il y a quelques jours, je suis tombé sur la brochure que mustapha khayati avait rédigé anonymement en 1970 pour l'encyclopédie du monde actuel (e.d.m.a.) qui avait son siège à lausanne.
les marxismes : idéologies et révolution est une sorte de "que sais-je ?" qui synthétise bien les différents avatars du marxisme, en voici un extrait éclairant :
L'œuvre maîtresse de Marx,
Le Capital, n'est pas tant un traité d'économie qu'une critique de l'économie politique, comme l'indique le sous-titre même de l'ouvrage. Malgré certaines références à la rigueur scientifique, Marx n'a pas cherché à faire œuvre d'économiste, ni a fortiori à enrichir la science économique.
La théorie exposée dans
Le Capital vise avant tout à démonter les fondements de l'économie politique, science "bourgeoise" par excellence. La critique de la marchandise, de la forme marchande de production, en est le centre, et le "fétichisme" est le concept qui résume cette critique.
La révolution prolétarienne devient une nécessité inhérente à l'être même du prolétariat. Celui-ci est "révolutionnaire ou il n'est rien". Son internationalisme ne découle pas d'une option "idéologique", mais de la force même des choses ; c'est la bourgeoisie et son système marchand qui ont unifié le monde, et la lutte contre eux ne peut être menée que mondialement. Dernière révolution de classe, la révolution socialiste a pour but d'abolir définitivement les classes et d'instaurer une société où rien ne pourra plus exister "indépendamment des individus". L'abolition de l'Etat en est une condition sine qua non. Dès lors que "l'émancipation des travailleurs eux-mêmes", la libération de la classe ne peut se faire que collectivement, en dehors de toute représentation (principe bourgeois). La "dictature révolutionnaire du prolétariat" abolira en même temps que la propriété privée, le principe hiérarchique, les classes et l'Etat, la marchandise et le salariat.
Tel était le noyau fondamental de la théorie de Marx lorsqu'elle est apparue. Depuis plus d'un siècle, il a été rarement admis - dans sa totalité - par tous les disciples. Déjà de son vivant, devant les déformations de sa pensée, Marx protestait en écrivant : "Je ne suis pas marxiste". D'un côté le marxisme deviendra non seulement une idéologie (au sens de Marx), mais une justification de la politique des partis ouvriers réformistes et staliniens. D'un autre côté, il ne cessera d'inspirer, en dehors des appareils politiques et des luttes ouvrières, une réflexion "critique et révolutionnaire" fidèle à ses origines sinon à ses buts.
Le processus d'idéologisation de la pensée de Marx a commencé avec son plus fidèle compagnon, Engels, à la fin de sa vie. L'accord établi entre celui-ci et les dirigeants du plus puissant parti ouvrier de l'époque, la social-démocratie allemande, va faire école et devenir la justification de nombreux compromis politiques. En admettant le parlementarisme comme moyen possible d'accéder au socialisme, Engels - dans ce qu'il est convenu d'appeler son testament - semblait entériner la politique réformiste des leaders du mouvement ouvrier. Auparavant, il avait déjà insisté sur le caractère "scientifique" du socialisme, ouvrant par-là la voie à tous les idéologues de la IIème Internationale, essentiellement au Kautskisme. En un mot, à l'idéologie marxiste.
à propos de louis althusser :
Professeur à l'Ecole normale supérieure où il a rassemblé de nombreux disciples, Louis Althusser se réclame de la grande tradition philosophique du "socialisme scientifique" : "Marx - Engels - Lénine - Staline - Mao Tsé-toung". Tout en demeurant membre du parti, Althusser ne craint pas de proclamer que "Staline est l'un des plus grands philosophes de notre temps".
d'autres photos :
https://situationnisteblog.wor(...)1974/
sur le même sujet, celui de l'idéologie marxiste particulièrement froide :
kostas papaïoannou,
l'idéologie froide : essai sur le dépérissement du marxisme, 1967.