Bel exemple d'odieuse domination patriarcale :
accusé par des filles, suspendu par une femme, jugé par des femmes, tout ça parce que c'est un guitariste...
Un professeur témoigne de son calvaire après avoir été accusé à tort par des élèves
Accusé à tort de s’être masturbé dans la salle de classe d’un collège à Cergy dans le Val-d’Oise, un professeur de mathématiques raconte le drame qu’il a vécu de sa mise à pied à la fin de son contrat.
Après le récent suicide de Jean Willot, accusé à tort de violences aggravées sur un élève, Luc Vandenhove, ancien professeur contractuel de mathématiques à Cergy dans le Val-d’Oise, a décidé de porter plainte pour diffamation. Lui aussi a souffert d’accusations portées à tort contre lui. Il témoigne à visage découvert.
Ingénieur de métier, Luc Vandenhove a choisi la vocation d’enseignant il y a près de deux ans.
Il a débuté dans un collège REP de Cergy (collège d’éducation prioritaire) en tant que professeur de mathématiques.
En novembre 2018, il est convoqué par la principale de l’établissement: des collégiens l’accusent de s’être masturbé dans sa classe, vide à ce moment-là. Deux de ses élèves, pendant la récréation, l’auraient aperçu du couloir se toucher le sexe alors qu’il se trouvait derrière son bureau.
Sa première réaction face à ces accusations a été d’en rire. Tout comme l’enseignant qui se trouve aux côtés de la principale à ce moment-là. «
Tout cela était trop absurde», nous confie-t-il. Puis les faits prennent une autre tournure. La principale souhaite mener une enquête, et lui demande de se mettre en congé maladie. Il refuse, et continue à enseigner dans sa classe,
face aux accusatrices dont il ne connaît pas le nom.
Une fois son affaire transmise au rectorat de Versailles, Luc Vandenhove est immédiatement suspendu. Il tente de son côté de constituer un dossier, prouvant que les faits qu’on lui reprochait étaient «matériellement» impossibles. Il envoie plusieurs lettres, mais rien n’y fait. «
La principale avait fait en sorte que je sois suspendu sans accéder à ma requête de venir voir dans la classe que ce dont on m’accuse n’était pas réalisable.» La classe étant équipée d’une grande baie vitrée, «
si les filles m’avaient vu me masturber pendant la récréation, tous les autres élèves aussi», s’indigne-t-il.
Au rectorat, «on m’a traité comme un chien»
La convocation au rectorat tombe deux mois et demi après la première accusation. En arrivant sur place, il est accueilli par deux responsables du service contractuel du rectorat de Versailles. «
Elles m’ont traité comme un chien», nous lance-t-il. «
Pour ces femmes, j’étais déjà coupable. Il y avait marqué en tête de dossier “s’est masturbé dans sa salle de classe”», nous explique-t-il.
«
Ces femmes, qui avaient mon avenir professionnel entre leurs mains, ne connaissaient même pas mon dossier»
«Et le plus surprenant, c’est que ces femmes, qui avaient mon avenir professionnel entre leurs mains, ne connaissaient même pas mon dossier», relate Luc Vandenhove.
Avant le rendez-vous,
une des accusatrices s’était rétractée. «
Les deux responsables n’étaient pas au courant, et ne cherchaient pas non plus à savoir», nous raconte-t-il, avant d’ajouter qu’
elles ne s’étaient pas rendues sur place pour vérifier les faits.
La date pour une commission disciplinaire était fixée pour le mois suivant. Consécutivement, les responsables du rectorat se rétractent. Leur motif après 3 mois de suspension: «
l’affaire s’était emballée», le mouvement de main vu par l’élève au fond d’une salle depuis le couloir pendant la récréation
pouvait «être un échauffement de guitariste». «
Si vous n’aviez pas fait ce geste-là, rien ne serait arrivé», lance tout de même une des responsables à Luc Vandenhove. «
Même là, c’était encore de ma faute», souligne le professeur de mathématiques exaspéré.
De son côté, le rectorat de Versailles, qui encadre la plus grosse académie de France avec plus d’un million d’élèves et 90.000 agents, affirme avoir suivi la procédure habituelle dans ce dossier. Ce que ne contredit pas Luc Vandenhove. Par contre, le bureau du recteur n’a donné aucune précision sur le traitement du professeur de mathématiques par les responsables contractuels.
Blanchi, mais son contrat non renouvelé dans le collège en question
«
Quand le passage devant la commission fut annulé, nous avons pensé que Monsieur Vandenhove était blanchi et pourrait reprendre son enseignement. Lui aussi le pensait évidemment», relate de son côté Emmanuel Dreyfus, du Syndicat national des Lycée et Collège de Versailles, dont fait partie l’enseignant. Pourtant, même avec tout soupçon levé sur cette affaire, «
les deux responsables lui ont annoncé froidement que son contrat ne serait pas renouvelé, sans aucune raison», rapporte le syndicaliste.
«Ce sont des juges devant lesquels on ne peut pas se justifier»
Emmanuel Dreyfus, du SNALC, évoquant le rectorat
«
Ces femmes ont traité le dossier de Monsieur Vandenhove d’une manière perverse», continue Emmanuel Dreyfus. «
Et ce n’est pas la première fois que cela se produit. Ce sont des juges devant lesquels on ne peut pas se justifier. Si elles décident qu’un contractuel est coupable, elles ne le reprennent pas. Et personne ne peut rien dire», souligne également le syndicaliste.
Ce a quoi le bureau de recteur apporte une précision: monsieur Vandenhove a été réintégré dans ses fonctions, mais dans un autre collège afin de «
reprendre sereinement le travail, pour lui comme pour les autres.»
Des conséquences souvent dévastatrices
Tout au long de l’affaire, Luc Vandenhove s’est senti seul, enfoncé par une hiérarchie, et déshumanisé par le rectorat. «
Personne n’avait une once de sympathie, d’humanité, à mon égard. C’était plutôt “on est déçu que vous ne soyez pas coupable”», nous explique Luc Vandenhove. Du côté de ses collègues, aucun soutien non plus dans un premier temps, avant qu’il ne reçoive des attestations de bonne moralité de leur part.
«Cette histoire aurait pu prendre une tournure comme celle de Jean Willot» (récemment suicidé)
Luc Vandenhove, qui a bénéficié du soutien de ses proches, souligne que «
cette situation peut se reproduire, c’est dangereux. Si j’avais été plus fragile, peut-être que cette histoire aurait pu prendre une tournure comme celle de Jean Willot.» «
Beaucoup de personnes sortent très affectées après de telles accusations», relève le syndicaliste Emmanuel Dreyfus, avant d’admettre que «
les contractuels sont plus maltraités que les autres.»
Pour Maître Bourdeau-Bulot, avocate au barreau du Val-d’Oise et travaillant pour la fédération des autonomes de solidarité laïques, un réseau militant assurant la protection du personnel de l’Éducation, «
on a ici un préjudice moral». «
Généralement, mes clients lancent une procédure de dénonciation calomnieuse, soit en civil, soit en pénal», détaille-t-elle au Figaro. L’avocate ajoute également que «
ces accusations ont une réelle conséquence: les professeurs sont suspendus de leur travail, et peuvent être écartés de leur poste, ce qui peut être très mal vécu. L’enseignant va se sentir mis à l’écart avec une crainte d’alimentation des rumeurs sur sa personne. On attend donc une réparation», conclut-elle.
Aujourd’hui, Luc Vandenhove enseigne dans un autre collège francilien. «
Même s’il se trouve plus loin de chez moi, les enseignants, les élèves, le personnel se disent bonjour, sont sympathiques. Mais cette histoire aura entaché mon image à jamais.»
Source :
http://www.lefigaro.fr/actuali(...)nw9sM