jjloco a écrit :
On peut se référer à Averroès, philosophe musulman du XIè siècle qui indiquait déjà qu'on pouvait lire le Coran de façon non littérale
quand la science semblait s'opposer à certains versets.
Pour essayer de préciser:
Averroes s’appuie sur l'idée de Platon selon laquelle les hommes se divisent en trois catégories en fonction de leur intelligence naturelle.
Il affirme ensuite que Dieu s'est exprimé au travers du qur'an pour ces trois catégories.
La première catégorie (la plus vaste) n'est sensible qu'aux arguments rhétoriques
La deuxième est sensible à la rhétorique et à la dialectique
Seule la troisième est capable de comprendre le raisonnement logique (cette tripartition rhétorique/dialectique/logique lui vient d'Aristote)
Dieu aurait délibérément occulté certaines vérités accessibles seulement à la troisième catégorie.
Averroes démontre ensuite qu'il est du devoir de ceux là de pratiquer l'interprétation lorsqu'ils découvrent une apparente contradiction dans le texte. Mais il leur est interdit de divulguer cette interprétation (qui étant incompréhensible pour le peuple les conduirait à l'infidélité)
De même, la deuxième catégorie peut saisir des choses que le peuple ne peut comprendre et Averroes établit une fatwa (al faslou al maq'al) pour leur interdire de propager ces interprétations : il voulait ainsi clore le bec aux intégristes de son époque.
Il explique par ailleurs que "la vérité ne peut contredire la vérité" (Dieu n'est pas schizophrène) : la vérité logique et la vérité révélée ne peuvent se contredire. S'il y a apparence de contradiction, c'est parce qu'on est face à des versets qui doivent être interprétés -seule leur sens littéral semble contredire la vérité logique, mais leur sens profond ne le peut.
L'intérêt de l'approche d'Averroes est qu'elle autorise le libre exercice de la raison (contre Al Ghazali), indépendamment de la référence au texte sacré... et interprète d'avance tout ce qui pourrait être considéré comme contraire au dogme religieux
On retrouve la même chose chez Saint Thomas d'Aquin, qui prépare ainsi le terrain pour la science (l'équivalent chrétien d'Al Ghazali serait ici saint Augustin).