Je remonte un peu le bouzin...
Je ne sais pas si vous en avez grand chose à foutre des bières anglaises, mais ça fait un petit moment que je beigne dedans maintenant et il y'en a quelques unes qui valent salement le coup.
Ça fait belle lurette que l'Angleterre s'est assise sur ses commerces indépendants et sa culture, mais depuis trois ou quatre ans semble s'agencer une résurgence des micro-brasseries dans le pays, en partie grâce à l'activisme un brin agaçant de la CAMRA (CAMpaign for Real Ales), et en partie par effet de mode bête et méchant. En pratique, il est très difficile d'acheter quoi que ce soit de local chez les Brits en ce moment, à moins qu'il ne s'agisse d'une des formes multiples que la bière prend dans le coin.
Les classifications sont un peu différentes dans chaque pays - ici, on parle, en vrac, de : real ale, bitter, mild, lager, porter, stout, india pale ale, ruby ale, dark ale, brown ale, etc. Les ramifications des différentes classifications sont infinies, mais on peut dégager des principes de base (IPA = pale ale plus forte et plus houblonnée, porter = stout un brin plus gazéifiée et plus forte, ruby ale = lager + houblon + savon).
Je n'ai aucune idée de ce qui s'exporte, ni même des classifications actuelles en France (j'ai cru comprendre que les magasins spécialisés tournaient plutôt bien), mais voici quelques une de mes brasseries et bières favorites en ce moment. Au cas où ça filerait de l'inspiration à qui que ce soit, d'un côté ou de l'autre de la Manche.
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Red Willow (Macclesfield) : Brasserie qui a un pied dans la tradition anglaise et un autre dans l'expansion internationale du marché de la bière - parfois aventureuse, et parfois pleutre. Leur
Fathomless est une oyster stout, brassée avec de vraies huîtres, contrairement à toutes les autres oyster stouts ; une simple application de la sémantique orginelle du terme...C'est dense, goûtu, le houblon est quasiment absent, et l'huître surnage.
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Wild Beer (Sommerset) : Jeune brasserie, qui prend des risques et produit des bières bien barrées et toujours complexes, entre autre par leur usage de l'aléatoire et des levures sauvages. Leur
Modus Operandi est une ale sombre et pleine qui est vieillie en fûts de chêne. Pour la dernière fournée, ils ont utilisé d'anciens fûts à bourbon, le résultat est un peu abrupte en bouche et salement résineux. La
Ninkasi est brassée avec du raisin et ressemble, grossièrement, au téléscopage d'un champagne correct avec une IPA. Celle-ci se boit comme du petit lait malgré ses 9%.
Leur marketing est bien foutu - la virilité associée au crâne de cerf qui leur sert d'emblème semble avoir beaucoup d'attrait pour les jeunes beaufs du côté de la ville où je bosse, et ils se retrouvent contre leur gré à boire d'excellentes bières.
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Titanic (Stoke-on-Trent) : Ils ont pour désagréable gimmick de nommer chacune de leur bière d'après ce que les passagers du Titanic ont mangé et bu lors de leur croisière écourtée, mais produisent des ales d'une qualité impeccable. Cet hiver, nous avons eu droit à une Mocha Stout assez renversante - houblon inexistant, chocolate malt & grains de café.
-last but not least,
Thornbridge (j'sais plus où entre Manchester et Buxton) : Pour ceux qui connaissent la brasserie Brooklyn (basée, erm, à New York et autour), son fondateur a déclaré qu'à son humble avis, la
Jaipur de chez Thornbrige était la pinte parfaite. Je suis presque d'accord, mais ça dépend de mon humeur - c'est un IPA qui tape un peu fort sur les houblons type Citra & Cascade, un peu plus gazéifiée que la moyenne (on la trouve surtout en kegs). C'est l'une des bières les plus rafraîchissantes que j'ai eu l'occasion de boire, malgré ses six degrés. Sa grande soeur,
Halcyon, donne l'impression de se manger une collision frontale avec un mur de houblon. Ils la classifient comme une Imperial IPA et elle titre à 7,7%. C'est une des tendances anglaises actuelles, suite à l'influence que les bières américaines ont eu (qui a sans doute à voir avec la mode craft beer actuelle), de tenter des mélanges de houblons et d'en utiliser dans des quantités bien supérieures avec ce qui se fait traditionnellement, mais le résultat est parfois fantastique.
Bon, je suis, il va sans dire, bien entamé ce soir et espère que ce qui précède est, sinon très intéressant, au moins compréhensible. Ca fait un peu plus d'un an que je me gave de bière anglaise, en essayant de goûter une dizaine de nouvelles bières par semaine, et je suis encore loin d'en avoir fait le tour. Désolé pour les anglicismes, les termes ne se traduisent pas tous très bien (traduire stout par brune, c'est un hérétisme).
En plus de la bonne bouffe (en survivant avec un budget minimal, on mange bien mieux en Angleterre qu'en France, entre autres grâce au merveilleux système de réduction du prix des aliments en voie de péremption - j'ai pu acheter un demi kilo de saumon pour une livre sterling hier, et ces abrutis sont persuadés que le fromage a une date de péremption, ma copine et moi nous régalons de cheddars divers et variés pour des prix dérisoires), j'ai peu à peu réalisé le potentiel impressionnant de la richesse sensorielle apportée par la bière locale. Se saouler avec une dizaine de bières artisanales différentes, c'est un genre d'ivresse don t je n'avais jamais eu l'expérience avant - le cerveau réagit bizarrement à la surcharge du goût et de l'odorat, c'est presque analogue aux psychotropes.
Et rien de tout ça ne m'empêche de taper aussi dans la blonde Lidl à pas grand chose les six canettes.