Il aurait fallu reprendre ici, par le menu, deux ou trois truismes de pensée vacillant, grossièrement, entre mauvaise foi et mauvaise conscience (« Adorno lui-même, qui ne réfutait pas du tout son propos » ; «Aujourd'hui on parle toujours au nom des autres» ; puis l'épastrouillant «Mais qu'importe la vérité de la citation, mon propos ...» , un sommet, vous dis–je, avant une autre "vérité", quelques phrases plus loin) et s'occuper, sinon s'en amuser, de dresser la généalogie de ce platonisme moderne alambiqué dont l'avatar, le fétu ne pouvait manquer, ici–même, dans son brouillon, d'assimiler nolens volens le poème à un «bavardage», «marchand» qui plus est, lequel se serait «substitué à l'esprit de vérité» (tiens, un écho par hasard ? ) qui, s'il on veut bien y penser, n'aurait pour vertu et horizon que ceux de chasser les poètes ou les poèmes de la Cité et de sa chose publique...
Platon à ce moment avait, par ailleurs, fait semblant d'oublier ses vieux ennemis, les sophistes.
Le motif en est bien connu depuis 2500 ans.
Enfin, il aurait fallu ne rien dire du parallèle maladroit, s'il n'était pas simplement ignoble, établi entre ce poème/bavardage et «l'horreur absolue» (presque explicite, celle de la Shoah), en tant que « simple modalité» de cette dernière.
Oui, il aurait fallu...
Bref, pour couper court, dans la vallée de peine, on avait dû attendre que tombent des cimes les verdicts sacrés et obscurs de la langue divine à la syntaxe incertaine : je ne savais pas encore que je n'étais ni «sobre» ni «sincère» ; je l'apprendrais sans mes dépens. Et les deux zèbres d'adjectifs m'offriraient alors, en négatif, et par paraboles auto–réalisatrices je suppose, deux illuminations ou résumés utiles, hilarants, du méandre ultramontain et de son long embarras à parler, comme à l'accoutumée, bien plus vite qu'il ne peut réfléchir.
Quant à savoir ce que c'était qu'écrire ou, pire, ce que c'était que penser...
J'entends aussi "donner à penser", comme Deleuze le répétait souvent...
Oui, il faudrait à tout le moins n'être pas dupe de soi–même et prier que la vie sache souffler sur son brouillard et sa fumée à seule fin d'être au possible, un jour au moins, bien plus qu'un pseudonyme.
Au surplus, je ne savais pas que, par la suite, comme un ressac, je m'amuserais autant à la découverte de certaines vassalités débraillées de cancres nostalgiques...
Certains, ici, doivent être des animaux férocement territoriaux.
Le reste ? Je le passe.
Je n'y perdrais sans doute pas le rire...
Du temps, en revanche.
«Wir leben unter finsteren Himmeln, und –es gibt wenig Menschen. Darum gibt es wohl auch so wenig Gedichte. Die Hoffnungen, die ich noch habe, sind nicht groß. Ich versuche, mir das mir Verbliebene zu erhalten. »
Paul Celan, 18 mai 1960, Lettre à Hans Bender.