Citation:
On peut dire que dès qu’un groupe humain se différencie et s’isole par rapport à un ensemble, par sa fonction, ses ressources économiques, son pouvoir politique, ses origines ethniques, etc., du corporatisme aux sectes religieuses ou idéologiques, il tentera de défendre ses «droits» qui ne sont généralement que ses avantages acquis ou perdus, par le discours d’abord et sa diffusion, par la violence ensuite lorsque le discours s’avère inefficace.
Il faut noter, cependant, que certaines religions ont largement servi le maintien des dominances en persuadant les dominés que, plus leurs souffrances et leur misère étaient insupportables, le fait de les supporter sans révolte était l’équivalent d’un chèque tiré sur un autre monde où ils seraient définitivement heureux. L’acceptation des statuts sociaux se fit souvent sans révolte, en admettant que les différences résultaient des lois divines et éternelles et que la justice n’était pas à attendre ici-bas, mais ailleurs. Il est aussi plus facile et plus consolant de croire à une fatalité transcendantale que d’accepter, de rechercher et de mettre en lumière quelques-uns des innombrables facteurs environnementaux qui, par niveaux d’organisation, enchaînent un homme à son destin. Un projet divin ne peut être que «juste» suivant notre conception humaine de la justice et mieux vaut, sans y rien comprendre, s’en remettre à lui qu’à un déterminisme aveugle à la hauteur de notre ceinture, mais aussi à la portée de notre main. Il n’est pas impossible pourtant d’imaginer que c’est par l’intermédiaire de ce dernier que le premier se réalise. Pourquoi pas ? Mais alors ce déterminisme aveugle, à portée de notre main, pourquoi ne pas y porter la main ? Pourquoi ne pas essayer de le démonter en pièces détachées, comme un enfant démonte ses jouets mécaniques, même si ensuite il ne sait plus les remonter ? De toute façon, l’action est anxiolytique. La croyance en la «bonté» divine aussi d’ailleurs, bien que cette bonté ne vole pas plus haut que la nôtre, bien sûr. A chacun donc de se laisser guider par le type d’anxiolyse qui le fatigue le moins, mais sans forcer l’autre, surtout par la violence, à suivre le même chemin.