jules_albert a écrit :
pour prendre un autre exemple de luxe se conjugant avec la subversion, champ libre applique bien cette notion de luxe dans les livres qu'ils publient : à l'amour des textes s'allie celui de la fabrication : couture au fil de lin, impression couleur sur canson, rabats, reproductions, typographie au plomb ; il y a là une véritable conception du livre de qualité qui va à contre-courant de l'industrialisation de la chose imprimée.
Drougy a écrit :
Eh oui, le savoir à la disposition des seuls gens qui peuvent se payer de bô livres. En Enfer les pauvres et leurs immondes livres de poche, quelle engeance !
La classe julot, vraiment.
mon pauvre droupy, quelle mentalité de perdant ! bonjour le misérabilisme ! alors comme ça les pauvres seraient condamnés à lire des livres imprimés sur du mauvais papier, les beaux livres étant réservés aux riches...
n'as-tu pas envisagé une seconde que certains éditeurs (dont champ libre) puissent réaliser des livres de qualité à des prix abordables ?
passons.
sinon j'ai commencé à lire les livres de georges bernanos (1888-1948 ), c'était un écrivain remarquable qui est passé de l'extrême-droite catholique à des positions de révolte allant jusqu'à faire des appels révolutionnaires et faisant l'éloge de la commune de paris. en 1938, il publie "les grands cimetières sous la lune", livre dans lequel il s'indigne de la cruauté des troupes franquistes et de la complicité de l'église dans les massacres. sa tête est mise à prix par franco alors que bernanos habite encore en espagne. il parvient à sortir du pays sans être arrêté.
en 1940, il se rallie à l'appel du 18 juin. bernanos en appelle à "l'esprit de révolte" et à la "révolution" . en cela il se réfère plus ou moins explicitement à la tradition libertaire. cette radicalisation chez bernanos s'accompagne d'une critique virulente du "monde moderne". bernanos exècre particulièrement les fascismes et autre nazisme (il parle de totalitarisme ce qui n'est pas fréquent à cette époque) sans tomber pour autant dans les bras des "démocrates" du camp adverse.
à contre-courant de la doxa, bernanos remet en cause l'idée d'un "progrès libérateur". à travers le capitalisme, il dénonce "l'absolutisme de la production, la dictature du profit, une civilisation utilitaire". il s'agit d'un système caractérisé par la primauté de l'économique, la "machinerie", et l'apparition de moyens inédits de propagande et de manipulation des masses.
voilà un extrait d'un de ses textes sur le thème de la technique, c'est d'une grande justesse : "Il me croiront ennemi de la technique et je souhaite seulement que les techniciens se mêlent de ce qui les regarde, alors que leur ridicule prétention ne connaît plus de bornes, qu'ils font ouvertement le projet de dominer le monde non seulement matériellement, mais sprituellement, de contrôler les forces spirituelles de ce monde grâce à une philosophie de la technique, une métaphysique de la technique, une métatechnique".
bernanos ne s'oppose pas tant à la technique qu'à l'usage qui en est fait à des fins de domestication des individus : "Le danger n'est pas tant dans les machines, sinon nous devrions faire ce rêve absurde de les détruire par la force, à la manière des iconoclastes qui, en brisant les images, se flattaient d'anéantir aussi les croyances. Le danger n'est pas tant dans la multiplication des machines, mais dans le nombre sans cesse croissant d'hommes habitués, dés leur enfance, à ne désirer que ce que les machines peuvent donner. Le danger n'est pas que les machines fassent de vous des esclaves, mais qu'on restreigne indéfiniment votre liberté au nom des machines, de l'entretien, du perfectionnement de l'universelle machinerie (...) Non, le danger n'est pas dans les machines, car il n'y a d'autre danger pour l'homme que l'homme même. Le danger est dans l'homme que cette civilisation s'efforce en ce moment de former".