Le techno-death metalleux
[du lat. technicus, de l’ang. technical]
Définition
Le techdeath metalleux n’aime pas ce qui est simple : gammes décatoniques, mesures asymétriques et expérimentations diverses sont son quotidien, il ne conçoit pas que l’on puisse jouer en pentas sur du 4/4. Ingénieur ou titulaire d’une maîtrise dans le domaine scientifique, sa formation lui est indispensable pour calculer les intermodulations des trois LFO qui doivent varier en cadence avec la grille du morceau (de 12^12 «modules harmoniques variables», répartis en 12² mesures*, dodécaphonisme oblige). Il est abonné à Science et Vie et à l’International Weekly Science Journal (Science pour les intimes), dans lesquels il trouve l’inspiration pour ses textes ; les récentes avancées sur la gravitation quantique à boucles sont d’ailleurs de vraies mines d’or, cela compense la dernière conférence d’Hubert Reeves à laquelle il a assisté, trop « grand public ». Quand il repose sa guitare, il continue ses recherches sur une façon d’appliquer le principe des fractales à la composition.
* : les changements de métrique sont régis par un algorithme créé de telle sorte à ce qu’une équation différentielle soit utilisée pour régler les polyrythmies : très important, c’est la marque de fabrique du groupe.
Stayle
Deux écoles s’affrontent : t-shirt à l’effigie d’un groupe dont le logo faisait futuriste il y vingt ans –Atheist dans les faits-, perfecto, jean trop serré et basket blanches (parce que le musicien de techdeath est tout de même un metalleux avant d’être un mathématicien), ou alors la tenue qu’il portait aujourd’hui au bureau. Fait étrange, le techdeatheux est très souvent grand et costaud, façon hockeyeur.
Matos
Ses amis se demandent pourquoi la Nasa a installé un poste de contrôle chez lui. Mais après tout, deux 48U sont bien un minimum, non ? Implémentation midi totale, optimisation absolue du signal, il aime passer ses dimanches à penser un nouveau routing pour son rig.
Coté guitares, Steinberger, Parker, Vigier, guitare de luthier. Ce dernier a d’ailleurs changé de métier ensuite, il ne veut plus jamais avoir à faire à ce genre d’emmerd… euh, de perfectionniste. Eventuellement, une Jackson USA (pas une Custom, le CS n’a pas compris sa demande) équipée d’un capteur hexaphonique Axon, parce qu’ils sont vraiment mieux que les Roland. Il aimait Lag à l’époque ou la marque ne produisait qu’à Bédarieux, mais ne veut plus en entendre parler depuis qu’ils ont ouvert une usine en Chine. Les chinois, il les connaît, il a encore eu des problèmes avec un sous-traitant le mois dernier, il ne font vraiment que de la m*erde là-bas.
De manière générale, plus il y a de switches et potentiomètres, mieux c’est. Un contrôle en plus, c’est comme une dimension supplémentaire dans un demi-espace scalaire.
Zique qu'il aime
Le death technique, le metal progressif et/ou expérimental, et les différents genres de metal qui lui sont antérieurs, il faut bien connaître ses racines. Mais le fan de deathtech est très ouvert, il aime énormément aussi le jazz et le classique. Sisi, la preuve, il connaît par cœur Holdsworth, Gambale, Moussorgski, Schoenberg et Hauer.
Zique qu'il n'aime pas
Il ne comprend pas les bluesmen : passer sa vie sur une guitare pour ne connaître au final qu’une misérable gamme à cinq notes et se contenter de répéter des bends faux et hors du temps toutes les douze même mesures, c’est pour le techdeatheux l’ultime stade de dégénérescence mentale avant de passer à la musette, premier symptôme de la mort cérébrale. Il n’aime pas non plus le shred, ces types savent jouer mais perdent leur temps avec des morceaux tellement simples… Il n’aime pas non plus les boutonneux du post-truc (ou machin, c’est selon) ce ne sont que des nerds bruitistes. Pour lui, les rockers et les punks ne devraient même pas avoir le droit de toucher un instrument. Ne comprend pas les termes « rap » ou « techno ». A vaguement entendu parler de funk, reggae, ou bossa-nova, mais sans savoir réellement de quelle discipline scientifique ils relèvent. Ne lui parlez pas de variété, sa crise de rire pourrait lui être fatale.
Vie de groupe
Le techdeatheux a eu un groupe, mais tous les musiciens ont fini par partir, fatigués par les explications d’une heure nécessaires pour aborder chaque mesure. Aux dernières nouvelles, le batteur se remet doucement de cette expérience dans un hôpital psychiatrique de la région, vous serez gentils de lui apporter des fleurs en partant. Le fan de death technique joue donc tout seul et noircit une dizaine de pages de papier à musique chaque jour. Il est obligé de tout noter, la mémoire humaine n’étant pas adaptée pour assimiler ses élucubrations musicales.
Parfois, il trouve un de ses congénères, ils décident alors de former un groupe en plus de leurs projets solos respectifs : ils programment alors une boite à rythmes (trois simultanées en fait, ces fichues machines ne permettent jamais de retranscrire seules leurs délires polyrythmiques), et s’échangent suivant les morceaux la basse (forcement fretless, et dotée au grand minimum de cinq cordes). Si on lui demande où il en est, il bosse sur sa démo (la même depuis quinze ans, il fignole –depuis seulement trois ans- quelques "derniers détails"), et il a son heure de gloire quand il apparaît sur un tribute à un de ces groupes aux logos futuristes il y a vingt ans.
Vie sentimentale
Pardon ?
S’il n’a pas encore trouvé un congénère, sa dernière compagne l’a quitté après qu’il lui eut reprochée d’avoir posé un vase sur un de ses 48U qui traînent dans la cuisine : il a explosé de colère quand cette cruche lui a expliqué qu’elle ne savait pas ce qu’était ce « gros meuble noir qui traîne là depuis des mois ».
S’il joue en groupe (cf duo), elle est partie sans qu’il comprenne pourquoi mademoiselle ne supportait plus ses huit heures de répétition quotidienne après ses dix heures au boulot. Huit heures, c’est pourtant le strict minimum pour mettre en place une mesure. Elle ne se rend pas compte aussi.
De toute façon, sa Steinberger est toujours là, elle…
Oui, ils -ou on, allez savoir - doivent être deux ou trois ici...