mais plutôt que d'aller chercher chez tocqueville un remède à nos maux, il vaudrait peut-être mieux en revenir à karl marx qui dans le
manifeste du parti communiste énonçait que "la bourgeoisie n'existe qu'à la condition de révolutionner constamment les instruments de travail, ce qui veut dire le mode de production, ce qui veut dire tous les rapports sociaux".
de nos jours, cette révolution permanente est allée si loin dans la transformation des conditions générales où doit s'exercer la domination, que l'ancienne classe propriétaire a elle-même muté en quelque chose d'aussi nouveau que ces conditions : la bourgeoisie, comme le pressentait baudelaire, a péri par où elle avait cru vivre.
les réseaux de l'oligarchie marchande, qui traversent les appareils étatiques et les "milieux économiques", légaux ou illégaux, n'ont pas besoin d'une prescience remarquable pour prévoir la venue de troubles inédits, l'accumulation de la haine sociale, la montée irréversible de bouleversements sanglants. même le plus obtus des agents subalternes de l'"activité économique" a dû admettre que celle-ci avait un
mauvais côté : il voit le chômage s'étendre, la violence croître, les maladies se répandre, bref l'insécurité ronger toutes les satisfactions et toutes les garanties instituées ; il découvre dans quel monde il est, et dévalant vers quoi.
on ne le lui cache d'ailleurs pas, au contraire on le lui montre ; on lui met constamment sous les yeux ce désordre croissant, comme un
memento mori où, à la manière d'une allégorie modern style, la planète entière prendrait le visage de la mort.
car non seulement la domination n'en est plus à annoncer la victoire prochaine sur le
mauvais côté de l'économie marchande, mais elle n'en est même plus à lui opposer un
beau côté, qui justifierait tout ; du moins ce n'est plus là le propos central de sa propagande.
au contraire, elle tend de plus en plus à tout justifier par l'existence de ce
mauvais côté, agitant pour tous la menace de la dissolution de la société dans la barbarie, et pour chacun celle de sa chute dans l'abîme social.
elle est bien finie, cette époque de la soumission que résumait l'idéal du
welfare state : les profits capitalistes ont été partout restaurés aux dépens de la protection qu'assurait, et surtout que promettait l'état moderne en échange de la servitude. c'est ce qu'un magazine américain ose appeler "la fin de la belle vie".
Drougy a écrit :
Tu viens (enfin la personne que tu as cité, puisque tu ne formules rien toi-même) de faire un éloge de la discrimination censitaire et de la ploutocratie, en voulant cracher sur Tocqueville. Rien d'étonnant, ceci dit, pour un fils de bourges.
tu as raison, je suis impardonnable. d'ailleurs mon vocabulaire trahi mes origines petites-bourgeoises, on me le dit souvent, avec raison.
en tout cas bravo pour ta réécriture brillantissime de l'histoire des démocraties d'athènes et de florence. avec ton cerveau remarquable et l'aide amicale de tes potes universitaires, tu pourrais peut-être penser à en faire un best-seller à la furet.
si ça se trouve, on en ferait la promo sur ce topic.