Biosmog a écrit :
J'essaie d'apprécier cette vision de la langue comme pure ressource à partir laquelle le locuteur peut construire librement une expression de son ressenti. Mais il ne faut pas oublier que cette vision est idéale.
Ce serait presque l’inverse en vérité sauf que c’en est encore plus complexe que ça parce que la Langue, les langages, c’est un aller-retour continu évidemment.
Concrètement, la Langue n’existe qu’à travers les langages, qui se créent à partir d’un système à peu près commun qui devient la Langue. Et dans cet « à peu près » s’agglomèrent toutes sortes de différences (syntaxiques, lexicales), parfois de la création, plus souvent des emprunts, qui la font évoluer — mais seulement au gré des usages. Ce que l’usage retient à une époque peut disparaître ou s’estomper.
Après, notre Langue si aimée et si glorifiée est aussi une Langue dont l’évolution est étroitement liée à des choix arbitraires de cohérence et à des choix politiques d’unification. D’où ces résistances normalisatrices si fréquentes et généralement animées par une légitime admiration de ce qui a précédé.
Biosmog a écrit :
les gens ne sont pas "libres" de baraguiner un pidgin. Ils baragouinent un pidgin parce que toute la culture dont ils sont environnés baraguine ce même pidgin.
S'il n'y a pas l’Académie, il y des dizaines de prescripteurs, par exemple, pour n'en prendre qu'un: les artistes diffusés avec une volonté de mettre en avant une sorte de culture. Est-ce que cette culture métissée qu'on laisse aux banlieusards ne serait-elle pas un bien que l'on accorde pour éviter qu'ils ne s'approprient la "vraie" culture? une forme d'étiquette qui finalement enferme le "vrai" banlieusard dans un accent, une genre - le Rap...
Ce que je peux ajouter c’est que notre Langue vit une évolution encadrée, validée ou non, sous contrôle, approbation, réprobation, jugement. Et ce qu’on juge et apprécie au final c’est l’usage que les uns et les autres font de ce qu’on appelle la Langue et là on entre en plein dans nombre d’ostracisations propres à notre société qui portent bien plus qu’on en a parfois conscience sur la et les maîtrises des langages (ou de LA Langue).
8oris a écrit :
Enfin, concernant les dialectes et patois, j'avais simplement pris cet exemple pour illustrer dans ses pires travers, la discrimination de certains "langages" (donc) au sein d'une langue.
A cet égard j’ai comme d’autres beaucoup d’admiration pour Gaston Couté qui maîtrisait parfaitement les codes de la Langue et qui a délibérément et audacieusement choisi de façonner l’essentiel de son travail d’auteur avec le patois de sa Beauce d’origine, choix esthétique et politique aussi.