Merci Saulot.
Sinon, je sais qu'on est sur backstage, mais j'ai commis le texte suivant pour expliquer à PP notamment mon point de vue... pour les réfractaires à la lecture ou à mon ton, passez à la page suivante
Je vais prendre l’exemple des femmes maghrébines habitant en France. Le but c’est d’exposer mon point de vue, mais il peut être étendu à tout sexe et à de nombreux pays, avec des modalités de mécanismes différentes. Je sais déjà que je serai incompris de la plupart, mais c’est bien si une seule personne peut me lire jusqu’au bout et - non pas changer d’opinion - mais se dire qu’on peut essayer de comprendre la situation actuelle sans être nécessairement complice du terrorisme.
En tant qu’Arabes résidant en France, les femmes maghrébines font l’expérience d’une forme de duperie où le discours universaliste républicain répété inlassablement à l’école, par les responsables politiques, par les médias n’est pas du tout suivit d’effet. Elles appartiennent à une classe de sous-citoyen, vivant dans des conditions modestes, dans des zones ghettoïsées, avec extrêmement peu de perspective d’intégration dans la société française. Non seulement leur condition est en contradiction de fait avec le discours intégrateur, mais on les accuse de profiter de la mansuétude de l’Etat avec les allocations, aides à l’emploi, sécurité sociale, alors qu’on leur démontre tous les jours, de fait, qu’on ne leur offre pas la possibilité de vivre sans, dignement.
En tant que femmes, elles sont confrontées à un modèle de société d’accueil qui est patriarcal, qui assigne les femmes à un rôle de soumission sexuelle. L’identité d’une femme occidentale doit passer par un certain nombre d’accessoires qui relèvent leur caractère d’objet et étouffe leur indépendance : avez-vous déjà essayé de ne pas avoir froid et de courir en décolleté, muni de talons, de mini-jupe ? avez-vous déjà réfléchi à ce que signifie le fait de mettre du rouge à lèvre ? Quand elles trouvent un emploi, elles savent qu’à condition égale, elles recevront moins qu’un homme, mais surtout, qu’elles auront toutes les peines du monde à trouver un emploi à condition égale d’un homme. Etre femme musulmane c’est subir deux fois plus la domination masculine (« les arabes sont toutes des putes » dans l’imaginaire machiste occidental) et subir deux fois plus la domination « économico-ethnique » (être une dominée économique parmi les dominés économiques).
Face à ça, on leur propose de renouer avec leur communauté de destin. On leur propose de ne plus s’habiller en objet sexuel des hommes, selon le désir des hommes, mais de s’habiller selon la volonté de « dieu ». On leur offre une réponse à ce qu’elles vivent concrètement tous les jours dans la rue (sifflement, comportement machiste). On leur offre une place au quotidien, une identité et un rôle, une perspective de réalisation alternatif (et cohérent) à ce qu’elles vivent au quotidien, avec cet enfermement économico-ethnique concret mais invisible que leur soumet la société française jour après jour. Je lis souvent par ici les doléances de mâles français de pure souche (sans être péjoratif) qui estiment qu’ils ne sont plus écoutés par les élites, que leurs perspectives sont inexistantes. Mais ces mêmes personnes, dès qu’il s’agit d’intégration sociale, déplore que les immigrées de seconde génération, doublement défavorisées par rapport à eux, en raison de leur sexe et de leur origine sociale, n’adhèrent pas à ce modèle élitiste que les français mâles de pure souche honnissent en tout autre situation (enfin, quand il s’agit de la leur). Le double-discours, voire la malhonnêteté intellectuelle, ne serait-il pas ici, précisément ?
Il y a d’autres pensées de gauche, je n’en ai pas le monopole. Mais pour moi, être de gauche ne signifie pas soutenir la redistribution, l’Etat généreux, la victimisation, etc.. Cela signifie croire que l’identité n’est pas le produit d’idéaux, comme celui de la république universelle des citoyens, mais le produit des conditions réelles d’existence. C’est le travail, au sens large de ce qu’on fait concrètement dans le monde, matériellement et économiquement, qui fait ce que l’on est. De ce point de vue, je suis un matérialiste historique. A partir de là, offrir à chacun, les moyens de se réaliser, est la seule issue aux conflits sociaux, quels qu’ils soient. Ne pas prendre en compte la réalité des conditions d’existence de chacun est au contraire le meilleur moyen de renforcer les inégalités, de précariser encore plus les démunis en les marginalisant ou en les rendant encore plus dépendant, c’est aussi un moyen de les rendre responsable (négativement) de conditions de vie qu’ils ne sont pas en mesure de choisir. Et ça, c'est particulièrement tordu.
Vous battez pas, je vous aime tous