J'ai enfin pu me regarder The Irishman (en une traite - j'appréhendais mais en fait pas d'assoupissement ou de relâchement de l'attention au final).
J'ai pris plaisir à le regarder mais non ce n'est pas, pour moi, un "grand" Scorsese. C'est un film-somme, c'est crépusculaire, c'est un dernier tour de manège de la bande de géants qu'il a si souvent mis en lumière (De Niro, Pesci, Keitel) et un "petit nouveau", Al Pacino, et qui réenfilent une dernière fois leurs habits de tragédiens de l'amérique des bas-fonds.
J'ai pris un plaisir clairement nostalgique.
Oui, le rajeunissement numérique de De Niro gêne au départ, puis on accepte (ou pas) et on se laisse prendre par la main de la façon si familière à Scorsese. L'intrigue ne réserve que peu de surprises (sauf à ignorer complètement l'histoire des USA du XXème siècle) mais est assez bien contée. Il y'a une chose que j'ai appréciée, ça pourrait surprendre je vous préviens: ce sont les exécutions de De Niro. C'est sec, expéditif, sans aucune fioriture ni dramatisation, c'est extrêmement réaliste. On se souvient des exécutions du même genre dans les grands films du passé, et même (surtout?) chez Coppola il y'avait un désir esthétique qui d'une certaine façon les glorifiaient ou en tout cas les nimbaient d'un halo romantique. Ici, rien de celà, on s'approche, on tire par surprise, on achève et on se barre, avec la même aisance que si on allait nourrir le parcmètre. Ce réalisme cru et nu est bienvenu je trouve, et même s'il a toujours été la marque de Scorsese, je trouve qu'il a encore simplifié son approche, pour être certain de dénuer ces gestes de la moindre ambiguité: c'est du travail de fonctionnaire zélé, dépassionné et efficace. Ca rend la chose encore bien plus terrifiante évidemment.
L'attitude et le rejet de la plus jeune fille de Frank/De Niro est probablement celle que Scorsese espère, au soir de sa vie, nous voir adopter, étant conscient d'avoir décrit sans ménagement mais aussi parfois avec un certain romantisme quand même cette face noire de l'amérique. L'absence de regrets exprimés du personnage de de Niro est probablement le pendant exact des regrets enfouis de Scorsese - en tout cas, c'est ainsi que je le ressens.
Pas mal pour un film qui n'est pas un grand film au final - du Scorsese très moyen reste toujours tellement au-dessus de la moyenne!
Ah oui: ça m'a fait plaisir de voir le cameo de Steven Van Zandt en crooner de soirée .
In rod we truss.
"Quelle opulence" - themidnighter
"It's sink or swim - shut up!"