En parcourant sur ce forum les réactions incroyablement tranchées de certains sur ce que devrait être le prix, la qualité d’une guitare, sur qui aurait droit (amateur/professionnel) de s’en payer une comme ci plutôt qu’une comme ça, sur le fait que c’est bien fait pour Gibson (qui n’avait ka !), que c’est les doigts du guitariste ou l’ampli (c’est selon) qui font le son, que ma Tokaï à 1000 euros vaut largement une Gibs à 5000...., je découvre un rapport à la guitare très éloigné de celui que j’ai aujourd’hui.
Je joue quasi quotidiennement de la guitare, sauf mauvaises passes, depuis une quarantaine d’années. Il serait faux d’en déduire que j’en joue bien. Je n’ai aucune prétention en la matière. Disons que c’est « seulement » une passion, que selon les périodes, je pratique en solitaire ou que je partage en groupe.
Je n’ai eu pendant longtemps que des guitares asiatiques, de bonne qualité, dont j’ai été TRÈS content. Ca ne m’empêchait pas de reluquer des modèles plus « illustres », que je pensais hors de portée vu mon niveau et celui de mes finances.
Un jour, j’ai pourtant craqué par hasard pour une télé vintage, à plus de 3000 euros, sur un coup de cœur, après seulement 2 mn d’essai. Comment expliquer celà quand d’autres débattent sur le fait qu’une bonne guitare ça ne devrait pas dépasser 1400 euros ?
Cette télé, c’était pas mieux, c’était « autre chose ». C’était plus qu’un bon instrument : quand on la prenait en mains, on ressentait qu’elle avait une vie musicale déjà longue qui l’avait bonifiée, qu’avec sa marque, sa conception, son histoire, elle faisait partie de l’histoire de la musique. Difficile à expliquer, mais ce qui est certain, c’est que tout ça se ressentait positivement sur mon jeu et sur mon plaisir. J’imagine que c’est ce que certains appellent le mojo.
En tout cas, je sais maintenant qu’il n’y a pas besoin d’être un guitar heroe accompli ou un pro pour apprécier, au-delà même de sa qualité et de sa sonorité, un bel instrument. C’est tellement vrai que j’ai peu à peu revendu mes autres guitares, qui étaient devenues « fades » par comparaison.
Aujourd’hui, j’ai quelques belles archtops, que je joue. J’ai compris que c’est MON plaisir et que le plaisir, c’est parmi les trucs importants de la vie.
Facile, penserons certains, quand on a les moyens.
En fait, j’y mets l’argent que je gagne, quand je le peux, et après avoir payé l’essentiel. Donc, ça me demande du temps de mettre de côté. Certes, en contre-partie, je ne pars jamais au ski, rarement en vacances, mes enfants volent désormais de leurs propres ailes, je n’ai pas de voiture, ni de Rolex et ne suis pas propriétaire immobilier. Mon choix donc.
Tout ça pour dire quoi au fait ?
Pour dire que la disparition ou le risque de disparition de fabriques mythiques comme l’est Gibson, ça m’attriste. Que le rêve, c’est nécessaire ; qu’on est pas seulement sur terre pour bosser et tenter d’amasser. Les belles Gibson, celles du haut de gamme, me font rêver, même si elles sont le plus souvent hors de prix pour moi. Un autre, ce sera les voitures de sport, les fringues de luxe, une piscine à jets dans son jardin. Que sais-je ? Je respecte ou plus souvent je n’ai pas d’a priori contre. Moi, c’est les belles guitares.
Je sais que le savoir-faire, la qualité des matériaux, le travail justement rémunéré des ouvriers sur le sol américain en font largement le prix. Je sais aussi d’expérience qu’en rognant sur tout ça (qualité, acquis sociaux, voire droits de l’homme...), on peut également faire de bonnes guitares, voire de très bonnes ; ... mais pas les mêmes ! L’important c’est qu’il y en ait pour répondre au goût/ aux attentes de chacun.
Je parlais plus haut du risque de « disparition de fabrique ». C’est bien ça qui est en jeu dans la situation actuelle de Gibson. La marque, elle, est trop fameuse pour disparaître. Le danger, serait de l’apposer sur des guitares bien faites, à bas coût, sans qu’on sache trop ni où, ni comment ; ce serait, selon moi, de voir disparaître une tradition, peut-être élitiste, mais porteuse de rêve.
Celà, si j’ai mis des années à le comprendre, d’autres le ressentent directement. Ma télé vintage dont je parlais plus haut, je l’ai revendue ( ) un jour à un môme, bon guitariste. J’ai vu d’entré, quand il a essayé la gratte que c’était ça qu’il cherchait.