Je n'ai pas encore d'avis définitif sur le disque, mais je ne pense pas que Radiohead se soucie vraiment du "public". Ce sont des artistes, ils suivent leur bonhomme de chemin, expérimentent, font la musique qu'ils veulent. Après, que le public suive ou pas, c'est un autre problème. Évidemment, j'imagine qu'ils préfèrent recevoir de bonnes critiques de la part de la presse et de leur public, mais je ne pense pas que contrairement à des groupes plus consensuels (Coldplay, etc.), ils fassent de la musique pour répondre à une demande. Ils le font parce que c'est vital, parce que c'est viscéral pour eux.
Thom Yorke écoute des trucs comme Autechre depuis pas mal de temps. Ils s'intéresse à l'electro abstraite et minimaliste, au dubstep. Mais il n'y a pas que ça dans le disque, il y aussi un élément plus organique, plus musique contemporaine qui a été apporté par Jonny Greenwood. Je ne trouve pas que ça sonne vraiment comme The Eraser. À la première écoute, c'était mon impression en effet, mais plus je me plonge dans ces textures nouvelles, plus j'y trouve des choses plus complexes qui montrent que c'est un véritable travail de groupe.
Que ceux qui regrettent le Radiohead de The Bends ou d'OK Computer aillent réécouter ces disques et les myriades de clones qu'ils ont inspirés. Radiohead n'y reviendra jamais. Ce n'est pas U2. Quand tu as franchi un cap, comme ils l'ont fait sur Kid A, il n'y a tout simplement pas de retour possible. C'est comme vouloir redevenir vierge. Ils referont certainment des disques plus classiques, mais ils seront toujours imprégnés de ces trucs plus expérimentaux. À l'heure où la musique est de plus en plus consensuelle et où les groupes sont vite rangés dans des cases après leur premier album et n'en dévient plus, c'est bien que d'autres continuent à chercher.
Du coup, je suis assez content qu'ils aient sorti ce disque déconcertant qui me rappelle Kid A par bien des côtés. J'aimais bien In Rainbows, mais je trouvais ça plus "middle of the road", plus prévisible. Ce qui est cool avec Radiohead, c'est qu'ils se situent désormais du côté des grands stylistes de la pop, comme Brian Eno, Robert Wyatt ou Scott Walker. Écrire des chansons, ça ne les intéresse plus vraiment. Bien sûr, si tout le monde devait faire de la musique comme ils le font, ce serait un peu chiant. Il y a des jours où je suis d'humeur à écouter ce genre de trucs abstraits et il y a des jours où je veux écouter un vrai songwriter.
Au moins, avec cet album, l'avantage c'est que si ça ne te plais pas, tu peux zapper. Personne ne va te l'imposer au supermarché comme Zaz ou Benabar. Donc, si c'est pas votre truc, ça ne sert à rien d'argumenter. Vous pouvez écouter autre chose, c'est votre droit le plus sacré !