Le mérite des fondateurs de la 5ème
République est d’avoir rompu avec la
valse des gouvernements précédents.
En 1958 et en 1962, le général de
Gaulle a proposé des mécanismes
clairs de direction du pays. Mais cette
architecture a été pervertie, dans les
années 80, par l’acceptation d’une
cohabitation répétée à trois reprises et
incompatible avec l’esprit des institutions
puis par le refus de tirer la conséquence
politique du 21 avril 2002 : au
gouvernement de large union nationale
souhaité par les électeurs, le Président
a préféré les vertiges d’un grand parti.
Ce que les Allemands ont fait plus tard
avec la « grande coalition », Jacques
Chirac ne l’a pas voulu, hélas ! Il est
donc temps de construire une VIe
République fondée sur un équilibre
constitutionnel retrouvé et des principes
de responsabilité et de légitimité.
- Un Président responsable : l’élection
au suffrage universel direct ne peut pas
faire du Président un observateur retiré
sur son Aventin et n’intervenant que
dans de rares occasions : elle lui
confère le devoir de définir les orientations
politiques de la nation et de veiller
à leur mise en oeuvre. Celui qui est élu
par le peuple doit diriger et assumer la
responsabilité de son action. C’est ce
qu’attendent les électeurs lorsqu’ils
choisissent leur Président. Cette fonction
de direction du pays est encore
renforcée par la réduction du mandat à
5 ans et la quasi concomitance des
élections présidentielles et législatives
(dans cet ordre).
Cette logique institutionnelle ne supporte
pas la mise en sommeil de la responsabilité
présidentielle jusqu’au renouvellement
éventuel de son mandat. Cette
démocratie à éclipse alimente largement
l’insatisfaction des Français. Ainsi, en
cas de crise ou de perte de confiance,
le droit de dissolution (qui cessera d’être
une arme de convenance comme en
1997) et le recours au référendum
(ouvert également au Parlement) permettront,
le cas échéant, de faire trancher
la situation par le corps électoral et
de redonner une nouvelle légitimité aux
autorités constitutionnelles : s’il est désavoué,
le Président de la République ne
pourra pas alors rester au pouvoir.
- Dans la perspective tracée, on peut
légitimement se demander si un Premier
ministre est encore nécessaire. La
réponse est « oui ». Car la France n’a
pas l’expérience constitutionnelle des
Etats-Unis et, surtout, ses partis politiques
n’ont ni la souplesse ni le pragmatisme
qui permettent au Président
et au Congrès de gouverner par des
compromis permanents. Elle est encore
un pays de crispations et de tensions
qui justifient le maintien d’un Premier
ministre dans notre organisation constitutionnelle
: ce dernier peut être un
amortisseur de choc pour introduire
une temporisation.
En revanche, l’anomalie de l’article 20
doit être supprimée. Le Premier ministre,
à la tête d’un Conseil réduit à une
vingtaine de ministres, aura désormais
un rôle essentiel de coordination : ses
pouvoirs propres seront donc sensiblement
réduits. Quant au Gouvernement,
sa mission est de mettre en
oeuvre les choix présidentiels et d’y
affecter les moyens nécessaires avec
le concours du Parlement.
- Un Parlement de plein exercice : la
Constitution de 1958 a sensiblement
bridé l’activité parlementaire pour éviter
la toute puissance des chambres
sous la IVe République. Ces mécanismes
ne sont plus justifiés aujourd’hui :
ils maintiennent l’Assemblée nationale
et le Sénat dans une situation de dépendance,
indigne des démocraties modernes.
En outre, ils ont entretenu une culture
de la bienveillance, voire de la
duplicité, que le rappel à l’ordre des
investitures suffit à réveiller en cas de velléité
d’indépendance. Comment rétablir
le Parlement, lieu de débat et de
contrôle indispensable ?
La première mesure est l’institution, à
l’Assemblée Nationale, d’un mandat
unique. Etre député de la nation et diriger,
en même temps, un exécutif local
est une expérience passionnante. Mais
ce n’est plus le temps que nous vivons.
Nous sommes entrés dans une époque
plus exigeante et le redressement du
pays implique des députés à plein
temps pour faire la loi et contrôler l’action
du Gouvernement. En revanche,
le Sénat, qui représente les collectivités
territoriales de la République, peut légitimement
comprendre des élus locaux,
la règle du non-cumul ne le concernerait
donc pas de la même manière, sous
réserve que l’organisation de son travail
soit bien différenciée de celle de l’Assemblée.
La seconde série de mesures concerne
précisément le travail parlementaire :
non seulement, le Parlement doit retrouver
la maîtrise de son ordre du jour
mais aussi doivent disparaître les restrictions
actuelles au droit d’amendement
ainsi qu’aux modalités de votation
qui relèvent des seules assemblées
(suppression du 49-3 et du vote bloqué)
. Dans le même esprit, la capacité
d’expertise et d’information du Parlement
doit être renforcée par la
possibilité de s’adresser, directement
à divers institutions et organismes
(Conseil Economique et Social, Cour
des Comptes, Conseil d’Etat, INSEE…).
Ces modifications trouveront toute leur
mesure avec la modification de la loi électorale,
évoquée plus loin.
Ainsi, l’architecture constitutionnelle est
simple. Un Président, élu par le peuple
qui lui délègue sa confiance et qui gouverne
; un Conseil des ministres, réduit
en nombre, chargé de mettre en application
les choix présidentiels et de veiller
au quotidien ; un Parlement redevenu
espace de confrontation, faisant la loi et
évaluant la pertinence et l’efficience de
l’action publique ; enfin, une ouverture
de la saisine, par les citoyens, du
Conseil Constitutionnel, du CSA et des
autres autorités de régulation.
En tournant la page sur une République
usée, nous voulons donner à la France
la démocratie vivante dont elle a besoin.