Redstein a écrit :
Je ne t'ai pas toujours critiqué, et je trouve que tu as un point de vue intéressant à apporter - faut vraiment être bouché pour ne pas voir que je sympathise avec pas mal de tes positions - mais b*rdel, fais un effort pour exister hors de ce copier-coller/plagiat permanent !
j'ai toujours été indifférent tant à tes critiques absurdes qu'à tes éloges hypocrites, et ce pour la bonne raison que nous ne sommes pas du même camp.
je suis d'ailleurs étonné que tu puisses "sympathiser" avec mes "positions" puisque ces positions sont tout à fait contraires aux tiennes. tu m'as peut-être mal lu, ou plutôt les auteurs que je me plais à citer... mais en fait, je crois que tu as parfaitement lu et c'est de là que te viens ta petite haine : beaucoup moins sur la forme que prennent mes messages (comme tu voudrais le faire croire) que sur leur contenu.
par ailleurs, tu penses bien que si j'avais quelque chose de réellement personnel à énoncer, je choisirais pour le faire un autre lieu que le marécage d'un forum internet.
je voudrais expliquer pourquoi nous ne sommes pas dans le même camp et pour cela, je ne vais pas me fatiguer. je me contenterai de citer jaime semprun. il est à noter que si cette analyse du camp auquel tu appartiens date de 1997, elle n'a pas été démentie dans les années qui ont suivi :
comme il a été dit dans les
remarques sur la paralysie de décembre 1995, ce qu'a laissé derrière elle cette protestation avortée, c'est le sentiment général qu'il n'y aura pas de "sortie de crise" et qu'il n'y a que des calamités à attendre du fonctionnement de l'économie planétarisée ; sentiment qu'a exprimé assez exactement, c'est-à-dire aussi vague et incomplet qu'il est, le livre de viviane forrester,
l'horreur économique. (phrase type : "dans ce contexte, les sdf, les "exclus", toute la masse disparate de ces mis-de-côté forment peut-être l'embryon des foules qui risquent de constituer nos sociétés futures si les schémas actuels continuent de se dérouler.")
mais si tant de gens sont désenchantés des promesses de la société industrielle (l'automation n'a pas supprimé le travail, elle en a fait un privilège envié), ils ne le sont pas de la société industrielle elle-même. les contraintes organisatrices qu'elle impose, ils voudraient juste les amender, les adoucir, peut-être même les humaniser.
on sait tout ou presque des conséquences inévitables de la modernisation économique, et on réclame du "respect", des dirigeants qui disent la vérité, etc.
on se fait peur avec de terribles éventualités ("et s'il nous arrivait de ne plus vivre en démocratie ?" s'inquiète viviane forrester), pour se rassurer en fin de compte, faire comme si on était bien installé dans la paix, la démocratie,
puisque ce vers quoi nous allons ne ressemble à aucune forme de dictature connue à ce jour et répertoriée comme telle par les démocrates.
en tout cas on ne s'en prend jamais au contenu et aux finalités de la production industrielle, à la vie parasitaire qu'elle nous fait mener, au système de besoins qu'elle définit ; on déplore seulement que la cybernétique n'ait pas été à l'arrivée l'émancipation attendue.
et puisque ce n'est pas ce mode de production, avec les techniques qu'il a développées pour son service, qui est à incriminer, ce sont les "nouveaux maîtres du monde" qui doivent être responsables de nos malheurs : ces prédateurs apatrides, cyniques et jouisseurs, on nous les dépeint comme s'ils étaient les seuls à vivre insouciants de l'avenir et indifférents à tout ce qui n'est pas leur satisfaction immédiate ; comme si ailleurs, dans on ne sait quel peuple fermement attaché à ses traditions, s'étaient conservées intactes, hors d'atteinte du nihilisme marchand, l'honnêteté, la prévoyance, la décence et la mesure.
ces dénonciations moralisantes de l'horreur économique s'adressent en premier lieu
aux employés menacés par l'accélération de la modernisation, à cette classe moyenne salariée qui s'était rêvée bourgeoise et se réveille prolétarisée (et même lumpen-prolétarisée). mais ses peurs et sa fausse conscience sont partagées par tous ceux qui ont quelque chose à perdre au dépérissement de l'ancien état national qu'organisent les pouvoirs qui contrôlent le marché mondial : travailleurs des secteurs industriels jusque-là protégés, employés des services publics, gestionnaires divers du système de garanties sociales maintenant mis à la casse.
tous ceux-là forment la masse de manoeuvre d'une espèce de front national-étatique où une sauce idéologique anti-mondialiste lierait toutes sortes de rebuts politiques avariés : républicains à la mode chevènement-seguin-pasqua, débris staliniens, écologistes socialisants, gaucho-humanitaires en panne de militantisme et même néo-fascistes en mal de "projet social".
ce parti de la stabilisation n'a une vague apparence d'exister que pour fournir un exutoire aux récriminations contre les excès des partisans de l'accélération : il a pour raison d'être une protestation sans effet, et qui se sait elle-même vaincue d'avance, n'ayant rien à opposer à la modernisation technique et sociale selon les exigences de l'économie unifiée. il n'est d'ailleurs pas un de ces soi-disant ennemis de l'unification du monde, jusqu'aux plus gauchistes, qui ne s'enthousiasme des possibilités de télédémocratie offertes par les "réseaux".
une telle représentation des mécontentements sert surtout à intégrer la protestation dans des pseudo-luttes où l'on se garde toujours de parler de l'essentiel et où l'on
revendique les conditions capitalistes de la période précédente, que la propagande désigne sous le nom d'état-providence ; elle ne pourrait prendre quelque consistance, comme relève politique, qu'à l'occasion de troubles graves, mais ce serait pour étaler son impuissance à
restaurer quoi que ce soit.
en réalité, le rôle historique de cette fraction nationale-étatique de la domination, et son seul avenir, est de préparer les populations - puisque tout le monde au fond se résigne à ce qui est admis comme inévitable - à une dépendance et à une soumission plus profondes. car le fond de tout cela, de toutes ces "luttes" pour le service public et le civisme, c'est la
réclamation, présentée à la société administrée, de nous éviter les désordres que répand partout la loi du marché, pour laquelle "l'état coûte trop cher".
et comment le pourrait-elle, sinon par de nouvelles coercitions, seules capables de tenir ensemble ces agrégations de folies que sont devenues les sociétés humaines civilisées ? qu'est-ce qui nous protège en effet d'un genre de chaos à l'algérienne ou à l'albanaise ? certainement pas la solidité des institutions financières, la rationalité des dirigeants, le civisme des dirigés, etc.
bibliographie : jaime semprun,
l'abîme se repeuple