signalons la trilogie de fabrice bouthillon sur le totalitarisme, inspirée par arendt.
les racines du totalitarisme, aussi bien nazi que bolchévique, se trouvent, selon bouthillon, dans la révolution française.
On ne saurait comprendre l’épanouissement du phénomène totalitaire européen au XXe siècle si on admet, comme on le fait pour ainsi dire sans y songer en France, qu’au siècle précédent la Révolution ait abouti chez nous à fonder la République. Elle a, bien au contraire, débouché sur une interminable guerre civile entre la Gauche et la Droite qui, ouverte ou larvée, s’est très vite étendue à tout le continent. C’est à cette guerre qu’après le premier conflit mondial, les totalitarismes ont prétendu apporter leur solution, qui était de type centriste, mais par addition des extrêmes.
L’originalité de la France est d’avoir échappé à cette issue, alors que c’était pourtant sa révolution qui l’avait rendue possible, parce que, grâce à sa victoire de 1918, elle est parvenue à pérenniser la réconciliation des deux partis qui était intervenue en 1914, chez elle comme chez tous les belligérants, dans l’Union sacrée. C’est donc grâce à celle-ci, et nullement grâce à la Révolution, que le régime républicain est alors devenu légitime : sur un mode, en somme, pratiquement inverse de celui qu’avaient voulu les Constituants.
Cent trente ans après la France de 1789, la Russie expérimente en 1917 le même phénomène révolutionnaire. Le cours en sera chez elle ce qu’il avait été chez nous : la déchirure du pays entre une Gauche et une Droite aboutira à une tentative totalitaire pour les réconcilier, le stalinisme reprenant la formule, inventée par le bonapartisme, d’un centrisme par addition des extrêmes, avec son slogan du « socialisme en un seul pays ». L’étonnant est qu’en Russie, la refondation de l’unité dans l’Union sacrée, qui a eu lieu en France en 1914, se fera également autour de Staline: face à Barbarossa, en 1941.
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L’unité allemande disparaît en 1806 avec le Saint-Empire romain germanique, sous les coups de boutoir provoqués par les conséquences de la Révolution. Avec les modalités propres qui sont celles de son histoire - tellement moins centralisée que la française – l’Allemagne se trouve dès lors confrontée à la même question que la déchirure révolutionnaire entre la Gauche et la Droite avait posée à la France : comment refaire l’unité ? Et telle est la raison pour laquelle il faut prendre au sérieux la prétention du mouvement fondé par Hitler à être un national-socialisme, c’est-à-dire à réconcilier la Droite et la Gauche dans une forme spécifique de centrisme par addition des extrêmes : car c’est à cette condition qu’on peut comprendre que le nazisme a été la réponse de l’histoire allemande à la question que lui avait posée la révolution française.