Jo-li - Macroléon rhabillé pour euh... la canicule :
Antisociaux et autocratiques?: et si les anti-républicains, c’était LREM??
Publié le 15/06/2022 à 16:30
L'essayiste Mathieu Slama raille « la tentative d’OPA sur la notion de République de la part des macronistes contre la Nupes ». Il estime au contraire que « La République, c’est le contraire de ce que la Macronie a mis en place depuis cinq ans ».
« Aucune voix ne doit manquer à la République », a déclaré Emmanuel Macron avant de s’envoler vers la Roumanie pour un voyage diplomatique, rétrécissant le périmètre du vote acceptable à sa seule personne. La veille, Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique, expliquait ceci sur un plateau de télévision : « Notre position est très claire : pas de voix à l’extrême droite, mais pas de voix aux anti-républicains. » D’autres candidats ont tenu un discours similaire, appelant au « front républicain » contre la Nupes désormais assimilée, au même titre que le RN, au camp antirépublicain.
S’arroger ainsi le monopole de la République est une chose étrange, inédite dans notre histoire politique récente. C’est ce que fait LREM en se présentant comme le rempart contre deux extrêmes, le RN et la Nupes. La ficelle est grosse, pour ne pas dire énorme. Ainsi, on a vu l’ex-Ministre des sports Maracineanu, candidate aux législatives pour la majorité, appeler au front républicain contre son adversaire de la Nupes, qui n’est autre que Rachel Keke, ancienne femme de chambre qui a courageusement mené une lutte pendant deux ans pour ses droits et qui défend aujourd’hui la voix des salariés précarisés dans l’arène politique. Qu’y a-t-il de plus républicain que cela ?
Quant à la NUPES, on peut critiquer tel ou tel aspect de cette union mais son programme authentiquement de gauche et progressiste n’a rien d’antirépublicain, au contraire. Qu’y a-t-il d’antirépublicain dans le fait de défendre les travailleurs pauvres, les droits des salariés, les jeunes précarisés ou encore dans le fait de promouvoir des institutions et un mode de gouvernement plus démocratiques et moins autoritaires ? Rien, évidemment. Ce front républicain inventé par la majorité pour diaboliser la Nupes et ainsi la situer au même niveau que le RN est indéfendable, tant sur le plan des faits que des principes. On ne peut mettre sur un même niveau la défense des petites gens et des minorités avec l’exclusion d’une partie de la population en raison de leurs origines ou de leur religion.
« Pendant cinq ans, Emmanuel Macron a dirigé en autocrate, avec une Assemblée nationale aux ordres et un gouvernement fantoche. »
Cette manœuvre est donc indigne de la part de la majorité, et révélatrice de l’état de panique dans laquelle elle se trouve, puisqu’elle est aujourd’hui en passe de perdre la majorité absolue dans l’hémicycle, ce qui lui compliquerait considérablement la tâche pour les cinq ans qui viennent. Mais elle est aussi symptomatique de la manière de faire du pouvoir en place, qui n’a de cesse depuis cinq ans de manipuler la dialectique « raison contre extrêmes », configurant par le discours un espace politique où seule la majorité représente le camp des raisonnables face aux irrationnels et aux factieux. Ce fut la stratégie employée face aux gilets jaunes, face aux non-vaccinés et autres opposants à la politique sanitaire, c’est désormais la stratégie employée contre l’union de la gauche. Combien de temps ce discours va-t-il tenir ? À quel moment va-t-il être démasqué pour ce qu’il est, c’est-à-dire une supercherie et un artifice pour empêcher toute opposition réelle à Emmanuel Macron ?
Mais il y a plus grave encore dans cette tentative d’OPA sur la notion de République de la part des macronistes. Inversons ici la rhétorique qu’ils essaient d’opposer dans cet entre-deux tour : et si les anti-républicains, c’était eux ? Et si, entre la NUPES et LREM, le front anti-républicain ne devait pas se jouer à l’envers ? Il ne faut pas avoir peur de le dire : LREM n’a de leçon de République à donner à personne. Et s’il y a bien un mouvement politique qui devrait s’abstenir de délivrer des brevets de républicanisme, c’est bien LREM.
Pendant cinq ans, Emmanuel Macron a dirigé en autocrate, avec une Assemblée nationale aux ordres et un gouvernement fantoche.
Pendant cinq ans, Emmanuel Macron a considérablement durci les mesures sécuritaires attentatoires aux libertés individuelles, avec par exemple la Loi sécurité globale qui renforce les pouvoirs de surveillance et donne à la police des moyens technologiques supplémentaires comme l’usage des drones.
Pendant cinq ans, Emmanuel Macron a affaibli le droit de manifester et réprimé dans la violence le mouvement des gilets jaunes.
Pendant cinq ans, Emmanuel Macron a mené une politique anti-sociale, contraire à tous les idéaux de la République sociale, jetant encore plus dans la précarité des millions de Français.
Pendant cinq ans enfin, Emmanuel Macron a installé l’état d’urgence permanent avec comme point d’orgue la débâcle démocratique de la crise sanitaire qui a vu un gouvernement confiner à plusieurs reprises tout un peuple sous contrainte policière puis discriminer une partie de la population par le moyen d’un QR code, violant ainsi les deux principes fondateurs de la République : la liberté et l’égalité.
Cette politique autoritaire et liberticide est absolument contraire à tout ce que la République représente et à tout ce pour quoi les républicains ont combattu au fil des siècles. La République, ce n’est pas l’autoritarisme, la technocratie managériale, la violence sociale ou encore la répression policière. La République, ce n’est pas « les devoirs avant les droits » ou « la sécurité est la première des libertés », deux formules macronistes qui résument parfaitement l’idéologie profondément autoritaire et antirépublicaine d’Emmanuel Macron.
La République, c’est des droits inconditionnels et le principe de liberté comme supérieur à tous les autres, c’est l’idéal d’émancipation face à l’arbitraire, l’idéal de justice sociale et l’exigence de séparation des pouvoirs. La République, c’est le contraire de ce que la Macronie a mis en place depuis cinq ans.
Que reste-t-il de ces cinq ans ? Une « démocratie dégradée », selon les termes du très libéral journal The Economist, un accroissement de la pauvreté et des inégalités et une défiance inédite envers les politiques au sein de la population, défiance qui s’exprime par des taux d’abstention record et un rejet massif des élites. Avant de donner des leçons de République à la terre entière, les macronistes feraient donc bien d’étudier son histoire et d’apprendre qui étaient les grands révolutionnaires de 1789, les héros de 1948 et de la Commune, les Ferry, Blum, Jaurès, Clemenceau qui sont les bâtisseurs de la République et qui tous ont combattu ce qui la menaçait de l’intérieur : la servitude et l’injustice. Bref, les macronistes doivent d’abord devenir républicains avant de décréter qui est républicain et qui ne l’est pas.