En cette fin du XVIIIe siècle, la question de l'éducation des femmes appelle une seule réponse selon Choderlos de Laclos (1741-1803) : "Partout où il y a esclavage, il ne peut y avoir éducation ; dans toute société, les femmes sont esclaves ; donc la femme sociale n'est pas susceptible d'éducation." Seule une révolution venant d'elles pourrait changer leur condition. Admirateur de Rousseau, l'auteur des Liaisons dangereuses s'attacha au sujet de 1783 à la fin de sa vie. Il prône l'égalité des sexes et évoque avec ferveur la "femme naturelle", "être libre et puissant".
La femme naturelle est plus heureuse ; rien ne la prive, rien ne la sépare de l'objet de son affection ; tous ses soins lui vont être consacrés ; peu d'heures après l'enfantement, elle se lève, elle va baigner son enfant dans un ruisseau voisin ; elle s'y baigne elle-même ; après s'être séchée sur le gazon, elle le sèche à son tour, non par des frictions irritantes, non en l'exposant à une chaleur dessicative, mais en le plaçant sur son sein ; c'est là qu'il trouve à la fois une chaleur salutaire et une nourriture qui lui convient. Le lait est le lien naturel qui unit la mère et l'enfant ; s'il est nécessaire à l'un de le recevoir, il est au moins dangereux à l'autre de l'en frustrer.
La nature ne crée que des êtres libres ; la société ne fait que des tyrans et des esclaves ; toute société suppose un contrat, tout contrat une obligation respective. Toute obligation est une entrave qui répugne à la liberté naturelle ; aussi l'homme social ne cesse de s'agiter dans ses liens, il tend à s'y soustraire, il cherche à en rejeter le poids sur ses semblables, il ne veut retenir que le bout de la chaîne pour les diriger à son gré ; il suit de là que, si l'oppression du fort envers le faible n'est pas une loi naturelle, dans le sens où les moralistes prennent ces mots, elle n'en est pas moins une loi de la nature.