crapozor a écrit :
Regarde, ce qui arrive avec le classique et les conservateurs jusqueboutistes qui ne veulent pas entendre parler d'évolution.
Peut-on jouer sur une guitare classique de cette façon :
Oh fatche, ça se corse
Je trouve que c'est un bon exemple.
1. Je n'aime pas du tout (mais lisez la suite quand même )
2. C'est très impressionnant.
3. Je comprend parfaitement la jouissance que l'on peut avoir à jouer ça. A entendre, je trouve que c'est assez peu musical, mais à jouer, ça doit procurer des sensations terribles : le plaisir de la vitesse pure, de la mise en place, de la puissance sonore. Enorme. Et le plaisir doit être d'autant plus grand qu'on imagine l'aboutissement de quel travail il s'agit : il doit falloir des centaines d'heures de boulot pour arriver à ça.
4. Je n'ai jamais eu l'occasion de jouer sur une JEM, mais j'aimerais le faire : d'une part le manche à l'air fort agréable, il est large (et comme je viens du classique, je trouve toujours les manches electrique un peu étroits). Et les sonorités qu'on peut sortir de cet engin (et de l'ampli qui va avec), sont assez interessantes. Ce n'est plus un son de guitare, d'ailleurs je trouve, mais plus un son de synthé (ne prenez pas ça mal, ce n'est pas une critique). Ce serait donc, de mon point de vue, un synthé avec le phrasé d'une guitare.
Et justement : jusqu'où un instrument est-il encore une guitare ?
Jusqu'où une musique est-elle encore du Jazz ?
Ce sont des questions auxquelles on peut à la fois répondre et ne pas répondre.
On ne peut pas répondre par qu'évidemment, la frontière entre un genre musical et un autre est on ne peut plus floue.
On pourrait donc dire que finalement, ces histoires de genres, c'est assez stérile, que peut importe, que si quelqu'un dit qu'il fait du jazz, ou du rock, ou de la bossa nova, c'en est, parce que lui le pense. Point.
J'y reviendrai... plus bas.
On peut aussi répondre à la question, et trouver quelques critères qui permettraient de dire si une musique et jazzie ou non : le swing, l'harmonie, le rythme ternaire... Ainsi l'on pourrait dire que Joe Pass, c'est du Jazz, et que Jean Louis Murat, c'en est pas.
Mais Brassens ? Hum...
Et donc on retrouve quand même nos limites... ceci d'autant plus que la scène musicale est faites de mélanges.
Ainsi Julien Loureau, dont les harmonies sont clairement Jazz, use souvent de rythmiques jazzelectrofunktech.
Bon alors, on pourrait conclure que tous ces problèmes de classement de genre, c'est des trucs de médiathèque, mais c'est totalement stérile.
Et bien non
Et là je vais être affirmatif, et ne pas du tout relativiser.
Le classement, c'est la seule chose qui nous permet de penser le monde.
Permettez-moi un petit détour pédagogique :
Est-ce qu'on peut vraiment différencier le Jazz et le Rock : oui et non (cf le raisonnement ci dessus),
mais il faut le faire !
Est-ce qu'on peut vraiement différencier les catégories Vélo et Voiture : oui et non, c'est pareil. Il y a des vélos, des voitures, et tous les trucs entre les deux : des motos, c'est quoi, des vélomoteurs. Bon, mais alors, c'est encore un vélo, ou déjà une voiture ? Et une voiture à trois roues ? A oui, mais il y a aussi des motos à trois roues ! Et puis il y a des camions. Est-ce que ce sont encore des voitures ? Et des vélos à une seule roue ! Est-ce que ce sont encore des vélos ?
Ok, dit comme ça, c'est n'importe quoi, et on a envie de jeter ces catégories inopérantes au panier... et appeller tout ça des trucs-pour-se-déplacer-plus-vite-qu'à-pieds.
Sauf que si l'on a pas ces catégories, on ne peut ni réfléchir ni communiquer. Tout est dans tout, et réciproquement.
Ainsi, il est plus pratique de dire :
"j'ai besoin d'un vélo",
...plutôt que...
"j'ai besoin d'un trucs-pour-se-déplacer-plus-vite-qu'à-pieds, mais sans moteur, vous savez, avec de pédales, qui avance quand on appuie de dessus, et avec seulement deux roues pour pouvoir rentrer facilement dans mon immeuble, et une selle pour s'assoir".
Voilà, le fait que la catégorie "vélo" soit assez stable et que sa définition soit à peu de chose près reconnue par tout le monde, c'est vachement pratique.
Alors il y a bien des puristes qui voudraient qu'on différencie plus : les vélos de course, les vélos de ville, les vélos tous chemins, les vélos tous terrains, les vélos électriques, les vélosolex, les vélos à voile...
C'est vrai que c'est plus précis, mais ça devient contre performant : on s'éparpille, et c'est infini (on va bien trouver des VTT de ville, ou des vélos de course de piste ou de route, etc...).
Donc voilà, si on fait des catégories qui simplifient la vie, c'est à la fois pour pouvoir communiquer, et pour arriver à appréhender le monde.
Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin pour transposer dans le domaine de la musique et du Jazz en particulier : il y a le Jazz, et dedans, le hard bop, le be bop, le cool, le free, le musette, le rock, le blues...
Et puis y a-t-il vraiment une différence entre le Jazz et le JazzRock, entre le JazzRock et le Funk ?
Mais attendez, ce n'est pas fini (oui, j'ai décidé de tenter le record du post le plus long
)
Comment s'établi ce classement ? Qui décide ?
Et bien on a toujours constaté deux phénomènes à l'origine de la stabilisation des genres et des classes :
L'ajustement mutuel est le phénomène de base : progressivement, un nombre important de personnes se mettent à utiliser le même mot pour parler d'un même genre de chose, et voilà, ça devient la norme (éventuellement appuyée par des spécialistes). Mais cet ajustement est permanent, instable. Et d'ailleurs, régulièrement, il y a eu des débats sur est-ce que tel courant issue du jazz est encore du jazz. et il y en a toujours... CQFD. Toutes les catégories évoluent avec le temps, la culture, les gens : le sens des mots change. Mais il ne faut pas que ça change trop, non plus, sinon, on ne s'y retrouve plus. Essayez par exemple de lire un texte en Français du 12° siècle : on ne comprend rien !
Le deuxième phénomène est celui des repères identitaires. Le phénomène est très présent aujourd'hui dans le monde de l'electro : il y a quasiment un genre pas groupe, et d'ailleurs, personne ne s'y retrouve !!!
Dans ce cas, il s'agit, pour des auteurs ou des amateurs, d'affirmer une originalité, une différence par rapport aux autres, voire une démarquation : c'est totalement identitaire (parfois aussi commercial).
Il me semble qu'une bonne part des discussions sur le Jazz sont de cet ordre là : il s'agit d'affirmer, de s'affirmer, de convaincre les autres de sa valeur, ou qu'on a raison.
Donc voilà, ce qui est stérile, ce n'est pas la norme, la catégorie, ce n'est pas non plus le fait d'en discuter et de se bagarrer, de ne pas être d'accord... c'est le fait de vouloir que les autres se rangent à notre vision personnelle de celle-ci !
Or, aucun débat n'est possible si l'on n'accepte pas d'abord d'écouter les autres points de vue en jeu, de les comprendre, de les confronter à notre vision pour l'enrichir.
Il y a une catégorie généralement reconnue "Jazz", dont les limites sont floues et qui évolue (comme toute catégorie), mais à l'instant T, elle est vachement pratique pour comprendre les différences entre le Jazz et d'autres musiques, pour réfléchir à ses caractéristiques, pour en faciliter l'enseignement, etc...
Par contre elle n'a pas pour objectif d'enfermer les pratiquants de la musique dans la catégorie !!!
On peut faire ce qu'on veut : du Jazz, Du Fonk, de la Pop, et même du JazzPunkMétalElectroPop !