Ce papier fait bien le tour de la question :
Jusqu’à la prochaine fin du monde…
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Exhibé de Washington à Paris, en passant par Séoul, Rome ou Dublin, le graphique pointe l’urgence : étaler dans le temps le rythme des contaminations pour éviter la saturation des services de santé. Attirant le regard sur les deux ondulations, les journalistes éludent un élément important :
cette droite, discrète, au milieu du graphique, qui représente le nombre de lits disponibles pour accueillir les cas graves. Présenté comme une donnée tombée du ciel, ce « seuil critique » découle de choix politiques.
S’il faut « aplatir la courbe », c’est que depuis des dizaines d’années les politiques d’austérité ont abaissé la toise en dépouillant les services de santé de leurs capacités d’accueil. En 1980, la France disposait de 11 lits d’hôpital (tous services confondus) pour 1 000 habitants. On n’en compte plus que 6, qu’une ministre de la santé macroniste proposait en septembre de livrer aux bons soins de bed managers (« gestionnaires de lits »), chargés d’allouer cette ressource rare.
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Ainsi la crise du coronavirus tient-elle autant à la dangerosité de la maladie qu’à la dégradation organisée du système sanitaire. Éternelles chambres d’écho du credo comptable, les grands médias ont éludé l’examen critique de ces choix pour inviter lecteurs et auditeurs à un vertigineux débat philosophique : comment décider qui sauver et qui laisser mourir ? Cette fois pourtant, il sera difficile de masquer la question politique derrière un dilemme éthique.
Car l’épidémie de Covid-19 découvre aux yeux de tous une organisation économique encore plus aberrante que chacun le soupçonnait. Pendant que des compagnies aériennes faisaient circuler leurs avions à vide afin de conserver leurs créneaux horaires, un chercheur expliquait comment la bureaucratie libérale avait découragé la recherche fondamentale sur les coronavirus (3). Comme s’il fallait sortir de l’ordinaire pour en saisir le dérèglement, Marshall Burke, enseignant en science des écosystèmes à l’université Stanford, notait ce paradoxe : «
La réduction de la pollution de l’air due à l’épidémie de Covid-19 en Chine a sans doute sauvé vingt fois le nombre de vies perdues du fait de la maladie. Il s’agit moins d’en conclure que les pandémies sont bénéfiques, que de mesurer à quel point nos systèmes économiques sont mauvais pour la santé. Même en l’absence de coronavirus (4). »
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Un temps, le microbe à l’origine des plus sévères mesures de confinement jamais imaginées en temps de paix a semblé briser les cloisons de l’espace social : le banquier de Wall Street et le travailleur chinois n’étaient-ils pas soudain soumis à la même menace ?
Et puis l’argent a repris ses droits. D’un côté, les confinés des villas, qui télétravaillent un orteil dans la piscine ; de l’autre, les invisibles du quotidien, soignants, agents de surface, caissières de supermarché et salariés de la logistique pour une fois sortis de l’ombre car soumis à un risque que les mieux lotis s’épargnent. Des télétravailleurs cloîtrés dans un appartement exigu où résonnent les braillements des marmots ; des sans-logis qui aimeraient bien pouvoir rester chez eux.[/b]
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Aiguillonnée par la panique, l’avant-garde éditocratique découvre soudain ce qu’elle s’employait à ignorer. « Ne peut-on pas dire aussi qu’au fond cette crise nous invite à repenser des pans entiers de la mondialisation : notre dépendance à la Chine, au libre-échange, à l’avion ? », interroge sur France Inter, le 9 mars, Nicolas Demorand, au micro duquel les pourfendeurs du protectionnisme, tel Daniel Cohen, se succèdent depuis des années.
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Il faut que la raison marchande ait profondément reconfiguré les entendements pour que seule l’irruption d’une pandémie mortelle rende audible au pouvoir les truismes énoncés par le corps médical depuis des décennies :
« Oui, il faut disposer d’une structure hospitalière publique assumant d’avoir, en permanence, des lits disponibles, ont résumé les médecins André Grimaldi, Anne Gervais Hasenknopf et Olivier Milleron. Le nouveau coronavirus a le mérite de rappeler des évidences :
on ne paie pas des pompiers simplement pour qu’ils aillent au feu, on les souhaite présents et prêts dans leur caserne, même quand ils ne font que briquer leur camion en attendant la sirène . »
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Fin mars 2020, quiconque entendait à sa fenêtre résonner le silence de la ville confinée pouvait
méditer sur l’acharnement de l’État à se dépouiller lui-même non seulement des lits de réanimation mais de ses instruments de planification, désormais monopolisés par quelques multinationales de l’assurance et de la réassurance.
'Human beings. You always manage to find the boring alternative, don't you?'
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- Quand Redstein montre l'abattoir, l'imbécile regarde Redstein - (©Masha)