Azargoth a écrit :
Yves du 9 4 a écrit :
En écrivant ses pamphlets, Céline ne voulait certainement pas qu'on lui foute la paix, il voulait se faire du blé et tapper sur les Juifs, c'est tout.
Lol quand on veux se faire du blé on écrit des romans à l'eau de rose, pas des ouvrages antisémites
Les commanditaires de Céline payaient très bien. Il devait retrouver au Danemark un magot qu'il y avait caché (ses droits d'auteur convertis en or, disait-il), mais il semble que quelqu'un l'ait doublé et qu'il n'en ait guère profité. C'est donc avec amertume qu'il avouera plus tard : "Quand je pense qu'on a tout perdu pour sauvegarder les intérêts de la bourgeoisie européenne - merde alors !"
Quoi qu'il en soit des mobiles financiers qui ont pu l'inciter à soutenir en son temps la politique hitlérienne, Céline ne s'est pas gratté beaucoup pour faire suinter ses purulences racistes. Et du "youpinium" de
L'Eglise (1926) à "l'air youtre" ou à "la tronche sémite" de
D'un château l'autre (1959), en passant même par la "musique négro-judéo-saxonne" du
Voyage (1932), le lecteur suit aisément la ligne mélodique de cette petite musique. Cette obsession qui hante ses écrits est fréquemment couplée à ses fantasmes érotico-poétiques, comme son dégoût pour les "déchus de l'existence" est inséparable de sa sympathie pour les voyous, comme encore sa haine du monde actuel fait bon voisinage avec l'apologie des principes qui ont fondé notre modernité. Un tel bric-à-brac n'est pas si singulier qu'il y paraît. Il est commun aux individus des classes sociales récemment englouties par l'histoire, et qui refusent, pour eux mêmes, ce naufrage collectif.
Céline a décrit le monde tel qu'il l'a vu : avec le regard et la conscience d'un bourgeois ruiné mais récalcitrant. Contraint d'aimer et de défendre le système de références pluriséculaire qui l'a fait et où il espère "se refaire", il hait bien sincèrement les récents excès de ce système, qu'il impute à une domination d'usurpateurs qui viennent d'arriver, tyranniques et masqués, fondamentalement différents de lui-même.
PS : sa sympathie pour les voyous s'explique ainsi : le fils de famille déchu aime le voyou comme le Prince de Galles aimait Falstaff. L'un vient d'être écarté du trône et l'autre sort de l'ombre. Ils se rencontrent à mi-chemin et ils se reconnaissent à leur fureur. L'un et l'autre n'aiment que les plus précieuses productions de ce monde, belles demeures, antiquités, domesticité ; et le ruffian, s'il réussit, s'en régale jusqu'à la nausée.
Pour l'un comme pour l'aute, à la croisée de chaque chemin, une seule question se pose : comment vivre grassement sans travailler ?