Pas mieux que Biosmog.
La liberté d'expression est souvent invoquée pour justifier le fait qu'on autorise (ou qu'on devrait autoriser) un discours dominant à être exprimé. Jamais un discours visant à déconstruire ces dominations.
En l'occurrence, un Homme qui parlerait à la place d'une Femme pour prendre position sur le patriarcat ce n'est pas bien, car ça va exactement dans le sens de la domination sus-mentionné : l'HOMME qui parle à la place d'une FEMME.
C'est assez incroyable que les gens prennent ça pour un refus de liberté d'expression.
Je vais citer l'article partagé juste avant :
"Si on suit un tel raisonnement, cela signifie que les identités doivent être vues comme délimitant étroitement le champ des opinions légitimes sur lesquelles chacun peut s'exprimer."
Bah plus ou moins. C'est très mal dit, mais l'idée est là.
Je vais filer l'argument à l'aide d'un exemple :
Admettons une personne qui soit bourgeois. Elle appartient à la classe des bourgeois, a un capital culturel, social et économique de bourgeois, elle se situe dans le haut des rapports de production, bref, vous visualisez.
Et bien ça va peut-être vous paraitre incroyable, mais cette personne ne peut pas se considérer comme prolétaire, ouvrier, ou exploité. C'est dingue non ?
Alors il y a des bourgeois.e.s. qui soutiennent les mouvement prolétaire, en effet ça existe (même s'ils sont archi minoritaire), mais leur position sociale les empêchent de :
- Se prétendre comme faisant parti intégrante d'une classe inférieur à la sienne
- Parler au nom de cette classe et dire ce que cette classe devrait faire ou non pour leur lutte
Pourquoi ? Tout simplement car il existe aucune personne au monde qui agirait contre son intérêt. C'est humain. C'est l'instinct de préservation. À aucun moment le/la bourgeois.e ferait en sorte d'effectuer les bonnes actions qui supprimeraient totalement ses privilèges et son patrimoine. De plus, ne faisant pas parti de la classe prolétaire, il/elle ne peut pas se mettre à la place de ces derniers. C'est impossible.
Alors, cette personne peut très bien soutenir les dominés. Elle peut très bien les aider et être allié. Mais pas en faire partie. C'est pour ça qu'il y a des féministes qui grincent des dents quand elles entendent un homme dire "je suis féministe". Non, il est un allié, un soutient, mais pas un féministe. Le féministe est un combat d'émancipation des femmes. Pas un combat des hommes pour que les femmes s'émancipent. Ça n'empêche pas les hommes de pouvoir analyser la situation correctement et d'être là pour supporter le mouvement. Mais ça les empêchent de faire parti intégrante de la bataille.
Pour prendre encore un autre exemple qui parlera peut-être plus : il est impossible de se mettre à la place d'une personne violée. On peut la soutenir moralement, on peut l'aider, on peut être contre les viols (et heureusement), mais à aucun moment on ne peut se mettre à leur place. Par conséquent, on est très, très mal placé pour parler de ce qu'il faudrait faire pour ces personnes. Seul eux le savent, car eux ressentent des choses qu'on ne pourra jamais ressentir, et eux seulement savent exactement quels besoins ils ont pour mieux vivre cet évènement horrible et tragique. Il en est de même pour d'autres évènement tragique comme le décès d'un parent. Si nous même on n'a pas encore perdu de parent, c'est très difficile de se mettre à la place de quelqu'un qui vie actuellement ce deuil. On peut donc les soutenir, mais dire "je comprend ce que tu ressens" alors qu'on a pas vécu ça, c'est très déplacé et maladroit.
Et bien c'est pareil pour tout. C'est pareil pour un.e bourgeois.e qui ne peut pas se mettre à la place d'un.e prolétaire. C'est pareil pour un Homme qui ne peut pas se mettre à la place d'une Femme. C'est pareil pour un.e hétéro qui ne peut pas se mettre à la place d'un.e homo, etc, etc, etc...
Bref, tout ça pour dire que c'est pas un problème de liberté d'expression. Pour le coup, on a le droit de parler au nom de quelqu'un d'autre. Faut juste assumer que derrière ça fait de nous des gros connard antipathique et sans empathie. Et la liberté d'expression autorise justement à dire quand ces personnes là déconnent et disent de la merde. (et oui, ça va dans les deux sens ! )
PS : Et c'est d'ailleurs pour toutes ces raisons que la sociologie est souvent attribué à un truc "de gauche". En fait, l'université a permis (contrairement aux grandes écoles) de faire rentrer dans le haut du panier scolaire toute une partie de ces classes dominés. Fatalement, ces personnes là vont surtout chercher à étudier et comprendre les structures sociales et les dominations dans lesquels ils sont plongés. Si Bourdieu a autant étudié la domination sociale, c'est surtout car son père était un dominé social, et fatalement, le fils aussi