Roswitha Scholz,
Le sexe du capitalisme: "Masculinité" et "féminité" comme piliers du patriarcat producteur de marchandise
Encore un livre qui ne plaira pas aux collabos du système, qu'ils soient dégueulassement de "droite" ou abjectement de "gauche" : Roswitha Scholz bat en brèche le patriarcat capitaliste mais aussi le catéchisme postmoderne du féminisme, et démontre que les idéologues de cette fausse dissidence issue des campus américains sont au service des mutations néolibérales et du conformisme social car il évite de s'en prendre aux réalités centrales de l'aliénation technologique et marchande. Le féminisme et les mouvements homosexuels qui avaient le mérite de s'attaquer par le passé à la persistance de vieilles idées répugnantes ont pu parvenir à incarner,
French theory aidant, une très efficace avant-garde de la normalisation et de la conformité sociale dont il est malaisé de discerner, de la parité aux mariages gay, quelles sont les prescriptions qui relèvent du
politically correct ou de cette
pensée unique dont l'évocation suscita naguère tant d'émois.
Par la voix de ses rebondissants avatars "antilibéraux", altermondialistes ou décroissants, le citoyennisme formule et développe identiquement "la demande sociale de protection dans la catastrophe". Son consternant exemple apporte ainsi un utile complément à la critique classique de la bureaucratie. Celle-ci s'appliquait à la façon dont l'État impose à la société ses normes et son contrôle. Désormais c'est tout autant la société (par le biais des
hommes quelconques qui s'y mobilisent pour recueillir ses inquiétudes et fabriquer l'image spectaculaire d'une prétendue "société civile") qui réclame normes et contrôle.
Avec son théorème de la « valeur-dissociation »,
Roswitha Scholz propose une critique féministe du patriarcat capitaliste au-delà du progressisme politique, du marxisme traditionnel et de tous les développements postmodernes. Elle effectue une critique radicale de la modernité comprise comme patriarcat producteur de marchandises, ce qui la conduit à refuser de se laisser enfermer aussi bien dans la croyance en un progrès immanent de la modernité, que dans les « contradictions secondaires », l'essentialisme naturalisant ou le différentialisme post-structuraliste. Les essais rassemblés dans ce volume mènent une discussion critique de divers courants et auteures féministes - de Judith Butler, Nancy Fraser et Maria Mies à Silvia Federici - afin d'analyser l'essence de la modernité comme totalité sociale brisée, où les deux pôles de la « valeur » et de la « dissociation » reproduisent le rapport patriarcal du masculin et du féminin jusque dans la barbarisation postmoderne et l'effondrement du patriarcat producteur de marchandises. Ce dernier, déjà entamé, n'aura aucune portée émancipatrice.
Roswitha Scholz est, aux côtés de Robert Kurz et des membres de la revue
Exit !, l'une des principales théoriciennes en Allemagne du courant de la critique de la valeur-dissociation (Wert-Abspaltungskritik). Elle s'attache à théoriser le lien entre capitalisme et patriarcat moderne ainsi que les métamorphoses de ce patriarcat,
et à dépasser les féminismes de l'égalité et de la différence, comme les féminismes intersectionnels, déconstructionnistes, matérialistes, écoféministes ou de la « lutte des classes ».