Vous et les livres...

Rappel du dernier message de la page précédente :
jules_albert
oui, "durruti dans le labyrinthe" est un excellent livre. son auteur, miguel amoros, réalise actuellement un travail admirable contre certains historiens bourgeois (ou staliniens) qui cherchent à falsifier l'histoire de la révolution espagnole en résumant la guerre à un combat entre "fascistes" et "démocrates" et passant sous silence le processus révolutionnaire mis en marche par le peuple en armes. ces historiens passent également sous silence la façon dont cette révolution fut vaincue, autant par franco que par les républicains... une fois la révolution vaincue, il ne resta en présence que deux pouvoirs étatiques de la contre-révolution dont le plus fort gagna la guerre.

la révolution prolétarienne eu pour principaux ennemis les staliniens qui s'allièrent aux forces bourgeoises de la république ainsi que les anarchistes d'état qui acceptèrent d'entrer au gouvernement de la république.

le contenu de cette révolution, ses intentions et sa pratique sont résumés de façon passionnée et froide dans le texte d'un milicien anarchiste inconnu appartenant à la colonne de fer. ce texte titré "protestation devant les libertaires du présent et du futur sur les capitulations de 1937" est certainement un des plus beaux témoignages sur ces événements. l'intégralité du texte est là : http://debordiana.chez.com/fra(...)n.htm

à part les livres d'amoros, il faut noter aussi les travaux de burnett bolloten, frank mintz, agustin guillamon, gerald brenan ou abel paz.

quant à michael seidman, il traite de la résistance des ouvriers au travail par l'absentéisme, le vol, la grève, le coulage des cadences et toutes sortes de refus à l'époque des fronts populaires à paris et barcelone. seidman montre comment les ouvriers se révoltaient contre un ensemble de disciplines y compris celles imposées par les organisations ouvrières. les faits relatés par seidman sont ignorés par les historiens soucieux de donner une image convenue des "fronts populaires"...



Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Azazello
Ce livre sur Durutti est pas mal:



Archives et témoignages sur Durutti alternent avec les analyses de l'auteur.
Très lisible, pas chiant (et anar-compliant pourtant).
Grünewald
Qu'as-tu lu d'autre, sinon Hommage à la Catalogne ?



lui
fous qui n'ont l'air d'être en liberté que grâce à la grandeur du préau où ils prennent leurs ébats
Drougy
  • Drougy
  • Special Total utilisateur
J'ai lu Le Parfum de Patrick Süskind il y a quelques semaines, bouquin très connu semble-t-il mais je n'en avais jamais entendu parler. Le rythme va crescendo, le thème des odeurs est assez intéressant mais très exigeant pour l'auteur et c'est là que ça coince je pense: j'ai l'impression que Süskind n'est pas à la hauteur de son projet. Bref c'est divertissant mais vite digéré et oublié.





Du coup là je lis Les Souffrances du Jeune Werther et pour l'instant je suis assez... déçu. On m'en avait fait un monument mais le style de Goethe et son personnage m'exaspèrent. Pourtant les romantiques je suis plutôt client (bon ok Goethe n'en est pas un stricto sensu), mais là c'est plus indigeste qu'autre chose. Enfin, Werther ne s'est pas encore suicidé, peut-être que le final me fera changer d'avis.




Sinon je n'ai jamais rien lu d'Orwell, une idée pour commencer ?
"J'aime pas trop les voleurs et les fils de pute"
Raphc
  • Raphc
  • Custom Supra utilisateur
Il doit falloir etre un peu déprimé pour aimer Werther.
Je l'ai dans ma pile "a relire". J'avais aimé, mais il y a quelques années. L'age doit y faire aussi.
Le Heyd
Drougy a écrit :


Sinon je n'ai jamais rien lu d'Orwell, une idée pour commencer ?


Même question, je pense lire "1984", est-ce qu'il vaut le coup?

Sinon en ce moment je suis sur "A Clockwork Orange". Difficile de se détacher du film que je connais par coeur et difficile en anglais même si j'ai un niveau pas mal, le parlé russo-anglais des drougs est beaucoup plus complexe et fourni que dans le film, même avec le contexte ce n'est pas toujours évident. Vu que c'est Alex, le personnage principal, qui est le narrateur, on a cet argot tout le temps, donc il faut s'accrocher parfois! C'est pas mon pauvre semestre de russe qui m'aide à piger mieux en tout cas.

Heureusement qu'il y a ça : http://en.wiktionary.org/wiki/(...)range
Le Heyd
chix4free a écrit :
Le Heyd a écrit :
Drougy a écrit :


Sinon je n'ai jamais rien lu d'Orwell, une idée pour commencer ?


Même question, je pense lire "1984", est-ce qu'il vaut le coup?


Evidemment que 1984 (ce qui me permet de répondre très partiellement à la question que "lui" m'a posée plus haut) "vaut le coup"... et tu jetteras ensuite un coup d'oeil à Nous autres de Zamiatine...


Ok, celui-ci je ne le lirai pas en version originale par contre
jules_albert
chix4free a écrit :
Le Heyd a écrit :
Drougy a écrit :


Sinon je n'ai jamais rien lu d'Orwell, une idée pour commencer ?


Même question, je pense lire "1984", est-ce qu'il vaut le coup?


Evidemment que 1984 (ce qui me permet de répondre très partiellement à la question que "lui" m'a posée plus haut) "vaut le coup"... et tu jetteras ensuite un coup d'oeil à Nous autres de Zamiatine...

ajouter aussi "le meilleur des mondes" d'huxley dans la même veine pessimiste (et clairvoyante)..
en ce qui concerne orwell, les quatre volumes des "essais, articles, lettres" constituent la référence principale pour quiconque s'intéresse à ses idées et à sa vie. dans le deuxième volume on trouve par exemple l'essai "le lion et la licorne" (1941) dans lequel orwell défend le projet d'une révolution anglaise qui permettrait de balayer la classe dirigeante, de ramener à la surface l'angleterre réelle et de lutter vraiment contre le fascisme. dans ce même volume, il rend compte de ses espoirs ainsi que de sa déception au fur et à mesure qu'il lui apparaît que la guerre sera gagnée sans révolution.

ces quatre volumes d'"essais, articles, lettres" sont ressortis dans une édition abrégée en deux volumes intitulés "dans le ventre de la baleine" et "tels, tels étaient nos plaisirs".
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Josh43
  • Josh43
  • Custom Cool utilisateur
Incroyable comme ces deux bouquins (1984 et Le meilleur des mondes) prennent chaque année un peu plus de signification.

Internet et le Télécran, La novlangue et le SMS, Big brother et Facebook, google et cie... La seule erreur d'Orwell aura été de penser que l'organisation d'une telle société nécessite obligatoirement un régime politique autoritaire soviétoïde. la réalité aura dépassé ses craintes: il n'y a même pas besoin de volonté politique et de structure de gouvernement. Les citoyens l'entretiennent eux-même, de manière autonome, volontaire, voire enthousiaste...

Sinon je suis en train de me relire le "Voyage" avant de plonger plus profondément dans l'univers Célinien, que je n'ai exploré que superficiellement jusqu'ici.
*: NOBODY EXPECTS THE SPANISH INQUISITION!
jules_albert
Josh43 a écrit :
Sinon je suis en train de me relire le "Voyage" avant de plonger plus profondément dans l'univers Célinien, que je n'ai exploré que superficiellement jusqu'ici.

pour devenir collaborationniste, j'ai pas attendu que la kommandatur pavoise au crillon... on n'y pense pas assez à cette protection de la race blanche. c'est maintenant qu'il faut agir, parce que demain il sera trop tard.

ce sont des propos tenus par céline en 1941 (orwell écrivait "le lion et la licorne" la même année... l'un va résolument vers le bas, vers l'ordure, vers l'avilissement, l'autre va vers le haut, tentant de sauver ce qui peut encore l'être à l'époque de la destruction de la morale commune et du nihilisme totalitaire). céline c'est le rabaissement de l'esprit, la déchéance intellectuelle, l'imposture au service de l'ordre établi. sa gouaille a servi de caution populacière aux vychistes bcbg et son "humour" donnait aux lynchages un ton farcesque déculpabilisant.

de céline il faut surtout lire les articles qu'il écrivait dans la presse médicale à la fin des années 20 (au moment où il écrit "le voyage") qui sont comme une préface de son oeuvre : "ne pas s'opposer aux programmes audacieux de la gauche socialisante, mais, au contraire, se porter franchement bien au-delà des revendications collectivistes pour extraire de ces mêmes réformes tout ce qu'il faut pour consolider l'ordre établi."
céline vante aussi dans ces articles les méthodes de l'industriel henry ford (celui-là même qui avait financé aux usa la diffusion des "protocoles des sages de sion" et financé le parti d'hitler). ces méthodes consistent à embaucher de préférence "les ouvriers tarés physiquement et mentalement", ouvriers que céline appelle "les déchus de l'existence". cette sorte d'ouvriers, remarque céline, "dépourvus de sens critique et même de vanité élémentaire" forme "une main d'oeuvre stable et qui se résigne mieux qu'une autre." céline regrette que ces méthodes n'existent pas encore en europe au moment où il publie son article, 1928.
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Josh43
  • Josh43
  • Custom Cool utilisateur
Que Céline ait été une véritable ordure, ce n'est pas nouveau. Réduire son œuvre à ce seul aspect est injuste je pense: d'un point de vue littéraire, il reste un des auteurs français les plus influents du XXe siècle, même si c'est parfois difficile de faire abstraction de son idéologire puante (même si dans le Voyage, j'y vois plus un nihilisme de posture associé à une grande misanthropie de laquelle il n'exclue pas sa propre personne. Céline déteste les juifs autant qu'il se déteste lui-même (et une bonne partie del'humanité avec). Ne trouve salut à ses yeux que l'homme qui aura le courage d'être un immonde salopard, qui assume sans états d'âme de se complaire dans la luxure, l'alcool, la bêtise le lâcheté....). Du moins c'est comme ça que je le vois

C'est vrai que c'est parfois difficile d'en faire abstraction, mais on ne peut malgré tout pas nier son immense talent littéraire.


Il existe pour le pauvre en ce monde deux grandes manières de crever, soit par l'indifférence absolue de vos semblables en temps de paix, ou par la passion homicide des mêmes en la guerre venue. S'ils se mettent à penser à vous, c'est à votre torture qu'ils songent aussitôt les autres, et rien qu'à ça. On ne les intéresse que saignants les salauds ! Princhard à cet égard avait eu bien raison. Dans l'imminence de l'abattoir, on ne spécule plus beaucoup sur les choses de son avenir, on ne pense guère qu'à s'aimer pendant les jours qui vous restent puisque c'est le seul moyen d'oublier son corps un peu, qu'on va vous écorcher bientôt du haut en bas.
Comme elle me fuyait Musyne, je me prenais pour un idéaliste, c'est ainsi qu'on appelle ses propres petits instincts habillés en grands mots.



C'était peut-être une pourriture, mais il savait écrire...
*: NOBODY EXPECTS THE SPANISH INQUISITION!
Jean Didier
Josh43 a écrit :
Que Céline ait été une véritable ordure, ce n'est pas nouveau. Réduire son œuvre à ce seul aspect est injuste je pense


scoop !
mabuto
  • mabuto
  • Special Méga utilisateur
c'est quand même un grand livre " voyage au bout de la nuit". Tiens, je vais peut être le relire aussi.
"La musique souvent me prend comme une mer."
"La vraie musique suggère des idées analogues dans des cerveaux différents."
Charles Baudelaire
Grünewald
chix4free a écrit :
Le Heyd a écrit :
Drougy a écrit :


Sinon je n'ai jamais rien lu d'Orwell, une idée pour commencer ?


Même question, je pense lire "1984", est-ce qu'il vaut le coup?


Evidemment que 1984 (ce qui me permet de répondre très partiellement à la question que "lui" m'a posée plus haut) "vaut le coup"...

Et c'est tout ? Ce que tu rapportais de la lecture d'Une Histoire Birmane était intéressant, je pensais que tu aurais d'autres constats de la même teneur à faire sur le reste de ce que tu avais lu de lui (je me rappelle d'un échange sur Hommage à la Catalogne qui en était resté à quelques considérations un peu figées).



lui
fous qui n'ont l'air d'être en liberté que grâce à la grandeur du préau où ils prennent leurs ébats
jules_albert
Josh43 a écrit :
C'était peut-être une pourriture, mais il savait écrire...

bof, c'est un peu comme ceux qui disent "hitler était peut-être un monstre mais il a fait baisser le chômage dans son pays et a construit de belles autoroutes, et puis c'était un grand orateur"
le passage que tu cites montre bien le côté factice de la révolte célinienne : les bourreaux des pauvres ne sont pas nommés, si les pauvres sont exploités c'est par une sorte de fatalité, on n'y peut rien, le système économique en place n'y est pour rien.. plus tard, dans ses pamphlets de propagande nazie, il désignera les juifs comme seuls responsables de tous les maux de l'humanité.. manoeuvre typiquement contre-révolutionnaire visant à détourner la colère populaire vers des cibles qui ne mettent pas en cause l'ordre établi.. l'antisémitisme ne sert qu'à ça.

il y a eu surtout, autour de la figure de céline, une considérable entreprise de propagande.. la fabrication, de toute pièces, d'un mythe.. il a bien sûr participé de son vivant à l'édification du mythe en adoptant diverses postures.. céline était surtout un grand comédien ! anarchiste canaille aux origines modestes (c'est faux, ses origines sont bourgeoises et il n'a jamais été anarchiste comme ses textes dans la presse médicale le prouvent), puis antisémite à ses risques et périls (c'est faux, céline ne se seraient pas lancé dans la publication de trois pamphlets nazis s'il n'avait bénéficié d'appuis en haut lieu), puis céline en bête à style rattrapé par des malédictions idéologiques qui lui seraient étrangères : la fable finale du pur "styliste" rétif à tout "messâââge".. et pour avaliser ce mythe du poète maudit, incompris, il entre dans la peau d'un personnage d'emprunt : l'inspiré misanthrope reclus dans sa demeure banlieusarde tel diogène en son tonneau qui n'aurait jamais eu d'autre soucis que "sa petite musique".. un verbe sans contenu, sans référents historiques et socio-culturels, purement musical..

pour fabriquer son style douteux, céline s'appuie surtout sur la décomposition du langage propre à son époque quand s'abolit la distance entre langage écrit et langage parlé avec l'arrivée des medias de masse.. "le voyage" n'est pas un grand livre de pure littérature, c'est au contraire un livre ancré dans les conflits idéologiques de son temps, plein de poncifs, rempli d'idéologie conformiste et d'une facture très dix-neuvième siècle (céline adorait zola!)
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf

En ce moment sur backstage...