins, à la fois gourmet et glouton. J'aime avoir autour de moi plus de livres que je n'en puis lire. De plus, bien que ce travers soit condamné par de bons esprits que je respecte, j'ai plaisir à prêter mes livres, au lieu de recommander leur emplette aux amateurs. [...]

Et puis l'achat d'un livre neuf n'est jamais qu'une transaction commerciale comme les autres, une opération banale et prosaïque, le corps du délit fût-il un recueil de poésie. Vous entrez chez le libraire, vous demandez tel ou tel livre, on vous le montre, vous le soupesez, vous le payez, on l'emballe et c'est fini. C'est un peu comme si vous aviez acheté une tranche de viande. A mon sentiment, le livre est ou devrait être une valeur spirituelle, et ce vilain troc où la matière triomphe me paraît être un trafic illicite de choses saintes, une espèce de simonie laïque.

Comparé à cet épisode écoeurant, l'achat d'un "bouquin" resplendit de la gloire la plus pure : ce n'est pas une affaire, c'est une aventure. On commence sa tournée sans plan préconçu, ignorant en partant si l'on va à la rencontre de quelque merveille, d'un de ces livres insoupçonnés appelé à devenir un ami pour la vie, ou si l'on reviendra bredouille, n'ayant fait que recenser une fois de plus les horreurs trop connues qui forment le fonds le plus constant de l'entreprise littéraire. [...]

Avec le temps, l'entretien d'une bibliothèque, si agréable, si précieuse qu'elle nous ait paru d'abord, peut devenir un poids mort, si l'on ne possède pas une maison bâtie sur le roc, où l'on est sûr de pouvoir vivre et mourir. J'ai parfois l'impression que les livres ont augmenté de poids, ce dont on s'aperçoit s'il faut les déménager, les emballer, les déballer, les remettre à leur place. Quand j'étais jeune et vigoureux, il m'est arrivé pour simplifier un déménagement de procéder moi-même au transport de mes livres, étant capable, grâce à mon expérience de montagnard, d'en charrier une trentaine de kilos dans un sac commodément placé sur mon dos (on ne peut pas se ménager quand on déménage). J'ai dû accomplir alors une centaine de voyages, mais c'était avec plaisir : je ne sentais pas la fatigue ; peut-être même étais-je heureux de faire quelque chose pour mes bouquins, qui avaient tant fait pour moi.

Comme le pêcheur, le chercheur de bouquins doit être patient et savoir attendre son heure, car c'est au hasard que nous devons les meilleures rencontres. Comme le chasseur sachant chasser sans son chien, l'amateur de livres d'occasion cultivera d'abord son flair, n'hésitant pas à aller au-devant du gibier sans craindre ni les fatigues ni les déboires. Semblables à toutes les joies humaines, les plaisirs de l'ami des livres ne valent que par la peine qu'ils ont coûtée, ceux qu'on obtient trop aisément s'évaporent dès qu'on veut les savourer. Je m'excuse de tomber dans le ton sentencieux, mais dans tout Français écrivant veille un moraliste qui s'ignore. Au reste, le livre n'est jamais un ami offert par la nature, c'en est un qu'il faut aller chercher, qu'il faut conquérir, mériter. La supériorité du livre d'occasion sur le livre neuf n'est pas seulement comparable à celle du vin vieux sur l'aimable piquette. L'achat d'un livre neuf est une visite de convenance ou d'intérêt, un geste casuel où l'on ne saurait voir l'intervention du destin. Au lieu que le livre d'occasion peut être l'ami d'enfance que vous retrouvez après cinquante ans d'oubli ; ou l'âme soeur restée inconnue jusqu'au moment où vous la rencontrez, et vous ne comprenez plus après cette révélation comment vous avez pu vivre si longtemps sans elle. Il peut aussi vous réserver une mauvaise surprise, l'une de ces mille désillusions dont est tissé le voile de l'existence, car les prodiges ne sont pas quotidiens.

En allant à la recherche des bouquins, vous n'attestez pas seulement la primauté du spirituel sur le temporel, vous témoignez de votre espérance vivace et de votre courage imperturbable, de votre confiance en ce miracle permanent qu'est l'Univers, vous faites un acte de foi, vous travaillez dans la mesure de vos forces à la venue d'une humanité meilleure.. Cette dernière phrase nous a peut-être conduits un peu loin. On me rétorquera avec quelque justesse que l'amateur de livres finit par perdre le sens de la mesure et laisse ses achats dépasser ses besoins. J'en conviens avec contrition, le bibliophile acquiert souvent plus d'oeuvres qu'il n'en peut lire, de même le Don Juan et le chasseur prennent des femmes et des lapins dont ils ne savent plus jouir. Mais tout amour robuste a tendance à devenir passion, et la passion et la raison sont deux puissances qu'il n'est pas toujours possible de mettre d'accord.


Qu'on me pardonne cette digression un peu longue. Les livres ont tenu dans ma vie une telle place qu'il m'est difficile de les traiter ici sur un moindre pied que mes parents ou mes amis. Je n'oublie pas non plus que je leur dois, outre des plaisirs parmi les moins frelatés, la matière première d'une imagination qui s'est forgée pour une large part au fil de mes lectures.


marcel lévy, "la vie et moi"
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
dark lapinou
ah le frère de Marc Lévy écrit aussi ?
(| _ |)
(='.'=)
(")_(")
Kandide
jules_albert a écrit :
La lecture a été de bonne heure un de mes vices favoris. J'ai longtemps fréquenté les bibliothèques publiques, mais j'ai ressenti dès ma première jeunesse le désir de posséder des livres, de former mon propre cabinet de lecture. Cet amas de bouquins, modeste à ses débuts, est devenu avec le temps considérable et même assez encombrant. Je revois ma bibliothèque dans son état primitif, alors que je n'avais guère dépassé les vingt ans. Elle couvrait une des parois de ma chambre à coucher. J'avais fabriqué moi-même les casiers avec des caisses de savon. Pour donner au tout un cachet artistique, j'avais laissé vide la caisse centrale, la revêtant de velours noir, et un crâne humain, obtenu d'un ami étudiant la médecine, y trônait majestueusement. Je trouvais cela du meilleur effet, mais cette fantaisie macabre plaisait moins à ma famille, et le crâne disparut par la suite. [...]

Je ne suis pas insensible à la beauté physique d'un volume. Un bon papier, une impression soignée, une reliure élégante me causent une joie vive et durable, et la possession d'un ouvrage où ces qualités se rencontrent est pour moi pleine de charmes. Mais je crois que, pour les livres comme pour les femmes, la valeur du pucelage est un peu surfaite. Je n'éprouve pas une jalousie d'eunuque en pensant qu'un autre a déjà caressé cette peau de chagrin, joui du contact soyeux de ce vieux japon. Je n'ai pas l'amour jaloux et exclusif, je ne suis pas du bois dont on fait les Othello.
Voilà pourquoi j'achète de préférence mes livres d'occasion, pas seulement parce qu'ils sont ainsi meilleur marché. Ce facteur a toutefois son importance, car je suis, en fait de bouquins, à la fois gourmet et glouton. J'aime avoir autour de moi plus de livres que je n'en puis lire. De plus, bien que ce travers soit condamné par de bons esprits que je respecte, j'ai plaisir à prêter mes livres, au lieu de recommander leur emplette aux amateurs. [...]

Et puis l'achat d'un livre neuf n'est jamais qu'une transaction commerciale comme les autres, une opération banale et prosaïque, le corps du délit fût-il un recueil de poésie. Vous entrez chez le libraire, vous demandez tel ou tel livre, on vous le montre, vous le soupesez, vous le payez, on l'emballe et c'est fini. C'est un peu comme si vous aviez acheté une tranche de viande. A mon sentiment, le livre est ou devrait être une valeur spirituelle, et ce vilain troc où la matière triomphe me paraît être un trafic illicite de choses saintes, une espèce de simonie laïque.

Comparé à cet épisode écoeurant, l'achat d'un "bouquin" resplendit de la gloire la plus pure : ce n'est pas une affaire, c'est une aventure. On commence sa tournée sans plan préconçu, ignorant en partant si l'on va à la rencontre de quelque merveille, d'un de ces livres insoupçonnés appelé à devenir un ami pour la vie, ou si l'on reviendra bredouille, n'ayant fait que recenser une fois de plus les horreurs trop connues qui forment le fonds le plus constant de l'entreprise littéraire. [...]

Avec le temps, l'entretien d'une bibliothèque, si agréable, si précieuse qu'elle nous ait paru d'abord, peut devenir un poids mort, si l'on ne possède pas une maison bâtie sur le roc, où l'on est sûr de pouvoir vivre et mourir. J'ai parfois l'impression que les livres ont augmenté de poids, ce dont on s'aperçoit s'il faut les déménager, les emballer, les déballer, les remettre à leur place. Quand j'étais jeune et vigoureux, il m'est arrivé pour simplifier un déménagement de procéder moi-même au transport de mes livres, étant capable, grâce à mon expérience de montagnard, d'en charrier une trentaine de kilos dans un sac commodément placé sur mon dos (on ne peut pas se ménager quand on déménage). J'ai dû accomplir alors une centaine de voyages, mais c'était avec plaisir : je ne sentais pas la fatigue ; peut-être même étais-je heureux de faire quelque chose pour mes bouquins, qui avaient tant fait pour moi.

Comme le pêcheur, le chercheur de bouquins doit être patient et savoir attendre son heure, car c'est au hasard que nous devons les meilleures rencontres. Comme le chasseur sachant chasser sans son chien, l'amateur de livres d'occasion cultivera d'abord son flair, n'hésitant pas à aller au-devant du gibier sans craindre ni les fatigues ni les déboires. Semblables à toutes les joies humaines, les plaisirs de l'ami des livres ne valent que par la peine qu'ils ont coûtée, ceux qu'on obtient trop aisément s'évaporent dès qu'on veut les savourer. Je m'excuse de tomber dans le ton sentencieux, mais dans tout Français écrivant veille un moraliste qui s'ignore. Au reste, le livre n'est jamais un ami offert par la nature, c'en est un qu'il faut aller chercher, qu'il faut conquérir, mériter. La supériorité du livre d'occasion sur le livre neuf n'est pas seulement comparable à celle du vin vieux sur l'aimable piquette. L'achat d'un livre neuf est une visite de convenance ou d'intérêt, un geste casuel où l'on ne saurait voir l'intervention du destin. Au lieu que le livre d'occasion peut être l'ami d'enfance que vous retrouvez après cinquante ans d'oubli ; ou l'âme soeur restée inconnue jusqu'au moment où vous la rencontrez, et vous ne comprenez plus après cette révélation comment vous avez pu vivre si longtemps sans elle. Il peut aussi vous réserver une mauvaise surprise, l'une de ces mille désillusions dont est tissé le voile de l'existence, car les prodiges ne sont pas quotidiens.

En allant à la recherche des bouquins, vous n'attestez pas seulement la primauté du spirituel sur le temporel, vous témoignez de votre espérance vivace et de votre courage imperturbable, de votre confiance en ce miracle permanent qu'est l'Univers, vous faites un acte de foi, vous travaillez dans la mesure de vos forces à la venue d'une humanité meilleure.. Cette dernière phrase nous a peut-être conduits un peu loin. On me rétorquera avec quelque justesse que l'amateur de livres finit par perdre le sens de la mesure et laisse ses achats dépasser ses besoins. J'en conviens avec contrition, le bibliophile acquiert souvent plus d'oeuvres qu'il n'en peut lire, de même le Don Juan et le chasseur prennent des femmes et des lapins dont ils ne savent plus jouir. Mais tout amour robuste a tendance à devenir passion, et la passion et la raison sont deux puissances qu'il n'est pas toujours possible de mettre d'accord.


Qu'on me pardonne cette digression un peu longue. Les livres ont tenu dans ma vie une telle place qu'il m'est difficile de les traiter ici sur un moindre pied que mes parents ou mes amis. Je n'oublie pas non plus que je leur dois, outre des plaisirs parmi les moins frelatés, la matière première d'une imagination qui s'est forgée pour une large part au fil de mes lectures.



Joli !
PEACE & LOVE
jules_albert
oui, c'est un bon livre, très instructif, j'en suis à la page 160. je retiens les judicieuses réflexions sur le monde du travail, l'évolution de la société, sur le progrès technologique, la religion, et surtout les pages consacrées aux rapports avec les femmes...
marcel lévy porte sur sa vie un regard sans concessions où pointe l'amertume, ce qui n'exclut pas un certain humour pince-sans-rire qui se manifeste dès l'incipit : "Je suis né à Paris, de parents juifs mais honnêtes. Cette phrase a scandalisé des coreligionnaires plus pieux que moi, qui sont légion. Je la laisse quand même."
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf

En ce moment sur backstage...