Texte long du New York Times
Les Américains sont divisés par leurs points de vue sur les races, non par les races elles-mêmes
C'est une différence cruciale - et un motif d'optimisme.
Par Eric Kaufmann, auteur de «Whiteshift: Populism, Immigration and the Future of White Majorities».
Au milieu du tumulte provoqué par la photo de jeunesse du Black Face de Ralph Northam, un sondage du Washington Post a demandé aux Virginiens s’il devait rester gouverneur.
Les résultats ont été frappants: seuls 48% des Blancs ont estimé qu'il devrait rester en poste, pour près de 60% des Virginiens noirs.
Dans un autre sondage, faisant partie de mes propres recherches, j'ai demandé aux Américains si le mur du président Trump était raciste.
Les démocrates blancs ont massivement déclaré oui, pratiquement aucun républicain, ni... les minorités concernées.
Nous retrouvons cette tendance dans de nombreux problèmes.
Et dans son ensemble, cela révèle quelque chose sur les États-Unis à l'époque Trump: le pays n'est pas divisé par un conflit racial, mais par un conflit sur l'idéologie raciale.
C'est une différence cruciale - et c'est aussi un motif d'optimisme.
(...)
Les Blancs progressistes - et non les minorités - donnent le ton à ces questions.
Depuis 2012, les progressistes blancs ont énormément évolué sur les questions liées aux races, reflétant l'activisme culturel des campus et sur le net qui s'est accéléré en réponse à M. Trump.
Sur l’ échelle de
l’American National Election Study, qui mesure les points de vue par groupe, les progressistes blancs sont plus chaleureux envers les minorités qu'envers leur propre groupe racial.
La proportion de progressistes blancs qui disent que les préjugés raciaux sont la principale raison pour laquelle les Noirs ne peuvent pas améliorer leur vie a considérablement augmenté depuis 2014 alors que la pensée progressiste a changé de thème depuis les années 1960, passant de la classe sociale à l’identité.
À l'époque des droits civiques, les Afro-Américains se sont fortement ralliés aux revendications raciales qui étaient un thème commun. Mais le lien entre la race et l'idéologie raciale s'est considérablement affaibli: les personnes de couleur ne sont pas le moteur de la plupart des formes actuelles de revendications raciales.
L’étude
Hidden Tribes de l’organisation More in Common - qui classe l’électorat américain sur la base de ses opinions - permet d’identifier les principaux partisans des revendications raciales: parmi les sept grands blocs électoraux, les plus engagés sont les activistes progressistes, qui forment seulement 8% de la population. Ce groupe est composé à plus de 80% de blancs et à seulement 3% d'afro-américains.
De même, un rapport du
Pew Research Center constate que le groupe «Solid Liberals» est très majoritairement blancs, et que les minorités raciales démocrates sont plus conservatrices.
A droite l'immigration est devenue un problème majeur, y compris parmi les Asiatiques et les Hispaniques conservateurs.
Mais le tri idéologique ne concerne pas uniquement un clivage racial: par exemple, le soutien à l'immigration chez les démocrates a largement augmenté, mais cette hausse est beaucoup plus prononcée pour les démocrates blancs que pour les démocrates noirs (et beaucoup plus prononcée pour les démocrates que pour les républicains blancs).
Les électeurs de Trump évaluent pourtant les minorités de manière relativement chaleureuse.
L'idéologie raciale, plutôt que la race, explique leurs différences avec les démocrates blancs: les républicains blancs rejettent "l'affirmative action", la notion de privilège blanc et l'idée que la discrimination raciale continue d'opprimer les minorités.
Encore une fois, les minorités sont dispersées sur beaucoup de ces mesures. En ce qui concerne les déclarations de «microagression» telles que «
America is a colorblind society» ou «
You are so articulate,», peu de Noirs et d’Hispaniques trouvent ces propos offensants, contrairement aux progressistes Blancs.
De même, lorsqu'on leur a demandé s'il était raciste ou «
égoïste sur le plan racial, ce qui n'est pas raciste», de dire "les Blancs souhaitaient moins d'immigration pour maintenir la part de leur groupe dans la population", plus de 90% des démocrates blancs titulaires d'un diplôme universitaire ont répondu «raciste», seulement 50% des minorités, et bien moins pour les électeurs blancs de Trump sans diplômes.
Tout ceci montre que l’Amérique n’est pas divisée racialement, elle est divisée par les idéologies raciales.
Et c’est une bonne chose pour l’unité du pays, car les différences idéologiques, bien que déplorables, sont moins polarisantes que les conflits raciaux, qui mobilisent des communautés entières contre un ennemi.
Plusieurs races se retrouvent dans chaque idéologie raciale, empêchant chaque groupe d'aller dans la même direction, ce qui pourrait conduire à un conflit civil.
Cela laisse espérer que les élites politiques américaines pourront un jour apaiser les divisions du pays.
Eric Kaufmann, professeur de politique à Birkbeck, Université de Londres, est l'auteur de «Whiteshift: le populisme, l'immigration et l'avenir des majorités blanches».
Source avec des graphiques :
https://www.nytimes.com/2019/0(...)aTvOs