jules_albert a écrit :
"Le paradis du titre, c’est l’Eden de l’espace américain, un Eden saccagé par les hommes."
Dan O’Brien (ami de Philippe Garnier) a grandi près des usines de pneus au nord-est de l’Ohio, mais étant enfant, il a vu une image qui marquerait son existence : à travers la vitre arrière de la Chevrolet de son père, il aperçoit l’immensité sublime des Grandes Plaines. Trente ans plus tard, il y achète un ranch et change de vie. Il arrive bardé de diplômes universitaires avec une immense bibliothèque dans un endroit où les livres ne jouissent pas d’un grand prestige. Il prend un faucon comme seule arme pour chasser dans un pays où les chasseurs ont la gâchette facile. Et pour couronner le tout, il commence à parler à ses voisins de l’importance de préserver la faune. Certains pensent qu’il est fou, d’autres le trouvent dangereux. À partir de là, Dan O’Brien essaye de trouver un moyen de gagner sa vie dans cet endroit magnifique et inhospitalier. Mais il découvre bientôt que les Grandes Plaines ne sont pas ce qu’il croyait étant enfant :
après l’annihilation des soixante millions de buffles qui les peuplaient et garantissaient leur écosystème, toute leur richesse naturelle fut dévastée par la poussée capitaliste.
Alors Dan O’Brien imagine l’impossible : récupérer l’environnement original et indomptable qui existait un jour sur ces vastes terres en ramenant les bisons. Et au passage, retrouver une forme de vie noble et sauvage pour ces animaux pratiquement éteints et aussi pour lui-même. Ce livre qui est entré de plein droit dans le canon de ce qu’on appelle le
nature writing illustre parfaitement la façon dont
la vie s'agrandit quand on décide d’aller à la recherche de ce qui nous fait vraiment sentir vivants.
"Les bisons, les wapitis, les mouflons, les cerfs, les antilopes se déplaçaient rapidement sur ces prairies infinies. Depuis que les vaches ont été implantées dans les Grandes Plaines du Nord, elles ont consommé le pâturage de façon anormale. Elles ont tendance à se disperser pour brouter, à ignorer les plantes qu'elles n'aiment pas et à dévorer leurs préférées comme si elles faisaient le tri dans une boîte de chocolats. Les meilleures herbes disparaissent et il ne reste plus que les espèces les moins savoureuses, ce qui dégrade le pâturage. Les plantes des Grandes Plaines s'enrichissent lorsque les troupeaux les piétinent et les broutent intensivement, avant de repartir. Le grand herbivore indigène, le bison, évoluait en troupeaux compacts pour se protéger des prédateurs et donnait ainsi aux herbes des prairies tout ce dont elles avaient besoin pour prospérer. Et quand l'herbe prospère, tout prospère." (page 31)